Nous y voilà. Ce moment fatidique où je rencontre une nouvelle fois l’une des personnes les plus importantes de ma vie. Le genre de personne qu’on ne doit pas oublier, mettre de côté, à qui on doit expliquer les moindres détails de nos vies, pour toujours et à jamais. C’est un peu comme un mariage silencieux. Une formule secrète qui nous lie à tout jamais à l’autre. Si les âmes sœurs existaient en amitié, cette personne doit être la mienne.
Et je l’ai oubliée.
Au profit d’un voyage pendant lequel je lui écrivais de temps en temps et où on partageait quelques facetime ou encore des photos. 5 ans d’absence dans ma ville natale. 5 ans pendant lesquels j’ai omis de lui dire à 4 reprises que je revenais à Noël dans ma famille. 4 fois 12 mois qu’on ne parle plus. Je ne lui ai même pas souhaité un joyeux anniversaire durant les 4 dernières années. Mais mon secret pesait trop lourd sur mes épaules et, comme à l’image où j’ai fui Londres pour adopter la technique de l’autruche et faire comme si rien ne s’était passé, j’ai fui Tree Hill, ma famille et mes amis pour cacher mon vilain secret. Chose que je tiens encore secrète envers et contre tous aujourd’hui malgré les failles qui se creusent du côté de Toni. Je tiendrais bon et, un jour, tout le monde finira par se réjouir de mon choix de rentrer définitivement à la maison.
Sauf qu’il manque une pièce de mon puzzle. L’essentiel de mon équilibre dans cette ville parfois complètement folle où les rumeurs entre ados ont toujours été plus rapides que la musique. Une alliée de taille pour faire face au lycée, une complice dans toutes nos petites vengeances d’enfant, toujours partante pour faire les pires bêtises pensable. Celle avec qui j’ai essayé de fumer ma première cigarette avant de comprendre que c’était tout simplement horrible en plus de me bousiller les poumons. Celle avec qui j’ai bu ma première bouteille de bière en entier avant de vomir derrière un banc dans le parc. Celle avec qui je me cachais quand arrivait l’heure des cours de gym au bahut et que nous n’avions aucune envie pour cause de flemmingite très aigue.

La nostalgie me brûle si fort le cœur, les souvenirs remontant toujours un peu plus à la surface, me font passer du rire aux larmes. Jusqu’au moment où il faut prendre le taureau par les cornes et arriver à faire face. Mais ma meilleure amie est bien plus perspicace que Toni, bien plus curieuse de mon frère et la langue plus déliée que ma mère. Elle ne me cachera pas sa colère, sa tristesse ou tout ce qu’elle a pu ressentir de mon absence. Pour ma part, la culpabilité me fait plonger dans un gouffre où je fini par me noyer. Je dois la revoir. Ne serait-ce que pour lui donner une explication. Peut-être est-ce le moment de révéler mon secret. Peut-être est-il temps d’affronter mes sentiments pour Lui avec quelqu’un d’autre pour l’oublier.
Je ne sais pas si son numéro de téléphone est toujours actif. Alors j’abandonne cette idée. Je l’ai toujours en amie sur les réseaux sociaux, de toute les manières rien ne pourra être pire et si elle ne veut pas me voir elle n’aura cas me le dire aussitôt … Armée de courage, je lui donne rendez-vous au Karen’s café. On y passait des heures étant adolescentes, on y révisait, parfois, mais les discussions sur nos avenirs ou ce qu’on aimerait faire avec le lycée allaient bon train et les révisions passaient au second plan.
Certains aiment à croire que ce genre d’amitié est capable de résister à toutes les tempêtes, peut importe l’intensité du vent ou de la pluie, peut importe la force avec laquelle la grêle frappe, on est censée être reliée à vie.
C’est en faisant tourner ma tasse de café entre les doigts, nerveuse, que je l’attends. Heures de révélations ou non, je lui dois plus d’explications qu’à n’importe qui d’autre. Lorsque la porte s’ouvre sur Célia, je pince les lèvres, lui faisant un petit signe de la main pour qu’elle me voit. Mais en a-t-elle réellement besoin ? Je reste assise, l’expression honteuse lâchant un simple petit « Salut … » à voix basse tandis que mon cœur menace de s’arrêter. Est-ce qu’elle sera capable de me pardonner ?

