Quand nous entrons dans les lieux, les visages se lèvent vers nous comme à chaque fois que l’on entre dans ce genre de lieu guindé. Je ne fais plus attention aux regards que le monde peut nous porter si ce n’est que je suis terriblement fière de ce que nous sommes et de ce qu’on peut représenter. Un couple parfait qui organisent le mariage de l’année à Tree Hill. Les ragots vont bon train à notre sujet passant par des éléments vrais comme des sujets complètement délirants. Comme par exemple que nous aurions acheté les services des Spices Girls réunies spécialement pour notre mariage. Ou que Peter va descendre de l’église en hélicoptère. Ce genre de rumeurs ne manque pas de me faire rire parce que c’est tellement risible que ça rend mon mariage encore plus attendu. Et il est vrai que je mets un point d’attention à ce que tout soit parfait et réponse parfaitement à ce que j’ai toujours désiré depuis toute petite. Dans le classeur que j’ai glissé dans mon sac à main - assez grand pour le coup - il y a tous les rêves et désirs de la petite fille que j’étais il y a six ans quand j’ai commencé à rêvé du jour où je dirai oui. Presque trente ans après, je vais réaliser mon rêve et pourtant je n’arrive pas à être heureuse. Je ne suis pas satisfaite et il y a peu encore peu je boudais comme une gamine. Les bras croisés sur ma poitrine, plongée dans notre sofa immense, j’en voulais à Peter d’avoir oublié le rendez vous pour fixer notre menu du soir pour le mariage. Enfin « les » menus parce qu’il est évident que le mariage va durer plusieurs jours, que le vendredi nous allons accueillir nos familles. Le samedi sera la cérémonie religieuse et la célébration du soir. Et le dimanche sera consacré au brunch pour finaliser ce merveilleux mariage. Et vraiment, j’y attache de l’importance mais j’ai l’impression que ça n’est pas le cas pour mon fiancé, que son travail lui prend tellement de temps qu’il ne peut pas être partout et ailleurs à la fois. Cependant, j’aimerai qu’il soit investi et ce n’est pas faute de lui dire. En long, en large et en travers, j’hésite même à apprendre le mandarin pour espérer qu’il prenne enfin goût à planifier ce jour qui ne va pas tarder à arriver. Car bien que nous soyons en plein mois d’avril, le mariage est prévu pour la fin de l’année. Et ça va vite arriver. Alors certes il y a une entreprise à faire tourner mais aujourd’hui, j’ai envie que ça soit notre journée à nous, à nos préparatifs. Alors oui, je lui en veux encore. Et lorsque nous entrons dans l’hôtel qui accueillera notre mariage, ma main est dans la sienne mais pour le reste, je suis hyper en colère.
Et ça détonne du sourire radieux qui s’affiche sur mon visage. Je suis en apparence la petite amie hyper comblée de la vie quand au fond de moi, j’aspire à le jeter dans un puits et à mettre un couvercle par dessus. Pourtant, lorsque je jette un œil à cet homme qui est à mes côtés, j’ai un regain de tendresse qui me donne envie de lui faire des câlins et de lui dire que je comprends sa situation. Mon cœur flanche parce que Peter est quelqu’un que j’aime sincèrement. Il est le prince qui fait de sa princesse une vie de rêve. Et je sais que je serai fière de devenir Madame Bennett. Le seul bémol chez lui c’est d’avoir eu l’idée bizarre de m’offrir un chihuahua aussi inutile que de la pluie en plein été. Ça embête tout le monde et surtout moi quand j’ai pourtant fait mon brushing.
« Mademoiselle McGregor, Monsieur Bennett, je suis ravie de vous voir. » Notre wedding planner arrive en nous tendant la main. Et si son sourire est aussi radieux que le mien, je suis sûre que Peter sent ce vent glacial qui s’abat sur nous trois. Parce qu’en réalité, je ne peux plus me voir Josie qui essaye toujours de réprimer tous mes désirs concernant mon mariage. Elle est toujours défaitiste et sincèrement j’aurais pris une autre wedding planner si on ne m’avait pas conseillé de la garder parce qu’il n’y a pas mieux qu’elle dans la vie. Puis en tant qu’organisatrice d’événement, je sais quand elle essaye de nous la mettre à l’envers et je déteste quand elle essaye de me faire passer des vessies pour des lanternes. Je sens qu’aujourd’hui, ça sera difficile de ne pas l’envoyer bouler d’autant plus que je suis déjà bien agacée par tout.
« Si vous voulez me suivre.. J’ai hâte ! » Ce à quoi je réponds à un rire de bourgeoise semblable à une chèvre en train de bêler. « J’ai si hâte aussi. » Je lui réponds, un brin ironique. Et là dessus nous voilà qu’on se dirige dans l’immense salle de réception qui verra les tables, les chaises, la piste de danse. Les immenses fenêtres donnent sur le jardin fleuri, immense, et tout me donne l’impression que ça sera féerique. Bien sûr en plein jour et sans rien que quelques tables, le charme est absolument pas là. « J’ai hâte d’y être… » Je ne peux m’empêcher de murmurer à l’oreille de Peter avant de me rappeler que - Horreur - je suis censée lui faire la tête. Mais l’idée que nous serons là, je suis tellement emballée par tout ce qu’il va se passer. Qu’il me voit dans ma belle robe blanche que j’ai faire sur mesure par Marc Jacobs. Bien sûr je ne peux nier l’inquiétude qui me ronge à l’idée que c’est peut être illusoire de penser qu’il sera plus investi par la suite et plus présent. Mais au fond de moi, il y a cette voix qui me dit que tout finira par rentrer sur le droit chemin.
On s’installe dans une pièce à côté où se trouvent un divan, des fauteuils, une table avec beaucoup de plats présentés, et aussitôt Josie attaque directement dans le vif du sujet. « Voilà, prenez place dans le divan. On va vous servir un peu de champagne avant de commencer. Et ensuite, on attaquera les tests des entrées, je vais juste chercher quelques employés pour qu’ils puissent faire le servirce pendant que je vous explique tout. » Et elle s’en va pendant que nous prenons place, l’un à côté de l’autre. Ma bague de fiançailles scintille si fort à ma main gauche que je décide de rompre mon silence buté. « Est ce que tu as prévu suffisamment de temps, ça risque de prendre un moment pour tout goûter et se décider. » Il finira par partir en plein milieu et me laissera certainement choisir le dessert toute seule ce dont je n’espère pas.

