Yohann & Jules

confidence pour confidence

[ 13 avril 2024 ]

Je me parais de mes plus belles boucles d’oreilles. Les grosses bien lourdes, mais celles remplies de strass bien brillants. Elles se mariaient parfaitement avec ma petite robe noire à strass qui flattait mes courbes. « Chéri, je sors. Passe une bonne soirée. Appelle-moi si jamais y a un problème avec la petite. » J’embrassais ensuite mon mari d’un simple petit baiser alors qu’il était affalé dans le canapé devant le match du soir. J’imagine que ça ne le dérangeait pas le moins du monde que je sorte ce soir comme il était bien occupé. J’étais juste moins confiance sur le fait qu’il gère tout seul à la maison avec notre fille si jamais elle se réveillait. Je ne disais pas par là qu’il était incompétent, c’était un père exemplaire, mais j’avais juste peur d’être appelée ce soir et de devoir revenir la maman que je laissais en fermant la porte d’entrée. C’était un papa poule qui avait longuement attendu ce nouveau statut. Il avait rêvé d’être père, et enfin ça se réalisait. Cela faisait six mois qu’il jouissait du rôle de père, et ç’en était beau à voir. Cependant, moi, je m’étais perdue. J’avais l’impression que ce n’était pas moi. D’ailleurs, mon mari ne m’aidait pas spécialement sur ce sujet, m’appelant même « maman » quand notre fille est dans la même pièce, ce qui ne me mettait pas vraiment à l’aise. Je n’avais jamais voulu être mère, mais je m’étais dit qu’une fois que je le serais, ce sera différent. Malheureusement, mes doutes avaient eu raison.

J’entrais dans un bar, le premier qui s’était présenté à moi, mais qui n’avait pas une devanture offrant une possibilité à ce qu’ils m’arrivent des bricoles en fin de soirée. La faune à l’intérieur m’avait l’air correcte, je pouvais rester ici. J’hésitais un premier temps à m’installer à une table, seule, mais je trouvais que ça faisait un peu trop ouverte à la discussion si quelqu’un souhaitait s’installait à la chaise face à la mienne ; alors j’optais pour m’installer sur une chaise haute au comptoir du bar. J’observais autour de moi, sans pour autant paraître suspecte en me stoppant sur un inconnu, alors je faisais le tour de la zone. Un couple pariait la prochaine tournée autour de la table de billard qu’il squattait depuis un moment apparemment. Un vieux monsieur insérer une pièce dans un jukebox qui semblait avoir le même âge que lui pour choisir la prochaine musique. Un groupe d’amis riait tellement fort qu’il faisait râler un trio de femmes plus âgées à la table voisine. Et enfin, il y avait deux hommes qui devaient être légèrement plus âgés que moi à l’autre bout du bar et qui avaient des regardes un peu trop récurrents dans ma direction. Après tout, j’étais une femme seule, peut-être un peu trop bien apprêtée pour le lieu, qui venait boire en solitaire. N’était-ce pas un attrape-lourdauds ? Certainement que si, mais ce n’était clairement pas le but de ma venue. J’étais là uniquement pour prendre du bon temps loin de la maison, loin de mon mari, loin de ma famille, et surtout loin de mes responsabilités de maman. Il était là mon unique but.

Les regards des deux hommes se multipliant et croyant qu’à tout moment il y en avait un des deux qui allait se chauffer à quitter son pote pour se rapprocher de moi, j’interrompais le barman dans ses affaires. « Excusez-moi, est-ce que je pourrais avoir la carte des boissons, s’il vous plait ? » Je n’étais pas une habituée du lieu, et ça devait cruellement se voir. Je n’avais pas de cocktail de prédilection et ça faisait une éternité que je n’étais pas allée dans un bar. Ça remontait même avant ma grossesse, pour dire. C’était comme dans une autre vie. Alors je ne pouvais pas donner immédiatement ma commande. Ou alors, je pouvais demander conseil, après tout, c’était aussi une part de son travail. « Auriez-vous un cocktail qui dit jeveuxoubliertoutesmesresponsabilitésletempsd’unesoirée ? Si oui, j’en prends deux ! » plaisantais-je, mais toutefois avec une part de sérieux. Car oui, j’en prendrais deux si ça existait.

© Ludi.

@yohann miller

Confidence pour confidence ∞ Jules & Yohann

Le début de soirée avait été assez calme, j'avais pris mon service vers 20h00 mais le monde commençait à arriver depuis une petite dizaine de minute. C'était comme cela que j'aimais voir le bar ! J'avais choisi de travailler en journée par rapport à Lilly mais j'avais toujours préféré travailler de nuit à la base, l'ambiance était tellement différente. En semaine la nuit, c'était assez calme, quoi qu'il y avait toujours des habituels mais le week end, c'était complètement différent, il y avait vraiment pas mal d'ambiance. Et Tree Hill étant une petite ville, je connaissais facilement beaucoup de monde. Et j'étais aussi le genre de personne assez sociable, certaines personnes viennent au bar, juste pour boire un verre et repartir, mais ce n'était pas le cas de tout le monde. Certaines personnes s'installaient pas loin du comptoir, et le plus souvent des discussions s'engageaient ! Entre les barmans et les clients. Même si tous les barmans ne faisaient pas cela ... Cela ne coutait absolument rien d'écouter une personne.