@Célia Copeland

Ce message était inattendu. Il y avait longtemps que je n'avais pas eu de nouvelles et j'avais fini par ne plus en attendre. C'était triste. Bianca et moi étions les meilleures amies du monde. Nous étions si complices et nous avions tout partagé ensemble. Les confidences, les rires, les bêtises, les pleurs. Je pourrais probablement écrire un roman de tout ce que nous avions vécu toutes les deux. Si on m'avait dit à l'époque que nous allions nous éloigner et ne plus avoir de contact, je n'y aurais probablement pas cru. Après tout, c'était ma sœur de cœur. Il n'y avait pas de raison qu'on puisse un jour se perdre. Quand Bianca avait quitté Tree Hill il y a cinq ans, j'étais persuadée que cela ne changerait rien à notre amitié. Il y avait, de nos jours, des tas d'outils et de moyens pour rester en contact. Un lien aussi fort que le notre ne pouvais que survivre à la distance. Seulement, les choses ne s'étaient pas passées comme je l'avais imaginé et si j'avais tout fait pour ne pas perdre Bianca, mes efforts avaient été vain. Je ne l'avais pas revue une seule fois depuis qu'elle était partie de Tree Hill. Pourtant, j'avais appris qu'elle était revenue pour les fêtes. Quant aux messages, ils étaient devenus inexistants. J'avais fini par arrêter d'envoyer de mes nouvelles, lassé d'être toujours celle qui en prenait l'initiative. Cela ne voulait pas dire que je ne pensais plus à Bianca, bien au contraire. J'espérais qu'elle ait réussi à se construire une vie ou elle s'épanouissait. Je me disais qu'elle devrait être trop occupée ou débordée pour pouvoir me parler. J'essayais de trouver mille et une raison qui pouvait expliquer son absence et son silence. Parfois cela me mettait quand même en colère. J'avais toujours été du genre à penser que quand on veut, on peut et qu'elle avait forcément un moment pour pouvoir me contacter. Ça m'arrivait de lui en vouloir un peu et puis la seconde d'après elle me manquait.

Plusieurs années étaient passés maintenant et Bianca était comme un fantôme du passé. J'avais fini par accepté qu'elle ne fasse plus parti de ma vie. Même si cela faisait mal. C'était ainsi. Il fallait savoir laisser partir les gens... et il fallait aussi les laisser revenir. C'est pourquoi j'avais accepté de venir la rencontrer au Karen's Café. Je me demandais ce qui avait pu lui donner l'envie de me re-contacter après tout ce temps. Pourquoi maintenant ? Qu'est-ce qu'elle pouvait bien avoir à me dire ? Je savais que la meilleure façon d'avoir des réponses était d'y aller. Je poussais donc la porte du Karen's café. Une porte que j'avais poussé tous les matins pendant plusieurs années puisque j'y avais travaillé. Je saluais d'ailleurs certaine de mes collègues, devenu des amies. J'aimais cet endroit. Ce qui était drôle quand on sait que je n'aimais pas réellement travailler en tant que serveuse. Pas a cause de mes collègues, mais surtout parce que le métier en lui même ne me passionnait pas. J'avais d'autres ambitions. Malgré tout, je me surprenais parfois à penser à cette époque de façon positive, parfois, les moments avec les filles me manquaient. Même si il était hors de question pour moi de revenir travailler ici, puisque j'avais réussi à faire ce que je voulais de ma vie. Je ne regrettais rien. Je repérais rapidement Bianca qui me faisait un signe de la main. Je sentais mon cœur battre un peu plus fort. C'était étrange, mais je ne savais même pas exactement quoi ressentir. La joie de la retrouver ? Le regret et la rancune de ne pas avoir eu de nouvelles si longtemps ? J'étais partagée entre un sentiment positif et du négatif. J'arrivais jusqu'à elle, un demi sourire aux lèvres - « Salut. » - Répondis-je avant de m’asseoir. Elle avait l'air tendu, non ? - « Comment est-ce que tu vas ? Je dois avouer que je ne m'attendais pas du tout à recevoir ton message, ni à ce que tu me demande de venir ici.... » - Dis-je sur un ton neutre, sans agressivité.