@Peter Bennett

Le mariage approchait à grands pas. Peter en était bien évidemment très heureux, Ellis était la femme parfaite pour lui, ils se connaissaient depuis tellement longtemps que leur relation ne pouvait en être autrement, ils allaient forcément passer le reste de leurs vies ensemble. Dernièrement, il ressentait un petit froid entre eux, froid qu’il ne comprenait pas car il était littéralement aux petits soins pour elle. Il lui avait même acheté un horrible petit chien, le genre de petit chien dont toutes les femmes riches rêvaient et avec lequel elles se pavanaient dans un sac horriblement cher qui finissait plein de poils. Bien entendu, il ne comprenait pas du tout cette mode mais il s’était dit que sa future épouse apprécierait de pouvoir montrer sa petite horreur à toutes ses amies pleines aux as. Apparemment, l’attention n’était pas si bien passée que ça, ou peut-être était-ce dû à ses nombreuses absences dernièrement. Il fallait dire que les voyages d’affaires s’enchaînaient et on ne pouvait pas vraiment dire qu’il était particulièrement impliqué dans l’organisation du mariage. Seulement voilà, Ellis, en bonne spécialiste de l’événementiel, maitrisait tellement le sujet que Peter se disait qu’il pouvait travailler en toute tranquillité, après tout elle maitrisait parfaitement la situation avec l’organisatrice qu’ils avaient embauché pour l’occasion. Lui, il n’y connaissait rien en mariages et pour être parfaitement honnête, il s’en fichait un peu que la décoration soit blanche, dorée ou argent, que le repas soit chaud ou froid, ou encore que les alliances soient gravées ou non. Il voulait ce qu’il y avait de mieux pour leur mariage et il alignait l’argent là où il était nécessaire. Mais il savait qu’Ellis avait ce classeur depuis plusieurs années dans lequel elle accumulait toutes les choses qu’elle voulait pour le mariage. Des considérations bien loin des affaires de Peter.