Quelques personnes étaient installés au comptoir et une nouvelle jeune femme arriva, d'ailleurs son visage ne me disait absolument rien du tout ! Ou alors si elle vivait à Tree Hill depuis longtemps, elle n'était jamais venue au Husk. Et je n'étais pas la seule personne à avoir remarqué la jeune femme, c'était bien souvent le cas dans les bars, il y avait toujours des hommes qui attendaient de faire de nouvelle rencontre, et les deux hommes qui étaient installés a une table, c'était clairement leur but ! Il n'était pas désagréable mais leur technique n'était pas des plus secrète. Et elle pouvait être aussi très gênante ... C'était aussi quelque chose que je surveillais, les jeunes femmes qui venaient au bar, elles n'avaient pas forcément envie de se faire importuner par des hommes. J'entendis la jeune femme dont le visage ne m'était pas familier me demander la carte des boissons.

- Je vous l'apporte immédiatement

Le temps de faire quelques pas et de la prendre, pour la tendre à la jeune femme, cela ne pris pas plus de 5 secondes. Avec un sourire sur les lèvres de mon côté, avec ce travail, il fallait être souriant, agréable, compréhensif et surtout faire attention aux clients. Quand je l'entendis me parler de nouveau, sur son envie de cocktail, je ne réfléchissais pas longtemps, j'allais lui proposer les cocktails de base, il avait toujours leur petit succès. Mais certains clients préféraient aussi d'autre cocktail qu'on proposait sur la carte.

- J'ai les cocktails de base comme la Piña Colada, la Margarita, le Bloody Mary, le Sex on the Beach mais sinon je peux vous proposer un cocktail qui s'appelle le ti' punch, il y a beaucoup de rhum dedans. Ou alors je peux faire la liste des cocktails sans alcool. Selon votre préférence. Pour le cocktail que j'ai proposé, il faut savoir qu'il y a une forte dose de rhum et qu'il n'est pas possible de rentrer avec votre voiture ensuite, il vous faudra prendre un taxi.

Je préférais le dire, et surtout je repérais assez facilement les personnes ayant pris des cocktails qui nécessitait une prise en charge en dehors du bar. La dessus, le patron était très intransigeant, il avait réalisé un partenariat avec une société de taxi pour raccompagner les personnes n'étant pas en état de rentrer. J'avais trouvé l'initiative vraiment bien, ce n'était pas tout le monde qui le faisait.

@Jules Ridley

Yohann & Jules

confidence pour confidence

Je faisais clairement tâche dans le décor. Personne ne se sapait aussi bien pour aller boire un coup, semblerait. Ça faisait bien trop longtemps que je n’étais pas sortie pour m’en souvenir. Il s’agissait réellement de ma première sortie depuis la naissance de ma fille. J’étais agrippée à elle comme une moule à son rocher, de peur qu’il lui arrive quelque chose si je ne suis pas juste à côté d’elle pour réagir. J’avais décidé que ce soir c’était LE soir, celui où je quitterais les câlins de ma fille pour repasser au rôle de femme et quitter le temps de quelques heures celui de maman. Je m’étais totalement empêtrée dans ce nouveau rôle que je n’avais jamais vraiment voulu, ou du moins désiré à un point où j’en ferais une obsession. Oui, j’étais heureuse d’être mère et j’aimais ma fille à un point indescriptible tellement c’était fort. Sérieusement, c’était irréel d’aimer de cette façon. Je découvrais que j’étais capable de mes plus grosses atrocités pour elle, j’en deviendrais une toute autre personne s’il le fallait. C’était dangereux. Mais je m’étais perdue. Perdue en tant que femme. Mon mari ne me voyait plus que comme la mère de sa fille, et non plus comme sa femme, alors je finissais par avoir cette même vision. Désespérant. Il fallait que je quitte la maison, que je vois du nouveau monde, que je sorte des sentiers battus, que je brise mes habitudes. Et ça commençait par une sortie en solitaire dans un bar inconnu.

Assise au comptoir, je regardais la carte des boissons sans vraiment être inspirée. Vraiment, j’étais fanée sur les sorties et les boissons alcoolisée, à croire. C’est presque si je plissais les yeux pour réussir à lire, preuve qu’il me faudrait peut-être des lunettes. C’est bon, je devenais comme ma mère. Celle qui m’avait adopté, pas la biologique. La biologique n’aurait jamais pu se payer une paire de lunettes, de toute façon. De plus, elle n’avait jamais réellement enduré le rôle de maman pour pouvoir me comparer à elle désormais. En revanche, ma mère adoptive, que je considérais plus comme ma mère que celle qui m’avait donné la vie, j’étais davantage admirative sur tout ce qu’elle pouvait faire depuis que je la connaissais, elle qui gérait une immense famille avec une aisance désopilante. C’est alors que plutôt que de me torturer la vue, je demandais de l’aide au barman qui passait devant moi. Je tentais de faire de l’humour en demandant un cocktail bien spécifique, surtout car je n’aurais pas su vers quoi me diriger. C’est alors que le gentil serveur m’énuméra une liste de cocktails. Plusieurs dans cette liste me faisait remonter dans mes souvenirs anciens. Vraiment, j’avais l’impression que c’était dans une ancienne vie. « Oulah, inutile de me parler des cocktails sans alcool. J’ai besoin d’une bonne dose de courage en bouteille, si vous voyez ce que je veux dire. » Le courage de prétendre revenir la femme que j’étais avant mon accouchement. Le courage de ne pas fuir du bar pour retourner à la maison, terrifiée d’avoir osé mentir à mon mari. Le courage d’assumer ce que j’avais fait et de poursuivre l’expérience. « Je vais vous prendre une Piña, s’il vous plait. » Allez, un peu plus de folie Jules ! « Non, excusez-moi. Finalement je vais tenter votre ‘ti punch ! » me ravisais-je. « Je vais essayer quelque chose que je n’ai pas déjà vu. Après tout, je suis ici pour sortir de ma zone de confort. » expliquais-je au barman alors qu’il en avait sûrement rien à faire de ma présence ici. Pour lui, j’exprimais juste la raison de lui verser un salaire à la fin du mois. « Ça retourne vraiment bien la tête ? » finissais-je par demander en repensant à cette histoire de taxi. Je ne pouvais décidément pas finir dans un état catastrophique. « Pardonnez-moi, allez servir d’autres clients. Le ‘ti punch sera parfait. » J’avais l’air perdue. Je l’étais.