@Bianca Flores

Elle a l’air d’être sereine. C’est une des premières pensées qui me tourmentent alors qu’elle passe la porte du café. Malgré les quelques années qui sont passées, elle n’a pas beaucoup changé. Ou peut-être que ses cheveux sont plus long. Quoi qu’il en soit, elle est bien plus calme que moi. Je me rends malade de cette rencontre car je me sens coupable d’avoir laissé un silence s’installer entre nous. Quel genre d’amie fait ça ? Le style mauvaise, égocentrique et ingrate. Je suis pitoyable dans tous les sens que la vie m’a donné, en tant que sœur, en tant que tante, en tant petite amie, bien que ce dernier ne compte pas vraiment vu que je n’étais qu’une maitresse et en final amie. Même mes parents n’avaient que trop peu de nouvelles et il faut que je revienne chez moi pour me retrouver, renouer avec celle que j’étais et redevenir la fille honnête et fidèle à ses principes, même s’ils en ont pris un sacré coup durant 5 ans.
Je me sens comme une petite fille qui vient de faire une bêtise lorsqu’elle s’installe en face de moi et répond à mon salut qui était si bas que je doutais même qu’elle puisse l’entendre. Elle prend place en face de moi, je tourne et retourne mes doigts, prise en faute, alors que mon ancienne meilleure amie s’étonne d’avoir reçu mon message et encore plus que cette rencontre ait finalement lieu. Elle reste calme, patiente, et je reconnais la fille qui a presque toujours été à mes côtés. Elle devrait m’en valoir à mort, m’envoyer une tasse de café sur le crâne, me bourré des biscuits dans la bouche jusqu’à m’étouffé, mais elle reste juste … calme. Ce qui me perturbe encore plus au final. Peut-être a-t-elle finalement tourné la page sur notre amitié ? Peut-être qu’elle a fini par cesser elle aussi d’attendre mes nouvelles et qu’elle s’est lassée de la pauvre fille partie vivre son rêve en Europe. Mouais, j’aurais peut-être préféré qu’elle me balance une tasse de café dans les cheveux, peut-être que je me sentirais moins mal.

« Et bien je … je vais bien. Enfin, je suis entière, c’est déjà pas mal ! Et toi ? » je tente de sourire mais il ne contamine pas mes yeux, restant plat et sans saveur. « J’avais envie de te voir, de parler enfin de se retrouver … Oui parce que, tu étais ma meilleure amie alors … » Je retombe dans le silence, mes explications n’en sont pas du tout et je préfère garder le silence en grimaçant un sourire. Je n’ai jamais été très forte pour me faire pardonner, car je n’avais pas beaucoup à le faire. C’est difficile, ça fait un mal de chien et bon sang que j’ai hâte d’en arrêter avec ça ! Mais il s’agit de Célia cette fois, par n’importe qui sur terre et j’espère que, malgré les années qui nous ont séparer, cette pauvre petite flamme d’amitié puisse être ravivée. Et comment se fait-on des amis ? En commençant par la vérité, toute la vérité. « En réalité, je me rends compte de tout ce que j’ai fait, ou plutôt pas fait, depuis que je suis partie en Europe et à Londres et ne plus t’envoyer de nouvelles c’était … Pas cool de ma part. » J’entame mon récit, le cœur serré, la boule au ventre. « Tu te souviens comme je détestais toutes ces filles qui trompaient leur copain au lycée ? » Je lui laisse le temps de se souvenir, ou pas, peut-être a-t-elle oublié, mais ce n’est rien, car ça n’enlève pas mon envie de pousser jusqu’au bout de mon histoire, sans filtre et faux semblants. Je fixe la table, jouant avec mes doigts pour ne pas affronter son regard. « On va dire que j’étais l’une de ces filles pendant tout ce temps. Le gars est marié. Mon premier amour, dans tout … » Je me pince les lèvres, car c’est déjà énorme comme révélation. Et elle sait très bien que je n’avais jamais été aussi loin avec un garçon de toute notre jeunesse. « En bref, en plus de sa femme, il y avait d’autres filles en plus de moi et je l’ai appris. » je me gratte la joue, honteuse, avant de relever les yeux vers elle pour en terminer. « Si je te dis tout ça, c’est parce que je reviens définitivement ici. Et aussi pour te dire que je suis désolée d’avoi été une amie aussi pourrie … J’espère que tu pourras me pardonner. » Je souffle les derniers mots, la nervosité prenant le dessus sur tout le reste. Peut-être que je vais le recevoir, ce café en pleine figure, après tout je le mérite.