Le couple avait rendez-vous aujourd’hui dans l’hôtel qui verrait la fête de leur mariage à la fin de l’année. Un hôtel luxueux bien sûr, qui ne pouvait accueillir que la crème de leur monde. Peter avait enfilé un très beau costume, comme c’était souvent le cas. Il n’était pratiquement plus capable de s’habiller avec un jeans et un t-shirt, comme ça pourrait être le cas de beaucoup d’hommes lors de leurs journées de congé. Mais Peter n’était jamais réellement en congé, souvent les coups de fil s’enchainaient et il finissait toujours par devoir se rendre au bureau pour une raison quelconque. La wedding planer les accueillit dans le hall de l’hôtel et Peter sentit la main d’Ellis crispée dans la sienne, un sourire de façade qu’il était capable de reconnaitre parmi tous. Elle ne supportait pas l’organisatrice de leur mariage, elle n’aimait pas ses idées et elle était probablement en train de songer à prendre les choses en main de manière rapide. Peter prit les choses en main et salua la jeune organisatrice qui leur avait été conseillée par tellement de personnes de leur entourage.

Bonjour mademoiselle. Nous sommes ravis d’être là.

Poli, courtois, terriblement hypocrite. Ellis ne lui avait pas encore adressé la parole aujourd’hui, elle lui en voulait toujours pour quelque chose, mais alors qu’ils pénétraient dans la salle de réception, elle lui glissa à l’oreille qu’elle avait hâte d’y être. Etonné, Peter se glissa dans la brèche qu’elle lui ouvrit et lui répondit avec un sourire, son regard plongé dans celui de sa future femme :

J’ai vraiment hâte moi aussi.

Hâte qu’elle porte son nom, hâte de pouvoir la présenter à tout le monde comme sa femme, hâte d’être un homme marié et que sa famille lui foute la paix avec tout ça. Ils ne tarderaient certainement pas à réclamer un enfant, digne héritier de la dynastie Bennett, un rôle qu’il ne voulait tellement pas imposer à un éventuel futur enfant. Rien que la pensée lui foutait la nausée. Peter prit place alors que Josie leur indiquait qu’ils allaient rapidement recevoir une coupe de bulles avant de commencer à tester le repas de leur futur grand jour. Ellis attendit que la jeune femme ne quitte la pièce quelques instants avant de lui dire qu’elle espérait qu’il ait dégagé suffisamment de temps.

Et bien normalement oui, j’ai dit au bureau que je serais occupé, mais tu sais comment ils sont.

Elle savait, et ça la mettait en colère la plupart du temps. Cependant, Peter avait bien fait comprendre qu’il ne voulait pas être dérangé aujourd’hui. Même s’il sentait dans la poche interne de sa veste que son téléphone avait déjà vibré deux ou trois fois. Il regarderait discrètement lorsqu’Ellis aurait le dos tourné. Mais il ne fallait pas qu’il sorte son téléphone maintenant, c’était trop tôt. Il prit la main de sa future femme et lui fit une promesse qu’il ne pourrait probablement pas tenir :

Aujourd’hui, je me consacre à toi et à notre mariage.

Il allait la regretter cette promesse, il le savait parfaitement.