© Ludi.

@yohann miller

Confidence pour confidence ∞ Jules & Yohann

Je proposais toujours les deux types de cocktail, ceux avec de l'alcool et ceux sans alcool, le plus souvent les clients se dirigeaient vers les cocktails avec de l'alcool. Et après quelques secondes, je l'entends me dire qu'elle ne souhaitait pas un cocktail sans alcool. D'ailleurs en tant que barman, j'allais surveiller un peu la jeune femme. C'était la politique de la maison, on avait tous l'oeil sur les personnes qui consommaient de l'alcool et surtout les personnes qui en consommaient beaucoup. Un échange avec une société de taxi afin de ramener les personnes chez eux. J'avais déjà quelques cocktails en tête à lui proposer.

- Je vois exactement ce que vous voulez dire !

Et quelques secondes plus tard, je lui avais exposé la liste des cocktails, et je l'entendais parler afin de savoir ce qu'elle allait prendre. Tout d'abord elle en avait choisi un, puis elle venait de changer d'avis. Je n'étais pas un pro mais j'avais cette sensation que cela faisait un petit moment qu'elle n'avait pas été dans un bar, et ce n'était quelque chose de mauvais, elle devait avoir une vie vraiment très bien remplie. En tout cas, elle n'était jamais venue ici, elle avait peut-être été dans d'autre bar de la ville.

- Je vais dire qu'il ne faut pas en abuser, car selon les gens, la tête peut vite tourner. Et certaines personnes ne sont pas très fan de rhum. Ce n'est pas votre cas ?

Je me souvenais d'un client, il avait pris ce cocktail et j'avais pourtant insisté lorsqu'il m'avait dit qu'il n'aimait pas spécialement le rhum mais qu'il le voulait quand même, bien entendu, j'avais eu raison, il avait détesté et il avait fait tout une histoire après. Maintenant, je préférais demander et selon les réponses des clients, je le faisais ou alors je les dirigeais vers une autre boisson.

- Ne vous en faites pas, j'ai tout mon temps, vous pouvez prendre le temps de vous décider, soit pour le ti punch ou pour autre chose.

Je lui fis un petit sourire, j'avais vraiment l'impression qu'elle était complètement perdue. Du coup, je ne bougeais pas et j'attendais sa réponse. Elle pouvait le garder ou alors complètement changé, ce n'était pas un problème. Je dois avouer que tout cela m'intriguait fortement.

- Est-ce-que vous allez bien ?

Je préférais poser la question, après elle était complètement libre de ne pas me répondre. Mais le plus souvent, les gens répondent et même ils en disent d'avantage, il y a certains clients, ils aiment bien parler. Mais ce n'était pas forcément le cas de tout le monde. Dans ce milieu, il n'était pas rare de nous voir en train de parler, d'écouter nos clients, et même de temps en temps, on pouvait donner notre avis.

@Jules Ridley

Yohann & Jules

confidence pour confidence

Je palissais de honte. Depuis quand exactement n’étais-je pas sortie ? La grossesse m’avait complètement bouleversée. Autant mon quotidien, que mes habitudes, que mes pensées… tout était sans dessus dessous. Mon passé me manquait. Je me détestais de penser ainsi. Cela venait à définir que j’étais mieux sans ma fille, alors que pourtant chacune de mes pensées lui revenaient désormais. Le babyblues m’avait pris de plein fouet après mon accouchement, cette dépression post-partum qui s’était étendue sur deux bonnes semaines. J’avais très mal vécu mon accouchement et ce qui s’en était suivi. Si j’avais réussi à tenir le coup et que ça se passait mieux maintenant, je n’appréciais plus le regard de mon mari. Je ne savais plus quoi faire dans cette situation. C’était par dépit que je tentais le tout en venant ici ce soir. Un dernier essai avant de complètement sombrer.

« Très honnêtement, je ne me souviens plus. Je pense que je n’ai rien contre le rhum. » Réponse potentiellement étrange, j’en convenais. Le flou m’avait envahie. Je me souviens que je buvais du rhum dans ma jeunesse, mais en grandissant je m’étais plus dirigée vers le vin et me contentait de ça uniquement durant les événements et festivités. Je ne buvais jamais d’alcool fort, mais je sentais que c’était ce qu’il me fallait ce soir. Quelque chose de fort, de puissant, et qui pouvait me libérer l’esprit de plein de doutes le temps d’une soirée. « Un ti punch, ce sera parfait, merci. » répondais-je à nouveau, prête à découvrir ce que le barman m’avait recommandé. Après tout, c’était un homme d’expérience dans le domaine, il devait avoir réussi à décrypter ma demande. Je devais l’intriguer pour qu’il me demande ensuite si tout allait bien. Flûte, ça se voyait. « Ah, ça doit se lire sur ma tête que je suis perdue… » murmurais-je en trempant mon doigt dans une goutte que la condensation sur un verre allait laisser tomber. « Ça va, je vais… bien. » ajoutais-je en adressant un sourire au barman. Il était gentil, ça se voyait. « Est-ce qu’il est vrai que les barmans sont des psychologues des bars ? » lui demandais-je en rigolant, un petit rire nerveux, avant de retourner au sérieux et ma dévastation. « Je ne voudrais pas vous embêter avec mes histoires. » Il était vrai, je ne voulais pas l’enquiquiner à m’écouter déblatérer sur tous mes pseudos malheurs alors qu’il avait du travail. Je n’étais pas la seule cliente du bar. Cependant, il m’avait l’air bien sympathique et d’avoir l’habitude d’écouter les âmes en perdition qui venaient se réfugier dans son bar. Il avait une tête qui donnait envie de tout lui raconter afin de se sentir mieux ensuite. Il y avait des gens comme ça. Des gens qui donnent envie de se livrer alors que tu ne les connais ni d’Adam ni d’Eve. Et peut-être que c’était mieux ainsi, de ne pas le connaitre. Après tout, il n’aurait que ma version de l’histoire et ne pourrait émettre aucun jugement. Ou alors, peut-être que si, il pourrait me juger et je ne pourrais lui en vouloir car il s’agirait de la seule et unique fois où je le verrais. Alors à quoi bon me retenir de déballer mon sac ? Il ne s’agissait que d’un gérant de bar que je ne verrais qu’une seule fois dans ma vie, non ? « Je ne sais plus où j’en suis dans ma vie. » commençais-je à me livrer, n’attendant qu’un verre pour me faire déverser le reste de la raison de mes pensées hantées.