@célia copeland

Elle était toujours la même, bien que son visage me semblait un peu plus fermé. Est-ce qu'elle s'angoissait à l'idée de notre rencontre ? Est-ce que ces quatre années l'avait changée ? Je me souvenais d'une femme toujours souriante. Ensemble, on avait fait les quatre cent coup. On regorgeait toujours d'idées pour les bêtises ou tout simplement pour s'amuser. Mais à cet instant, je ne reconnaissais plus cette flamme dans ses yeux. Elle disait qu'elle avait eut envie de me revoir de parler. Après tout ce temps, cela me semblait étrange. Elle aurait eu l'occasion de le faire chaque année quand elle revenait pour les fêtes. J'aurais forcément trouver un moment pour elle. On aurait pu aller faire nos achats ensemble ou même aller au marché de noël, comme on aimait le faire à l'époque. Mais non, Bianca était restée dans le silence - « Étais » - Répétais-je, alors qu'elle venait de dire elle même que j'étais sa meilleure amie, comme ci cette amitié appartenait au passé. Après tout, c'était un peu le cas, mais l'entendre en parler comme ça me faisait mal au cœur. J'avais toujours cru qu'elle ferait parti de ses gens qui ne descendent jamais du train, de ceux qui resteraient avec moi jusqu'à la fin du voyage. J'avais toujours tout un tas de choses à dire, mais là, je restais silencieuse, observant les débris de notre amitié. Est-ce qu'il restait encore quelque chose ? Est-ce qu'on pouvait reconstruire ce lien ? Le fait qu'on soit là toutes les deux indiquait bien qu'il y avait une volonté de reprendre le contact. Seulement, j'avais peur que les années et le silence ait tout brisé. Je l'écoutais alors reprendre la parole. Oui, c'était elle qui avait tout gâché. Je n'allais pas lui dire l'inverse. Moi, j'avais toujours cherché à avoir de ses nouvelles, je prenais l'initiative des contacts le plus souvent. Au départ elle me répondait et puis elle avait cessé de donner de ses nouvelles. J'avais dû me rendre à l'évidence et arrêter de me faire du mal : Bianca ne voulait pas garder ce lien avec moi. Elle vivait sa nouvelle vie en Europe et je n'en faisais plus partie. J'avais alors décidé de lâché prise, parce que parfois, c'est tout ce qu'il y a à faire. On ne peut pas forcer les choses et si les gens ne font rien pour rester dans nos vies, il faut juste les laisser s'en aller - « Oui. Je pensais qu'on était des meilleures amies et que la distance n'y changerait rien. Je vais pas mentir ce silence m'a blessée et surtout, je ne l'ai pas compris. » - Je la laissais ensuite entamé un long récit ou elle m'expliquait ce qui lui était arrivé, comme pour se justifier de ce silence. Je hochais la tête, bien sur, je me souvenais de ses filles qu'elle détestait. Bianca avait toujours eut un certain dégoût pour l'infidélité. Tout comme moi d'ailleurs. Pourtant, ça ne m'avait pas empêché de commettre un adultère, d'être l'autre femme. J'imagine qu'adolescentes, nous avions trop peu d'expérience de la vie pour comprendre ces choses là. Elle m'expliquait alors ce qu'elle avait vécu pendant tout ce temps et forcément, je me reconnaissais en elle. J'avais vécu la même chose et j'en avais pas parlé. A personne. Pas même à ma famille - « Tu aurais pu venir m'en parler, tu sais j'aurais été mal placé pour te jugé. Moi aussi j'ai vécu ça et j'ai vraiment eut du mal à me défaire de mes sentiments pour cet homme, parce qu'il faisait tout pour que je reste. Même quand j'ai appris qu'il avait une femme, il me soutenait que ça n'allait plus entre eux, qu'il allait la quitter... enfin je te passe tout le baratin. J'ai aussi été cette fille Bianca et c'est pas toi qui devrait avoir honte, mais lui. » - Je voyais bien qu'elle se sentais honteuse de cette histoire pourtant, c'était pas elle la fautive. Moi aussi j'avais eu honte a l'époque, c'était pour ça que je n'en avais pas parlé - « Eh bien voilà une bonne nouvelle ! Je ne peux pas te dire que je ne t'en veux pas de m'avoir tourné le dos, mais on est amies toutes les deux et c'est ce qui compte et je veux croire qu'on peut passer au dessus. Et si je peux t'aider à surmonter cette peine dans ton cœur, tu peux compter sur moi. » - Je lui adressais un léger sourire.

@Bianca Flores

Etais. Bien que ce soit moi qui le prononce, que ce soit elle qui reprenne ce mot me brise un peu le cœur et me donne envie de me cacher dans un trou de souris. J’ai envie de réparer un vase brisé, et je me rends compte que la tâche sera bien difficile à exécuter. Nous refaire confiance mutuellement et redevenir la confidente de l’autre sera peut-être possible mais il faudra certainement attendre un long moment. Ma meilleure amie … Je n’en reviens toujours pas d’avoir agit comme une gamine amoureuse égoïste. Je ne vais jamais me pardonner mes actes. J’aimerais mettre ce manque de nouvelles et de contacts sur le dos du décalage horaire, de mon travail, de mes découvertes, de ma relation pourrie ou encore sur le poids des secrets que je gardais jalousement. Mais non. J’aurais dû lui dire que je rentrais chaque année à Noël mais que je ne pensais qu’à filer retrouver Wes dans l’hôtel qu’il louait non loin. Car c’était l’un des rares moments où il n’était qu’à moi … Et que je souhaitais en profiter le plus possible. Un jour, j’avouerais également cela à Célia. Mais, pour l’heure, le début des confessions est déjà bien assez suffisant.
Mon ancienne meilleure amie ne me coupe pas dans mon discours, alors que, moi, je n’aurais jamais été capable de garder le silence aussi longtemps qu’elle. Je me rends compte qu’elle a grandi, elle aussi, qu’elle a sa vie de son côté et vécu ses propres expériences qui lui ont permis de devenir une adulte accomplie. Lorsque je termine mon histoire, je m’attends aux remontrances, aux insultes et même aux pires jugements qui pourraient me coller à la peau. Mais c’est tout le contraire qu’il se passe. Et, au lieu de m’incendier, elle me comprend. Pire, elle l’a vécu aussi. Et mon cœur saigne à l’entendre me raconter ce qu’elle a traversé, sans en parler à personne. Si j’avais été présente, je l’aurais épaulée, soutenue, défendue … Mais c’est uniquement grâce à mon voyage et cette relation qui n’en a jamais été une que je suis devenue celle que je suis, la fille plus tolérante. « Célia … Je suis vraiment désolée. J’aurais dû être présente ou du moins t’appeler plus souvent. J’aurais été présente pour toi, quoi qu’il arrive. »