@Ellis McGregor

Je suis sur des charbons ardents lorsque nous prenons place dans ce divan immense et qu’on s’apprête à gouter les mets que nous devrons valider ou décliner. J’aurais aimé être de meilleure humeur c’est vrai. Mais il y a des moments où ça me pèse d’être fiancée à Peter. Des moments où je rêverai qu’il puisse bien plus présent et moins obligé de voguer par monts et par vaux. Mais ça, c’est uniquement parce que je suis dans mes jours « koalas ». Vous savez, ce genre de jour où vous pourriez passer la journée dans les bras de quelqu’un. A être consolé pour une raison que nous ignorons, à être chouchouté parce qu’on se sent aimé. Et c’est typiquement ce genre de jour dans laquelle je suis et forcément, avec le stress du mariage et des essais, tout  est amplifié. D’ordinaire, si son absence se fait ressentir, j’arrive à la gérer malgré tout. Je me trouve toutes les bonnes raisons du monde de me conforter dans ma situation. Et ça commence souvent par un aller  - sans retour - dans ce magnifique dressing qu’il a fait ériger pour moi. Et dans laquelle, honnêtement, je peux y passer des heures. A essayer des tenus, des chaussures sous l’oeil idiot de Horreur qui m’observe. Donc oui, aujourd’hui, je suis tel un nouveau né qui a besoin de la chaleur de sa mère à la différence que je réclame l’attention maximale de mon fiancé. Ce que je finis par lui dire lorsque nous nous installons. Et sa réponse ne me satisfait pas pleinement. Ou alors il aurait fallu taire les derniers mots. Je les ressens comme les gens qui disent « je m’excuse mais… » Mais quoi ? Non, c’est je m’excuse point à la ligne. Ce que m’a toujours dit mon père à chaque fois qu’il a oublié mon anniversaire ou mon spectacle de danse. « Je m’excuse de ne pas avoir été présent, Ellis mais tu sais, j’étais occupé… » Et il se barrait comme un seigneur me laissant avec ce sentiment mitigé de ne pas trop savoir. Et le pire, c’est qu’à l’inverse, on se sent comme un idiot. Et même si je sais  que son bureau ne le laissera pas en paix, j’ose espérer qu’il respectera notre moment à deux.
La pique me démange de lui sortir que s’il éteignait son téléphone, le souci serait réglé. Mais je sais combien ce n’est pas possible. Il subit une pression tellement forte. Et bien que je sois énervée, je comprends. ça ne veut pas dire que je serai de bonne foi. Au contraire, aujourd’hui je suis un koala égoïste qui veut son fiancé pour elle seule. « S’il vibre trop alors je peux le plonger dans le champagne et dire que c’est moi qui l’ait fait tomber dedans. » Mes yeux sont presque emplis d’espoir à l’idée qu’il dise oui. Et je suis même prête à me prendre les foudres de beau papa qui sera mis au courant, dans la minute, que fiston a coupé son tel. « Je dirais que c’est un accident. » Parce qu’au bureau, personne ne respectent pas son temps libre. Le téléphone sonne en permanence et d’une sonnerie que j’ai appris à haïr. C’est encore pire que la sonnerie qui annonce la Purge dans le film American Nightmare. Elle me hérisse les poils et trucide mes oreilles alors autant dire qu’il n’y a pas intérêt que je l’entende entre le foie gras et les huîtres.

Les mots de mon fiancé se veulent rassurants. Et je finis par me dire que j’aurais enfin son attention. Je veux que notre mariage soit le plus beau, qu’il soit à l’image de notre rencontre qui aura été féérique. Je sais que notre wedding planner a même fait une vidéo qui reprend les moments phares de notre vie et de ce fait, il faut donc que cette célébration soit à l’image de notre couple. « C’est promis ? » Finis-je par lui demander en venant saisir sa main dans la mienne. J’ai besoin d’être rassurée aujourd’hui. J’ai besoin de le savoir connecté à moi. Maintenant, plus que jamais. J’y crois même si au fond de moi, je sens que c’est le genre de promesse où les doigts ont été croisés dans le dos. « J’ai tellement hâte que tu me voies remonter l’allée vers l’autel. J’espère que tu vas aimer la robe et la coiffure que je porterai ce jour-là… » Des années que je l’ai dessiné sur le papier et aujourd’hui, elle a été créée par les plus grand couturiers. Coûteuse bien évidemment, je représente la magnificence des McGregor et les rumeurs sur notre contrat de mariage sont vrais : les sommes engagées sont faramineuses. La wedding planner arrive avec un chariot recouvert d’une nappe immaculée. Et dessus, se trouve des tas de mets appétissants, aux odeurs alléchantes. Je n’ai rien mangé depuis hier midi pour justement pouvoir tout goûter. Et j’avoue que je commence à avoir tellement faim. Pendant qu’un employé met des morceaux de chaque plat dans une assiette, la wedding planner nous fait une description détaillée. Je goûte le foie gras que je trouve savoureux. Le caviar est correct aussi mais j’avoue que c’est pas ce que je préfère. « Tu préfères que ce soit du caviar ou du foie gras. Je suis certaine que les invités apprécieraient plus du caviar mais je trouve que le foie gras est meilleur en bouche..  » Et c’est là que j’ai besoin de l’avis de Peter. Et déjà c’est le premier test, savoir s’il va me suivre sans sourciller. Ou bien me donner un avis constructif de la même manière que je le verrai parler d’un projet devant une assemblée attentive à ce que va dire l’héritier