© Ludi.

@yohann miller

Confidence pour confidence ∞ Jules & Yohann

En commençant, il y a des années au Husk, je n'avais absolument aucune expérience pour décrypter les comportements des gens, mais au fil des semaines, des mois et des années, il y avait des comportements qu'on arrivait à décrypter. Il y a les gens qui viennent dans un bar, juste pour boire un verre et passer une bonne soirée. Seul ou accompagné. Il y a les gens qui viennent noyer leur chagrin et souvent, les barmans finissent par être leur confident. Il y a les gens qui vont bien mais pas trop au top, ils viennent pour quelque chose de bien précis, enfin en réalité il y avait énormément de typer de comportement. J'avais exposé quelques boissons avant de faire quelques précisions sur celle qu'elle venait de choisir. J’acquiesçai à ses paroles et tout en continuant de l'écouter parler, j'étais en train de lui préparer son cocktail.

- Je n'irais pas jusqu’à dire perdue, mais vous avez l'air de chercher quelque chose que vous n'avez plus mais que vous avez envie de retrouver en venant ici ce soir. Mais peut-être que je me trompe. Et si c'est le cas, je m'en excuse.

Je pouvais me tromper complètement sur la jeune femme, après si elle voulait discuter pendant quelques minutes, il n'y avait pas de problème, il n'y avait pas grand monde au comptoir et généralement il y a toujours une entraide entre nous, quand on voit qu'une personne est occupée avec un client. La jeune femme avait l'air vraiment très gentille de ce que je remarquais, après je ne la connaissais pas.

- Nous savons écouter les personnes qui viennent dans notre bar, et de temps en temps, quelques petits conseils peuvent en ressortir dans une discussion, je dois l'avouer. Certaines personnes n'ont pas forcément le moral en venant, et parler avec des gens qu'ils ne connaissent pas, ça peut les aider. Certains clients m'ont déjà dit : J'adore venir dans ce bar, ça coute moins cher qu'une séance chez le psychologue et je repars toujours avec de très bon conseil.

Je souris à l'évocation de ce petit souvenir, autant dire que sur le coup, je n'avais pas souris, ayant été pris un peu de court. Mais en y repensant souvent maintenant, je souriais un peu plus la dessus. Après je pense que les psychologues donnaient surement beaucoup mieux les conseils ou les pistes si les patients avaient des soucis.  

- Vous ne m'embêter pas du tout, et si quelque chose vous tracasse, on peut en discuter.  

Je lui offre un sourire des plus sincère tout en lui déposant devant son cocktail, je n'avais pas été bien long à le faire, et j'avais surtout dosé la dose de rhum, ne voulant pas que la jeune femme soit trop alcoolisé. Ce n'était pas la première fois que je le faisais surtout pour ce cocktail, mais personne ne s'en plaignait, peut-être un peu certains râlait au début mais il me remerciait à la fin. Être barman, ce n'était pas simplement servir quelques verres.

- Est-ce-qu'il y a une raison à cela ? Au faite que vous avez l'impression de ne plus savoir ou vous en êtes dans votre vie ? C'est par rapport au travail ? Votre vie personnelle ? Ou autre ?

Je n'étais pas du tout un expert en conseil ou autre, je le faisais au feeling, selon les conversations que je pouvais avoir avec les clients. Chaque client n'avait pas forcément le même problème et les réponses pouvaient complètement diverger.