Quoi qu’il en soit, Célia semble heureuse que je sois de retour en ville de manière définitive. Ainsi s’envole un nouveau poids de mes épaules et un sourire flotte sur les lèvres à l’idée de réussir à recoller les morceaux avec elle. « J’espère aussi qu’on sera capable de passer au-dessus de ça ! Tu m’as beaucoup manquée. » Je lui avoue, assez émotive pour laisser une petite larme qui menaçait au coin de mon œil depuis quelques secondes. Je garde le silence quelques secondes, heureuse de retrouver un brin de complicité. Puis je ricane, imaginant la tête de ma mère si elle apprenait tout ce que je viens de dire à Célia. « Tu imagines que j’ai réussi à mentir à ma mère ? Je lui ai dit que j’avais vécu du harcèlement à Londres et que j’étais partie pour ça et que, dès qu’elle voyait un appel sur n’importe quel téléphone venant de là-bas, elle devait ignorer ou raccrocher ! » Je rigole, peu fière de mes bêtises, même si ma mère se doute que cette histoire d’harcèlement n’aurait pas eu raison de moi sur place et que j’aurais été capable de me battre. « Elle va me renier quand elle apprendra la vérité … Comment tu as réussi à tenir le coup ? Tu le vois toujours ? » Je demande, sans savoir si je vais obtenir réponse à ma question. Etions-nous revenue dans un moment de confidence ? Après tout, elle vient également de m’avouer sa relation chaotique alors qu’elle n’en avait pas parlé. « Je n’en reviens pas qu’on soit devenue toutes les deux les filles ‘de l’autre côté’. » L’acharnement du sort ? Un mauvais karma ? Un destin bien pourri pour nous être moquées des filles qui faisaient ce genre de genre au lycée ?
Envieuse de changer de sujet, je me redresse et tente un véritable sourire sincère, sans une once de tristesse. « Changeons de sujet ! » Je lance en insufflant de la joie dans ma phrase. « Qu’est-ce que Célia Copeland a réussi à entreprendre durant ces dernières années ? Je ne vois pas d’écharpe autour de ton cou, j’en déduis que tu n’es pas devenue maire de la ville ! »