@Peter Bennett

Si Peter avait particulièrement envie d’épouser sa chère et tendre, il savait également que les préparatifs n’étaient pas du tout de son ressort. Il s’y intéressait de loin car Ellis était une femme qui avait énormément de gout, elle savait déjà exactement ce qu’elle souhaitait, il ne semblait pas y avoir de doute dans son esprit alors le quarantenaire ne voyait pas vraiment ce qu’il avait à y faire. Cependant, sa présence pour ces moments importants des préparatifs comme la dégustation du menu, le choix du gâteau, l’ouverture de bal ou encore d’autres détails insignifiants à ses yeux était indispensable pour sa future femme. Il avait donc fait savoir au bureau qu’il ne serait pas disponible aujourd’hui cependant, il avait déjà remarqué que son téléphone ne cessait de vibrer. Il avait déjà coupé le volume de l’appareil pour éviter d’être dérangé mais il savait que cela ne serait pas suffisant. L’appareil allait vibrer, les collègues allaient lui laisser des messages vocaux qu’il devrait écouter en s’éclipsant, afin de s’assurer que rien de grave ne se passait au bureau. Il gardait un superbe sourire de façade en mode Colgate, le genre de sourire qu’il affichait chaque jour de sa vie depuis des années maintenant. Lorsqu’Ellis mentionna la vague possibilité de faire tomber son téléphone dans le champagne, Peter sourit légèrement mais une grimace apparut au coin de ses lèvres. Non, laisser tomber son téléphone n’était pas une possibilité qu’il envisageait. Cependant, il pouvait trouver une solution qui conviendrait à tout le monde.

Peut-être pas dans le champagne non, ça ne me parait pas fort raisonnable. Mais je peux le glisser dans la poche intérieure de ma veste qui est posée là-bas, comme ça, il ne nous dérange pas pendant un moment.

Elle attendait tellement de choses de lui, tout comme sa famille, ses collègues, les gens avec qui il échangeait dans le cadre de son boulot. Tout le monde avait tellement d’attentes par rapport à lui, alors qu’il ne rêvait que d’une chose : un peu de paix, de tranquillité. Bizarrement, ça, personne ne semblait vouloir le lui donner. A nouveau, il retrouva son traditionnel sourire de façade, celui dont Ellis semblait avoir besoin actuellement. Des promesses, elle lui demandait des promesses, promesses qu’il savait très bien qu’il allait devoir rompre à un moment ou un autre de la journée, parce qu’on ne lui foutrait pas la paix, il le sentait.

Bien sûr que c’est promis.

Ce mariage était en train de prendre une tournure incroyable, mais Peter voulait de ça, il voulait un grand mariage, plein de fastes, il voulait que tout le monde sache à quel point son mariage était le plus beau, il voulait injecter autant d’argent que possible là-dedans. Et il savait qu’Ellis pensait comme lui, qu’elle voulait quelque chose de somptueux, quelque chose qui en jette dans les yeux de toutes les personnes qui allaient lire le journal et voir leur photo à la une, de toutes les personnes qui verraient passer les voitures de luxe dans les rues de la ville. Il fallait en jeter, même si cela n’avait strictement aucun sens au final. Est-ce que ça leur ressemblait vraiment tout ça ?

Tu seras forcément superbe, je n’en doute pas une seule seconde. Tu sais que peu importe ce que tu portes, je te trouve toujours divine.