@Jules Ridley

HJ : Désolé pour le délai de réponse

Yohann & Jules

confidence pour confidence

Parait que la philosophie au bar allait toujours de bon train. Ou alors que les barmans étaient connus pour les rois du conseil, de vrais psychologues. Du moins, c’est ce qu’il se disait, et pour en avoir le cœur net, je demandais au barman face à moi. Une tentative d’avoir une oreille attentive pour écouter toutes mes histoires, sûrement. J’étais pourtant bien entourée, mes amis et ma famille étaient présents pour moi, mais des fois il n’y a rien de mieux qu’un inconnu pour déverser ses pensées. Un inconnu ne peut véritablement juger, comme il ne te connait. Enfin, c’est ce que je me disais en tout cas. Il n’aurait pas mon background, il n’aurait pas tout ce que je ne voudrais pas lui dire, donc sera forcément de mon côté si je lui demandais son avis sur un problème, n’est-ce pas ? Je feintais ne pas vouloir l’embêter avec mes histoires, j’avais cruellement envie de l’intérieur qu’il m’en demande plus. Un peu d’égocentrisme de ma part, j’avoue. Vous avez l'air de chercher quelque chose que vous n'avez plus mais que vous avez envie de retrouver en venant ici ce soir. Ces paroles résonnèrent dans ma tête. Oui. Oui, c’était ça. C’était exactement ça. Je voulais retrouver ma vie d’avant. Enfin, pas tout, bien sûr. Je voulais quand même garder ma fille, mais c’était tout ce qui était autour que je souhaitais retirer. Les nuits d’insomnies, les cris assourdissants à longueur de journée dans mes oreilles, et surtout ce nouveau statut. Le statut de maman. Je n’étais plus une femme, j’étais devenue une maman. Et là était toute la différence. C’est donc ça ce quelque chose que je n’ai plus mais que j’ai envie de retrouver. « Oh, inutile de vous excuser. Vous êtes dans le mile. C’est exactement ça. » répondais-je pour apaiser sa potentielle frayeur de m’outrer, mais également pour lui dire qu’il avait touché en plein milieu. Qu’il était doué. Je riais à ce qu’il racontait ensuite, les dires des clients qu’ils avaient eu étaient très drôles en plus d’être sûrement vrai. Moins cher qu’une séance chez le psychologue, je prenais ! « Comme quoi ce n’est vraiment pas un mythe ! » m’exclamais-je en souriant, contente de pouvoir le dire. « Vous devriez peut-être monter un business là-dessus. Pour des conseils de barman, mettez dix dollars dans la tirelire. » osais-je plaisanter. Je n’étais pas la personne la plus habile en humour, il fallait avouer. Mais je tentais.

Ce barman était vraiment adorable. Il m’assurait qu’on pouvait parler de mes problèmes si je le souhaitais. Et pour cela, il ne serait pas payer plus ! C’était de la pure gentillesse de sa part. Ou alors, il n’avait rien de mieux à faire, ce que je doutais en voyant le monde autour. Je saisissais alors l’occasion pour lui dire que je ne savais plus où j’en étais dans ma vie. J’étais peut-être un poil trop drama queen pour prétendre une telle chose. Je savais très bien où j’en étais dans ma vie, mais ça faisait tellement plus catastrophique que j’annonçais ça comme ça. En réalité, c’est juste que j’étais perdue dans mon nouveau statut et que je ne savais plus où j’en étais vis-à-vis de ça, mais tout le reste allait parfaitement bien. Voir le positif dans le négatif. « Vous avez des enfants ? » lui demandais-je sans répondre à ses questions. J’étais bien vache là-dessus. Il prenait du temps pour moi, pour tenter de répondre à mes interrogations, me donner des conseils pour aller mieux, tout ça… Et moi, je répondais à rien, comme si j’avais mis des écoutilles et je préférais diriger la discussion vers ce qui m’intéressait et pourquoi j’étais dans cet état. « En fait, pour tenter de vous répondre… J’ai une fille. Elle est adorable, un amour de petite fille. Elle est souriante, très attendrissante… Mais… » Je lâchais une pause en prenant ma tête dans mes mains, voyant le verre encore plein sous mon nez en  train de m’appeler. Je relevais la tête vers le barman en attrapant mon verre et en buvant plusieurs gorgées d’un coup. Mes sourcils se fronçaient. « Wow, c’est fort. C’est un cocktail de cowboy ça. » L’art d’en faire trop, encore. « Enfin, tout ça pour vous dire que j’aime ma fille, mais… je ne sais pas si vous allez comprendre, mais j’ai horreur d’être une mère. Mais j’aime ma fille ! Mais… C’est le fait d’être devenue une mère. J’ai l’impression de m’être perdue. Vous voyez ce que je veux dire ? » Entre tous ces mais, il fallait suivre.

© Ludi.

@yohann miller
J'ai mis encore plus de temps que toi, sorry pour l'attente.

Confidence pour confidence ∞ Jules & Yohann

Il n'était pas toujours évident pour les barmans de décrypter les émotions ou les comportements des gens, des fois, je tombais juste et des fois, ce n'était pas du tout le cas, mais je pesais les mots que je prononçais. Certains clients ne réagissaient pas forcément très bien aux paroles qu'on pouvait dire, alors que c'était eux qui parlaient en premier, c'est avec le temps que j'ai appris à les techniques et les paroles à prononcer. Pour la jeune femme, je l'avais bien cerné mais je prévoyais toujours le coup, en m'excusant en amont, si ce n'était pas le cas. Pourquoi ? Tout simplement suite à une mauvaise expérience par le passé. Je lui fis un petit sourire quand elle évoqua le fait qu'on pouvait en faire un business. Aucune personne n'y avait pensé, mais il était en vrai qu'en y pensant, tous les barmans et même les serveurs et les serveuses parlaient à beaucoup de monde, et ils y avaient pas mal de conseil qui sortait de cet endroit.

- J'espère sincèrement qu'avec la soirée que vous allez passer ici, vous pourrez retrouver cette petite chose. Sinon je veux bien vous réinviter à venir au Husk afin de le trouver. Vous tenez une idée de concept ! Mais je ne sais pas si les personnes qui sont des professionnels soit très d'accord. Et il y aurait toujours certaines personnes qui pourraient en profiter. Tout le monde n'aime pas forcément aider les autres.