@Célia Copeland

J'avais eu le cœur brisé plusieurs fois, mais la « rupture » qui m'avait fait le plus de mal était celle avec ma meilleure amie. J'étais prête à perdre un homme, mais perdre Bianca, ça avait été très compliqué. On avait toujours été habitué à passer du temps ensemble, à se raconter nos vies. A l'époque, il nous arrivait de nous voir la journée et de s’appeler le soir pour se raconter de nouveaux potins. On avait toujours quelque chose à se dire, c'était incroyable ! Alors, quand elle avait dû partir la séparation avait été difficile parce que je savais que plus rien ne serait pareil et le fait de perdre complètement le contact, m'avait rendue triste. Après tout, rien ne pouvait remplacé ma meilleure amie, la sœur que je m'étais choisie. J'avais beau en avoir des sœurs, le lien que j'avais avec Bianca était très différent et surtout pas comparable aux autres - « Oui, c'est vrai, j'aurais eu besoin de toi. J'avais pas vraiment qui que ce soit à qui me confier à l'époque. » - J'avais eu beaucoup de mal à me sortir de l'emprise de Gabriel. J'avais replongé plusieurs fois, alors que je savais qu'il était en couple et qu'il se fichait de moi. J'avais mis du temps à comprendre que cet homme ne m'aimait pas et qu'il voulait juste me posséder. Il revenait à chaque fois qu'il me sentait lui échapper. Je savais que si j'avais eu Bianca à mes cotés à ce moment là, elle m'aurait secoué et aidé à m'en sortir plus facilement. Finalement, j'avais réussi à me détacher de cet homme, mais je gardais un goût amer de cette histoire. J'en avais tiré des leçons, bien évidemment, mais je n'étais pas certaine que la blessure soit totalement fermée. J'arrivais à en avoir encore un pincement au cœur rien qu'en repensant au mal que cela m'avait fait. Bianca avait l'air ému alors qu'elle me disait que je lui avait manqué et qu'elle espérait qu'on pourrait surmonter tout cela - « J'ai toujours pensé qu'on pouvait tout surmonter tant qu'on était là l'une pour l'autre. » - Lui dis-je avec un léger sourire. Bianca comptait pour moi et je ne voulais pas me laisser emporter par des émotions négatives. Au final, qu'est-ce que ça m'apporterait de la blâmer et de lui en vouloir ? Est-ce que je ne devais pas plutôt me réjouir de son retour dans ma vie ? Son silence m'avait fait du mal et oui, je ne pourrais pas l'oublier, mais j'étais certaine de pouvoir passer au dessus et pardonner. - « Parfois c'est plus facile de mentir que de dire les choses, alors je dirais rien sur le fait que tu aies menti à ta mère. Moi aussi j'ai menti à tout le monde à l'époque. Et je pense clairement pas qu'elle va te renier quand elle saura la vérité. » - J'en oublias presque qu'on ne s'était pas vus, ni parlé pendant des années. On se confiait l'une à l'autre comme nous le faisions avant - « Je sais pas trop comment j'ai fait pour tenir le coup, j'ai été très mal longtemps et un jour, la tempête à fini par passer... puis j'ai rencontré un autre homme un an plus tard, son passage dans ma vie m'a fait beaucoup de bien. Et non, il je ne vois plus mon ex. » - Je marquais une courte pause - « Ouais, j'en reviens pas non plus, nous qui détestions ces filles là... mais je crois qu'on aura toute les deux appris de ces expériences qu'on a eut. Même si ça nous a mises à terre. Pour toi aussi ça a dû être très dur. Comment tu vas maintenant, par rapport à toute cette histoire ? » - Elle aussi avait vécu une histoire aussi pourri que la mienne et je voulais m'assurer que ça allait. Ça avait pris énormément de temps pour moi. Je buvais quelques gorgées de ma boisson avant de reprendre la parole - « Tu m'imaginais vraiment devenir maire de la ville ? » - Je souriais amusée. - « J'ai arrêté de travaillé ici il y a presque trois ans maintenant. Je suis une sorte d’influenceuse maintenant et je bosse en parallèle pour le refuge de la ville, je fais pleins d'action pour la défense des animaux. Le fait d'avoir une mini notoriété ça aide. Et toi alors, raconte moi tout ? »

@Bianca Flores

Elle avait besoin de moi. Ils résonnent ces mots. Tout comme beaucoup de choses qu’on ne s’est pas dites depuis des années. Ils blessent aussi, mais c’est bien la réalité qui s’étale devant mes yeux et non un masque pour faire bonne figure. C’est ce que j’apprécie également chez ma meilleure amie : elle ne va pas tenter de me cacher des informations ou de me complaire dans ma situation. Alors je les accepte, ces mots. Parce qu’ils feront à jamais partie de notre histoire maintenant, si tant soit peu qu’on soit capable de réparer ce qui a été brisé. Mais j’ai envie de croire que c’est possible et qu’une amitié si vieille et si longue soit capable de résister face aux tempêtes. Même si en partant c’est plus un ouragan que j’ai provoqué. Et elle me le confirme par ses propres mots, répondant à son sourire par le mien, assuré de retrouver une amie qui m’est si chère. Me morfondre en excuse ne servirait plus à rien désormais, mis à part agacer Célia et risquer de réellement mettre fin à notre amitié. Mais elle semble me comprendre, et c’est ce qui fait du bien. De toutes les personnes sur terre, cette fille est la seule à réellement savoir comment je fonctionne, malgré ce dérapage à 90 degrés en cours de parcours. Mes bêtises qui m’amènent à mentir à ma propre mère, cette personne capable de détecter un mensonge à deux kilomètres, c’est ce qui m’amène à en rire avec Célia. C’est si facile de discuter, de se livrer à elle, que j’en oublie ce qu’il s’est passé et le manque de mes nouvelles durant tout ce temps. C’est simple, normal et cela fait un bien fou de pouvoir discuter de tout cela avec une autre personne !