Elle serait superbe, Peter le savait car Ellis était superbe dans toute circonstance. Elle savait toujours comment faire pour être à la pointe de la mode et de l’élégance, tout le monde l’appréciait, chaque membre de la famille Bennett voyait en elle la digne compagne de l’héritier de la fortune familiale. Il la regardait et il voyait la perfection, ni plus ni moins. Alors qu’il était perdu dans ses pensées, Peter en fut tiré par la voix de sa future femme qui s’interrogeait sur le caviar ou le foie gras. Il attrapa rapidement un peu de chaque et, au bout de quelques instants, finit par déclarer :

Le foie gras est bien plus savoureux, le caviar a peu de gout, c’est triste pour un met de ce prestige. J’opte pour le foie gras.

Il était là, il suivait toujours, pas persuadé qu’il allait pouvoir tenir comme ça.

@Ellis McGregor

Il faut que tout soit parfait. Et de ce fait, je me mets une pression énorme pour veiller à chaque détail. Et bien que la wedding planner me soit d’une grande aide, je suis incapable de lui laisser prendre des décisions sans y avoir mis mon grain de sel. C’est d’ailleurs pour cela que c’est la guerre et pourtant, j’ai pris l’une des meilleures. Vous savez, le genre de personnes qui a un carnet déjà rempli sur les trois prochaines années. Et bien, c’est tout à fait elle et je ne l’aime pas. Heureusement qu’aujourd’hui, elle est là sans vraiment être là parce que ce moment n’est réservé qu’à Peter et moi. Et j’espère vraiment que ça se passera pour le mieux. A commencer par son téléphone que je n’espère pas entendre. La sonnerie en est devenue une malédiction et je suis sérieuse lorsque j’évoque le champagne dans lequel il pourrait faire un plongeon accidentel. Mais dans la réponse de Peter, je reconnais bien son sens des responsabilités et tout le sérieux dont il peut être capable dans ce genre de circonstances. « Dans la veste. En mode vibreur. » C’est même pas une interrogation mais une affirmation. Aujourd’hui, ça compte pour moi. Et puis de toute façon il faudra bien que le jour j, il s’en sépare. Il est hors de question qu’il sonne en pleine cérémonie. Je serais alors capable d’en tuer l’appelant tellement je sais que je serais dans une colère implacable.
Et c’est bien ça le problème : je me fous une pression énorme. Ce mariage est une image médiatique si forte. Ce n’est pas juste Barbie et Ken qui se marient. Et j’espère qu’il va aimer ma tenue le jour j. Qu’il sache ô combien je me donne du mal pour être la plus belle ce jour là. Et ces mots me rassurent tellement. J’aime tant quand il me dit que je suis belle. Ce sont ce genre de mots que j’aimerais l’entendre dire en permanence. Mais nous nous voyons si peu. Et forcément, ces compliments appellent à mon besoin d’amour et ne pas être laissée de côté. J’étire un sourire sincère, comblée de savoir que je serai toujours la plus belle à ses yeux. Je me penche, alors, pour déposer mes lèvres sur les siennes, pour y voler un baiser à la dérobée, entre deux serveurs qui déposent la farandole d’entrées. « Je serai sublime rien que toi. » Les murmures sont prononcées dans la ferveur d’un instant de tendresse. C’est même là que je remarque que c’est le premier bisou que l’on échange depuis qu’il est rentré à la maison puisqu’il m’a forcément trouvé en train de bouder et que je n’étais absolument pas disposée au moindre contact physique, y compris une main posée sur mon épaule. « Et puis, je n’aurais d’yeux que pour toi parce que je sais que tu seras le plus beau des mariés de cette planète. » Et bon sang que j’aime cette chance que la vie nous donné. De pouvoir nous rencontrer, de nous aimer alors que de base ça devait être un mariage arrangé. Je n’aurais pas pu me trouver face à un Peter moche et encore moins lui dire oui. Je suis ce genre de filles qui accorde de l’importance à l’apparence et non à la beauté de l’âme.