C'était la triste réalité ! Je ne dis pas que je le faisais tout le temps, car il y avait des soirs où il y avait tellement de monde qu'on passait notre soirée, à servir les gens, leur dire quelques mots mais sans vraiment pouvoir prendre le temps. Et des fois, c'était angoissant car si une personne allait mal, avec quelques paroles, quelques conseils, peut-être que la soirée aurait été meilleure. Et pas de peur en voyant repartir les personnes. Je m'attendais pas vraiment à ce qu'elle me demande si j'avais des enfants, pas que c'était une question privé, je pouvais parler de Lilly à toutes les personnes qui me demandaient si j'avais des enfants, après je ne rentrais pas forcément dans les détails au début.

- J'ai une charmante petite fille qui a 8 ans.

Je ne voyais pas encore trop le rapport entre les questions que j'avais posé et sa question, et quelques secondes plus tard, je faisais le lien. Elle avait aussi une fille et je la laissais parler, et je l'entendis prononcer des mots assez dure. Je devais avouer que dès la naissance de ma fille, j'avais été un père complètement gaga, et même avec l'abandon de sa mère. J'étais pourtant jeune quand Lilly était arrivée parmi nous mais je me sentais complètement responsable, et j'avais très envie d'avoir ce bébé. Lilly a été mon rayon de soleil depuis le premier jour ou elle existe. Mais apparemment, ce n'était pas le cas de la jeune femme. Et j'allais essayer de comprendre pourquoi elle pensait comme cela, et s'il y avait un moyen qu'elle puisse changer d'avis sur ses pensées.

- J'ai une question, votre fille est née, il y a combien de temps ? Pas longtemps de ce que je peux comprendre.

Une petite idée m'était venue, si l'enfant de la jeune femme était encore un bébé, ce n'était vraiment pas simple. Elle devait sûrement avoir l'impression de n'être qu'une mère et non plus une femme. J'avais lu beaucoup de chose sur internet et sur des forums, cela pouvait aussi bien arriver aux hommes, qu'aux femmes. Quand un bébé arrive, c'est un énorme chamboulement mais il est vrai qu'il ne faut pas oublier avant, qu'avant d'être des parents, il y a une femme et un homme derrière ce nouveau rôle.

- J'essaye de vous comprendre, mais en tout cas, sachez une chose, c'est que je ne vous juge absolument pas, et que tout ce qu'on va se dire, ca restera entre vous et moi. Alors est-ce-que je peux vous demander pourquoi vous avez horreur d'être mère ? Est-ce-par rapport à tout ce qu'il faut faire pour votre fille ? Ou autre chose ? Je ne doute pas que vous aimez votre fille, honnêtement quand on devient parent, c'est un chamboulement. Vous avez eu un souci avec votre grossesse ? Quelque chose s'est mal passé ?

J'essayais d'en savoir un peu plus avant de tenter de l'aider, même si je n'étais pas sur de pouvoir l'aider. Nous avions déjà un point commun, nous étions parents tous les deux. Je réalisais après quelques secondes que j'avais peut-être posé des questions qui pouvaient être indiscrète.

@Jules Ridley

Yohann & Jules

confidence pour confidence

C’était peut-être ça dont j’avais besoin finalement. D’une thérapie gratuite, en-dehors du prix du verre, avec un total inconnu. La tête du barman me disait que du bien, il semblait avoir une très bonne oreille et donnait facilement l’envie de converser avec lui et se livrer sur ce qui nous tracassait intérieurement. C’était leur super pouvoir, aux barmans, et le lieu donnait des prédispositions qui les aidaient naturellement. Un petit verre à la main et paf, ça partait dans un flot de paroles ininterrompus sur les traumas des gens. De véritables confidents, en d’autres termes. Alors j’allais entrer dans ce folklore, me laisser aller à des secrets partagés avec lui, et uniquement lui. Alors j’entrais dans le vif du sujet en abordant les enfants et lui demandait s’il en avait. Le charmant serveur me répondait qu’il avait une petite fille de huit ans. Huit ans… Il avait dû en vivre des choses depuis. Peut-être qu’il avait connu les mêmes choses que moi, bien que ce ne soit pas lui qui ait accouché, mais soit. Et peut-être qu’il avait connu pire ensuite alors que la petite grandissait. Pour cela, je n’étais pas certaine de vouloir savoir. Après tout, je pourrais m’angoisser pour le futur, alors que je le faisais bien trop pour le présent. Et si j’apprenais que ce n’était que le début de tout ça ? Le début d’une nouvelle ère d’angoisse constante, du déclin inévitable de mon rôle de femme pour laisser uniquement celui de maman jaillir… J’eue un frisson remontant le long de ma colonne vertébrale. Je n’étais vraiment pas prête à tout ça. « Elle a six mois maintenant. » répondais-je à sa question avec un petit sourire discret, un poil mal à l’aise. Et maintenant ? Il allait me prendre pour une folle. Une mère qui n’aime pas sa fille. Et s’il s’imaginait qu’elle était dans la voiture, dehors, dans le froid ? Après tout, c’est ce que faisait les mauvaises mères. Du moins, c’est ce qu’on voyait passer dans les informations. Je tentais de me faire paraître sous un meilleur angle en insistant bien sur le fait que j’aimais ma fille. Car oui, je l’aimais de tout mon cœur. Ce n’était pas elle le problème en soit. C’était ce nouveau rôle, celui de mère. Mais pouvait-il seulement comprendre ce que je voulais dire par là ?