« J’ai vraiment des doutes là-dessus ! Je pense qu’elle sera vraiment capable de me mettre dehors si elle venait à tout comprendre ! » Je repense à mon frère, à ce que mes parents ont fait quand ils ont appris ses problèmes de jeux. « Ils n’ont pas été tendre avec mon frère … Ils ne lui parlent plus du tout ! Il a eu quelques soucis mais … Je ne comprends pas comment nos parents ont pu l’ignorer de la sorte. Il a même vécu dans la rue ! » Je m’agace, mais cela peut très bien m’arriver à moi aussi. Il faut juste que j’arrive à trouver un job et disparaitre de leur maison avant qu’ils n’apprennent tout. « C’est plus facile de couper totalement les ponts. Les risques de rechute sont moins importants, du moins c’est ce que j’espère. » Je souris face à ces remarques, non, à cette époque, plutôt mourir que de devenir une de ces pestes ! Et pourtant … Nous voilà ici, dans ce café, à se raconter nos vies sans se juger parce que nous venons de vivre des histoires similaires. « Je suis partie, tout simplement… Sa femme … C’était une fille sympa. J’étais souvent avec elle sans qu’elle ne se doute de rien, je l’ai menti pour qu’elle ne se doute de rien et je me dégoûte d’avoir fait ça. Mon départ doit certainement lui avoir mis la puce à l’oreille. Du coup, j’ai bloqué mon entourage proche de Londres sur les réseaux. Comme si rien ne s’était passé … » Je tente de me convaincre mais sans grande conviction. J’étais une personne ignoble, je le sais, mais si ça peut passer auprès de Célia, peut-être que j’arriverais à me regarder dans un miroir plus tard.

« Evidemment ! Tu as toujours eu de bonnes idées, puis conquérir le monde avec toi semblait tellement facile. Donc oui, carrément maire ! J’aurais voté pour toi ! » Je plaisante, souriante. « Influenceuse ! Sérieux ! Tu vas devoir me donner des cours de rattrapage sur l’utilisation d’instagram ! Ils parlent de feed harmonieux et compagnie … Je pensais que juste mettre des photos était suffisant, mais non ! » Je rigole puis reprend une mine un peu plus sérieuse pour parler de la suite du projet, qui n’est pas vraiment abouti. Je suis rentrée, oui, mais sans aucun plan derrière. « N’hésite pas à me dire si tu as besoin de quelqu’un pour les actions, je suis carrément partante pour t’aider les animaux ! Je n’ai pas vraiment fait de plans en rentrant ici. J’ai remis ma démission là-bas et j’ai pris le premier avion avec mes affaires. Je suis donc sans emploi ! Mais je cherche, j’aimerais beaucoup retravailler comme assistante personnelle de quelqu’un, gérer son agenda, les réunions, les plannings, l’organisation j’adore. Mais je ne pense pas que je vais trouver ça ici. »

@Célia Copeland  

Je gardais mes prunelles bleus sur Bianca alors qu'elle évoquait ses parents. Elle était persuadée qu'ils lui tourneraient le dos si ils savaient la vérité. Après tout, c'est bien ce qu'ils avaient fait avec son frère. C'était quelque chose que j'avais bien du mal à comprendre. Ma famille était tellement soudée, c'était impensable que les uns tournent le dos aux autres, même si on faisait chacun nos erreurs. Jamais nos parents ne nous mettraient à la porte. Je n'avais pas parler de mon histoire avec Gabriel à ma famille parce que c'était trop douloureux, parce que je ne voulais pas qu'ils se fassent du soucis, parce que j'avais honte. Mais je savais au fond de moi, qu'ils ne m'auraient probablement pas jugée. On avait l'habitude de traverser les épreuves ensemble - « Tu sais, ma porte est ouverte si ça arrive. C'est vrai que notre relation n'était plus la même ces dernières années, mais tu peux compter sur moi. » - Il était hors de question que je laisse Bianca à la rue si ses parents décidaient de la renier, comme ils l'avaient fait avec leur propre fils. Elle savait à présent qu'elle pourrait trouver refuge chez moi, au cas où, et malgré tout le fossé qu'il y avait eu entre nous ces dernières années. Elle restait Bianca, ma sœur de cœur, la meilleure amie que je n'ai jamais eue. J'avais beau fréquenté beaucoup de monde, aucune amitié n'était comparable à celle qu'on avait. Il y avait une réelle alchimie, une vraie connexion entre nous. Les gens ont tendance à penser qu'une âme sœur est forcément quelqu'un dont on est amoureux, moi je pense qu'il peut s'agir d'un ami et que si mon âme sœur existe, c'est sûrement Bianca - « Oui. Je suis d'accord avec toi. Il faut couper court au risque de replonger et tu verras que le temps fera son œuvre. Ce qui te fait incroyablement souffrir aujourd'hui, finira dans un tiroir au fond de ton esprit. Bien sur tu oublieras pas et t'y repensera de temps en temps, mais ça ne fera plus autant de mal. Tu as fait ce que tu pensais être le mieux pour toi en coupant les ponts avec tout le monde là bas. Pense à toi en priorité. Quant à sa femme, c'est sur que tu dois culpabiliser, mais tu sais, le mal est fait et le connard dans cette histoire c'est surtout ce type. Il mériterait que sa femme le quitte et de se retrouver seul. C'est méchant mais bon. » - Pas d'état d'âme pour les connards !