Le premier test se révèle être un choix entre caviar et foie gras. Et force est de constater que le foie gras l’emporte pour tous les deux. Personnellement, je ne suis pas fan des mets qui viennent de la mer et la wedding planner le sait. Mais le caviar ça en jette c’est vrai. Pourtant quand Peter déclare que le caviar manque de gout, mon sourire rayonne et je m’exclame « C’est exactement ça ! Il a pas ce petit côté… » Ma main fait des mouvements pour mimer un mot qui ne me vient plus en tête. Sans doute parce que je ne saurais pas trop dire de bien sur le caviar et que parce mon esprit me hurle de dire « dégueulasse ». « Ah je ne trouve pas ce que je voulais dire… » Un petit rire franchit mes lèvres. Le premier depuis notre arrivée et il disparaît vite quand je tourne vers la wedding planner qui attend certainement notre réaction. Ma voix devient moins chaleureuse « Le foie gras l’emporte et nous sommes un peu déçus du gout du caviar. Pouvez-vous vérifier les informations avec le chef cuisinier. Ce n’est pas normal qu’il manque autant de gout. » Je suis sans doute la cliente la plus difficile et c’est tant mieux. Et pendant qu’elle s’en va, on nous amène une nouvelle série de dégustation caché sous une cloche argenté. Lorsqu’on la soulève, je découvre toute une série de cocktails de fruits de mer. Et mon visage se décompose déjà. Si cette petite trainée de wedding planner le fait exprès, je vais le lui faire payer. « Ooooh des fruits de mer… » Je dis d’une voix gênée en prenant une huître entre mes mains manucurées. Rien que la vue me dégoute et je n’ose pas regarder Peter pour voir ce qu’il a pris. Je la remue pour la décrocher de sa coquille et puis je l’avale comme j’ai souvent vu ma mère le faire. Sauf que… Dès que le gout vient sur mon palais, je sais que je ne vais pas réussir à l’avaler. Je pose main main contre mes lèvres et j’essaye de me motiver pour le faire. C’est alors que je suis prise d’une envie soudaine de regarder mon futur mari et là c’est inexplicable. Mais en le dévisageant, je commence à avoir envie de rire. Sauf que j’ai la bouche pleine. Et ce rire qui arrive si fort, me pousse à avaler l’huitre de travers, dans un hoquet. « Oh Seigneur ! » Je ne peux m’empêcher de tousser sans aucune élégance, les larmes aux yeux et ne pouvant m’empêcher de continuer à rire. Mais cette fois rien de gracieux, juste cet éclat qui exprime une joie pure, d’un moment qui restera gravé. « Quand j’ai vu ta tête, ça a été plus fort que moi. » Je lui dis tout en avalant une gorgée de champagne pour faire partir le gout affreux. « Pas les huitres ? » Je lui demande avec une pointe de malice dans la voix.

@Peter Bennett  

Organiser son mariage, épouser la femme de sa vie, la femme qu’il aimait, celle qu’il considérait comme la plus belle femme du monde, Peter aurait dû être l’homme le plus heureux du monde aujourd’hui. Cependant, l’organisation de son mariage ne l’intéressait pas réellement, il essayait pourtant de s’y intéresser mais c’était terriblement difficile pour lui de s’intéresser aux gâteaux, au repas, à la couleur des nappes ou à la forme des centres de tables. Allez savoir pourquoi mais ce genre de détails ne lui importait que peu, même s’il savait que sa future femme avait terriblement envie qu’il se plonge un peu plus dans les préparatifs de leur mariage. Alors aujourd’hui, il avait accepté de faire un effort, il avait accepté de l’accompagner pour cette sortie préparatifs même si son téléphone ne cessait de se faire remarquer. Il ne l’avait pas encore mis en mode vibreur mais clairement, sa fiancée était bien décidée à ce que Peter soit complètement concentré sur leur mariage. Le futur quarantenaire avait répondu à la remarque d’Ellis avec un large sourire. Il avait baissé les yeux puis avait pris son téléphone, avait appuyé sur le bouton qui lui permettait de mettre son téléphone en mode vibreur et l’avait glissé dans la poche intérieure de sa veste. Il était dérangé par cette exigence de sa future femme mais il devait se montrer conciliant, les choses avaient tendance à être un peu froides entre eux pour le moment.