Ses paroles qui suivirent me chamboulaient complètement. Je me rendais compte que je me plaignais pour sans vraiment en avoir le droit. Un soucis avec ma grossesse ? Absolument pas. Une grossesse de rêve on pourrait dire, sans aucune complication. J’étais dans un tel état alors que certaines femmes rêveraient d’être dans mon cas. Parce qu’elles ont eu des grossesses compliquées. Et pire encore, parce qu’elles ne pouvaient pas enfanter, pour telle ou telle raison. J’avais cette facilité de concevoir, d’avoir un enfant, une famille, et je pestais derrière. « Non, ce n’est pas vis-à-vis d’elle. C’est… Je ne sais pas trop. Je… » La voix tremblante, mes yeux s’humidifiaient, m’obligeant à m’interrompre un instant. J’approchais une nouvelle fois mon verre à ma bouche pour le vider cul sec. « Excusez-moi. » me reprenais-je en m’installant correctement sur le tabouret. « En fait, j’ai ce sentiment que je suis réduite à ce nouveau rôle. On ne me demande plus comment je vais, mais comment elle va. Mon mari me regarde différemment, je le vois bien. Je ne suis plus sa femme à ses yeux, mais je suis devenue la mère de sa fille. J’ai l’impression que toute ma vie a été chamboulée. Bien sûr, je m’y attendais. Mais je ne voyais que le positif. La création d’une petite famille, un être adorable à nos côtés. Mais je n’avais absolument pas pensé à tout ce que ça pourrait engendrer à côté. En fait, c’est comment on me perçoit maintenant qui me dérange, qui m’agace au plus haut point. J’aimerais me retrouver, retrouver l’ancienne moi dans les yeux de mes proches. » J’avais tellement parler, d’une traite, sans presque le regarder de gêne. « Serait-il possible d’en avoir un autre, s’il vous plait ? » demandais-je en tendant mon verre vide au barman. Ce serait le dernier, sinon j’allais finir complètement saoule et j’allais possiblement raconter davantage ma vie à toute personne qui souhaitera m’écouter dans ce bar.

© Ludi.

@yohann miller

Confidence pour confidence ∞ Jules & Yohann

J'allais essayer de comprendre la situation de la jeune femme qui se trouvait devant moi, c'était une charmante et magnifique jeune femme. Mais elle n'avait pas vraiment l'air au top de sa forme pour cette soirée, et peut-être que ce n'était pas uniquement pour ce soir. Je l'avais écouté me parler, et j'avais appris qu'elle était devenue mère, et forcément quand on devient parent, c'est énormément de changement. Et chaque personne vivait différemment le fait d'avoir un enfant. En ce qui me concerne, j'avais été tellement heureux de devenir père, je ne pourrais jamais oublier la première fois que j'ai vu ma petite fille, c'était il y a déjà quelques années mais c'était une image qui serait gravé jusqu’à la fin de ma vie. Je venais d'entendre la jeune femme me dire que son enfant avait 6 mois, c'était un tout petit bébé encore pour le moment, qui nécessitait beaucoup d'attention et beaucoup de présence. Je ne l'avais pas entendu parler de son mari, je supposais qu'elle devait être avec quelqu'un, mais j'en avais pas la certitude, je verrais bien si elle en parlait dans les prochaines minutes.

- C'est encore un petit bébé votre fille, et elle s'appelle comment ? Enfin si je peux me permettre de demander.

Elle était complètement libre de ne pas me répondre, je ne serais pas du tout offensé car elle ne donnait pas son prénom. Mais je l'écoutais très attentivement quand elle continua de me parler, qu'en réalité ce n'était pas envers sa fille qu'elle avait un soucis, car elle l'aimait énormément et qu'elle ferait absolument tout pour elle. Enfin c'était mon impression en l'écoutant, puis elle me parla du reste de sa vie, que les gens ne la voyaient plus du tout comme une femme, mais uniquement comme la maman de cette petite fille. Il était vrai que ce n'était pas forcément simple comme situation.

- Prenez votre temps, ou si vous voulez qu'on change de sujet, il n'y a pas de soucis. Mais en tout cas, je comprends complètement ce que vous ressentez, il y a quelques années à la naissance de ma fille, ce fut la même chose, je n'étais plus que le père de ma fille pour beaucoup de mon entourage, mais je peux vous assurez que cela ne dure qu'un temps. En ce qui concerne le côté personnel, je ne sais pas vraiment si je pourrais être de bon conseil. Mais si je peux me permettre de vous donnez mon avis, je pense que votre mari est vraiment très heureux que vous soyez la mère de sa fille, et pour le moment, il est peut-être complètement gaga de sa fille et qu'il vous oublie un temps, mais je ne doute pas qu'il vous aime toujours autant. Est-ce-que vous ne pourriez pas vous faire une soirée tous les deux, et discuter de votre ressenti ? Si vous avez de la famille, confier leur votre fille, et passer une soirée avec votre mari, pour simplement avoir une discussion. La communication dans un couple, c'est vraiment essentiel.

Je dirais même que c'était la clef pour réussir son couple, parce-que les non-dit peuvent créer des situations vraiment gênante et mauvaise. Une discussion entre elle et son mari serait vraiment la solution, enfin de mon avis. Après elle était complètement libre de le faire ou de ne pas le faire, mais je pense que son mari allait être à son écoute. Ils étaient ensemble, ils avaient une petite fille, c'était donc un couple qui avaient pour projet de passer énormément d'année encore ensemble. Alors je sentais sincèrement que si elle leur réservait une petite soirée, il allait vraiment être présent pour elle, et qu'il serait vraiment à son écoute.

- On s'imagine et on se projette énormément quand on apprend qu'on va devenir parent. Malheureusement, ce n'est pas toujours comme on le voudrait en réalité. Mais il y a une chose importante à savoir, c'est que vous êtes la mère de votre fille, et aussi une femme. Même si pour le moment, votre entourage ne vous voit plus comme cela. Après une discussion avec ses personnes peut-être aussi recommandé, en disant qu'effectivement, vous êtes devenue mère, mais que vous êtes toujours la même personne qu'avant votre grossesse, et que leur attitude peut être blessante pour vous, car vous avez l'impression de ne plus compter être cette personne, alors que si, vous l'êtes ! Et que ce n'est pas parce-que vous avez eu un enfant, que vous avez changé.