Je souriais aux paroles suivantes, alors que Bianca me disait qu'elle aurait voté pour moi si j'avais été maire - « Si je me présente un jour, je t'embaucherai pour faire ma campagne électorale. » - Dis-je avec un nouveau sourire - « Oui, je pourrais te donner des cours de rattrapage si tu veux ! C'est vrai que c'est presque un art de savoir maîtriser tout ça, même si c'est à la portée de n'importe qui de nos jours. » - Des influenceurs, il y en avait de plus en plus et pour tout et n'importe quoi ! C'était le nouveau métier en vogue, qui faisait rêver les adolescents et les gens en recherche de gains facile. Dans la réalité c'était quand même un peu différent, surtout si on est un peu regardant sur les marques qu'on sponsorise - « Oh, tu sais, au refuge on a toujours besoin de bras supplémentaires alors si tu as un peu de temps, je ne vais pas te dire non. Et pour le travail, si je peux t'aider en quoi que ce soit, je le ferais. J’espère que tu vas vite trouver quelque chose. »

@Bianca Flores

Cette ville, ce café, cet univers tout entier, je l’ai longtemps considéré comme un passé auquel il ne fallait pas penser pour continuer d’avancer. Je me trompais tellement … Si seulement je pouvais revenir en arrière, ne pas prendre cette décision stupide et rester en ville, malgré cette envie de voyager. Si j’avais su … Mais comme on le dit si souvent, avec des « Si » on referait le monde tout entier. « Merci Célia, ça me touche ! » Car malgré le temps qui s’est glissé entre nous et cette absence qui pèse dans nos cœurs à présent, elle est toujours là, à répondre présent et j’en suis bien plus touchée que ce que les mots peuvent exprimer. Savoir que j’ai encore quelques alliés malgré mon comportement idiot et égoïste est vraiment un réconfort.
Je ne peux qu’acquiescer face à son raisonnement, nous sommes d’accord et couper court à toutes rencontres éventuelles avec son ex est une très mauvaise idée. Mais la douleur dont elle parle … Elle est si lourde à porter, toujours présente à la surface, toujours prête à frapper lorsqu’un petit coup de mou se fait ressentir. C’est une plaie ouverte dans laquelle le moindre petit grain de poussière fait revivre sa force et se rappeler plus fort encore. Je ne serai jamais tomber amoureuse et encore moins d’un homme déjà avec quelqu’un si j’avais eu connaissance de ces blessures. A présent je comprends ce que signifie un vrai chagrin d’amour et je comprends également à quel point les gens peuvent en être touché et se laisser complètement aller. « Il mérite vraiment de se faire jeter ! Mais je ne vaux tout de même pas mieux, j’ai tout de même cru qu’il allait la quitter pour moi et garder un secret qui pourrait changer toute la vie de cette fille … » Je culpabilise malgré moi, je ne peux pas imaginer Wes comme un véritable monstre, j’en suis un moi aussi.

Je ris à ses réponses, ma meilleure amie m’avait manqué et à présent que je la retrouve, un poids semble s’être enlevé de mes épaules, je respire plus facilement à force de continuer de remettre ma vie en ordre, ici, à Tree Hill. Pas à Londres.
« Je serai ravie de faire campagne ! » Je plaisante, imaginant, sans plaisanter, les affiches et slogans que je serai capable de créer pour la soutenir. « J’accepte avec plaisir cette aide ! Je suis complètement dépassée sur ces réseaux … Je m’en tiens au strict minimum, quelques photos sur insta et des messages sur facebook et c’est largement assez ! » Je continue sur la plaisanterie, ravie de voir un véritable sourire éclairer les lèvres. « Dis-moi quand je dois être présente et je viens prêter main forte ! Mais empêche moi d’adopter tant que je suis chez mes parents, je sens que je vais être très faible face à ces petites bouilles poilues ! » Je marque une pause, réfléchissant sérieusement si Célia est capable de m’aider ou non dans mes recherches. « Si tu entends quelque chose, n’hésite pas à me donner les contacts ! Sinon, je pense être capable de me débrouiller, je n’ai peut-être pas de diplôme dans ce domaine précis mais j’ai des compétences, même si je doute que mon ancien patron accepte de m’aider à retrouver du boulot ici … »
C’est de cette manière que tous mes après-midis devraient se passer à présent. En compagnie d’une amie et d’un bon café et s’entraider, plaisanter, redevenir légèrement insouciante le temps de quelques minutes et reprendre le cours d’une vie que j’ai trop longtemps mise de côté. Plus jamais je ne ferais ça, et surtout avec Célia en particulier, elle compte beaucoup pour moi, comme un membre de la famille, et je ne lâcherais plus personne.

@Célia Copeland