Mais je comprenais très bien ce qu'elle avait pu ressentir ! Mais la clef de la réussite, c'était d'en parler. Elle avait réussi à m'en parler alors qu'on ne se connaissait pas du tout, même si on dit souvent, qu'il est plus simple de parler à des personnes qu'on ne connaît pas du tout, car il n'y a pas de jugement, que des conseils qui peuvent en ressortir. Mais en tout cas, une chose était sure, elle ne pouvait pas rester dans cette situation, il fallait qu'elle en parle. Elle se sentirait beaucoup mieux ensuite d'en avoir parlé.

- Vous permettez que je vous prépare un autre cocktail ?

J'avais déjà une petite idée du cocktail que j'allais pouvoir lui préparer mais bien entendu, j'allais garder ma petite recette pour moi. Ne pas dire ce qu'il pouvait contenir ...

@Jules Ridley

Yohann & Jules

confidence pour confidence

J’avais tout déballé. J’avais déballé toutes mes sombres pensées au sujet de ce nouveau rôle de maman, que je n’appréciais pas particulièrement. J’avais la vilaine impression que je m’étais perdue en tant que femme. Aux yeux de mon mari, je n’étais plus sa femme, son épouse, mais juste réduite à la mère de sa fille. Je m’en voulais cruellement de penser ainsi. J’avais l’impression que ça faisait de moi une mauvaise mère, me demandant si j’aimais réellement ma fille. Est-ce qu’une bonne mère avait ce genre de réflexion ? Assurément que non. Ces mères-là, les mères parfaites pour ce rôle, se donnait corps et âme pour ce petit être, aimaient leur enfant plus que tout, car elles avaient toujours rêvé de devenir mères. Et c’était là qu’on touchait au fond du problème. Si problème c’était. Je n’avais jamais voulu être mère. J’avais peur qu’en le devenant je sois nulle dans ce rôle, que je n’arrive pas à transmettre les bonnes choses, et que je lui offre une vie misérable. Ma mère, c’est ce qu’elle avait fait. Et j’avais peur d’être comme elle. J’avais peur d’être une version deux de ma mère. Elle qui m’avait tant fait de mal dans ma jeunesse. Non pas par la violence, mais par la déception. Au plus loin que je me souvienne, elle m’a toujours déçue. Certes, j’avais été un peu fière d’elle pendant quelques instants, comprenant qu’elle avait fait maints efforts pour revenir à la surface, dans notre société, en étant en-dehors de la prison avec un emploi stable et un logement pour m’accueillir ; mais tout avait été ruiné l’année suivante. Quand finalement, les services sociaux me reprenaient pour me faire partir loin de ma mère, elle qui retournait tout droit en prison pour trafic de drogues. Je me souviendrais toujours du dernier regard qu’elle m’a adressé, un regard si triste. Et c’est dans cette déception, que je me disais que tout serait toujours comme cela. Frustration, déception, tristesse. Je m’étais donc dit que j’aurais certainement des raisons dans le futur pour décevoir mon enfant, et je m’y refusais catégoriquement. Je refusais de reproduire tout cela, moi qui en avait tant souffert. Quitte à ne pas procréer, ce n’était pas grave pour moi. On peut vivre sans faire d’enfant, fort heureusement. Ce n’était pas obligatoire et je m’en serais bien passée en réalité, mais mon mari non. Alors pourquoi le décevoir lui à son tour ? Il avait eu les arguments pour contrer mes pensées, affirmant que si je ne souhaitais pas être comme ma mère, alors il n’y avait aucune raison que je sois comme elle et que je serais une mère formidable si c’était ce que je voulais. Alors j’avais cédé. Et maintenant, je vivais dans cette peur inconstante, bien qu’irrationnelle pour certains.

« Oui, bien sûr. Elle s’appelle April. Et la vôtre ? » répondais-je au barman qui était devenu mon psychologue du soir, tout en lui répliquant la question. Comme il était également peur, ça me rassurait, peut-être comprendrait-il mieux ce que je souhaitais dire quand j’exposais mes problèmes. Ce barman avait les bons mots. Il avait rassurer. Il m’affirmait qu’il s’était retrouvé dans la même situation à la naissance de sa petite fille et que ça ne durait qu’un temps. J’espérais que ce serait le cas également pour moi, et que cette période ne serait pas trop longue. « Je ne suis pas sûre qu’il serait prêt à lâcher notre fille tout de suite, même si elle était confiée à ses parents, mais ça se tente. » Je disais ça sans grande conviction, pensant qu’il serait difficile d’extraire notre fille de ses bras le temps d’une soirée, ayant déjà tenté de faire entrer cette proposition dans la tête de mon conjoint sans succès. Mais je rejoignais complètement les idées du barman. C’est exactement ce qu’il fallait, car je savais que la communication était la clef dans un couple. Et si la confiance et la complicité rejoignaient la communication, on avait un triangle parfait, la règle des 3C, qui pourrait faire durer un couple sur des millénaires d’années. « Pourquoi pas. Surprenez-moi ! » répondais-je en souriant largement, alors qu’il me proposait un cocktail différent. Je lui faisais déjà confiance pour parler de mes problèmes personnels, alors pourquoi ne pas lui faire confiance pour changer de cocktail. « Vous sauriez juste me dire si cette période de on-est-parent-avant-tout-autre-chose dure longtemps ? » Histoire que je me mette une limite dans le temps. Le plus court serait le mieux.

© Ludi.

@yohann miller