Et voilà Madame, en mode vibreur et dans la poche, je suis tout à toi.

Les serveurs commençaient à apporter une farandole d’entrées et même si un froid s’était installé entre eux depuis qu’il était rentré, Peter sentait qu’Ellis était en train de se détendre et ça lui faisait plaisir. Après tout, il savait combien ce mariage était important, il savait qu’elle se mettait une pression de dingue pour que tout soit absolument parfait, même si tout le monde sait qu’un mariage est toujours ponctué d’une série de surprises et de situations inattendues. L’homme d’affaires avait parfaitement conscience que tout ne se passerait pas selon les plans d’Ellis et cela risquait bien de provoquer la colère, ou en tous cas l’incompréhension de la mariée le jour J. Mais c’était comme ça et le côté calme qu’il possédait devrait faire en sorte que sa femme passe la plus belle des journées. Peter commençait à se détendre, il souriait même lui aussi, heureux de passer ce moment en compagnie de sa fiancée. Il y avait encore beaucoup de choses qui devaient être discutées mais Peter ne doutait pas que tout allait se mettre en route de la manière la plus douce possible. Les mots d’Ellis le rassuraient toujours et il se contenta de lui glisser :

Je sais que tu seras la plus belle, comment pourrait-il en être autrement ? Tu es de toute façon la plus belle femme à mes yeux.

C’était vrai, il n’avait pas le souvenir d’avoir jamais vu une femme aussi belle qu’Ellis, alors encore moins plus belle. Lorsqu’elle lui dit qu’elle n’aurait d’yeux que pour lui le jour de leur union, il sourit légèrement et lui glissa :

Tu seras bien la seule car tous les autres n’auront d’yeux que pour toi tu sais.

La dégustation du foie gras avait été une expérience culinaire particulièrement incroyable, par contre le caviar les avait déçu tous les deux. Et pour décevoir Peter, il fallait y aller fort car il était un grand amateur de mets divers et variés, savoureux et élégants, héritage d’une longue lignée de membres de sa famille qui avaient toujours eu beaucoup de gout. Cependant, le caviar qui leur avait été servi manquait de tout ce qui faisait qu’un caviar en valait la peine. Le futur marié prit un air sérieux lorsqu’Ellis fit savoir à l’organisatrice de leur mariage qu’ils n’étaient pas du tout satisfaits de ce met.

Il avait vraiment quelque chose d’assez… amer, très désagréable et râpeux au palais. Le foie gras est effectivement délicieux cependant.

Il aimait apporter une petite touche de positif tout de même à son discours, car il savait que la pauvre fille se démenait pour leur mariage. Elle était juste tombée sur plus fort qu’elle. Alors que les serveurs s’approchaient à nouveau d’eux avec de nouvelles cloches, quelle ne fut sa surprise de découvrir des fruits de mer sous les cloches. Pourtant, Ellis avait certainement mentionné à la wedding planner que les fruits de mer n’étaient pas nécessairement les bienvenus à leur mariage. Si lui appréciait beaucoup certains fruits de mer, comme la langoustine ou le homard, les huitres ne faisaient définitivement pas partie de leurs gouts de prédilection. D’ailleurs, il avait commencé par une verrine qui lui était proposée, composée de homard et de langouste, quelque chose de très raffiné qui promettait de séduire le plus grand nombre. Par contre, Ellis avait commencé par les huitres, elle qui avait une sainte horreur de ce met. D’ailleurs, quand finalement leurs regards se croisèrent, elle éclata de rire ce qui provoqua une grimace tout à fait scandaleuse sur le visage de sa chère et tendre. Peter ne put s’empêcher d’éclater de rire à son tour.

Oh ça va être de ma faute tiens ! Non mais tu as vu ta tête, ça valait de l’or !

Il éclata une nouvelle fois de rire, content de retrouver cette complicité qui les caractérisait tellement tous les deux. Il tendit une verrine à sa future femme en lui répondant :

Pas les huitres non. Par contre, tu dois absolument gouter ça, c’est raffiné, et absolument délicieux, très délicat.

Il était sous le charme de cette verrine, il fallait bien le reconnaitre. Et il pensait sincèrement que cela plairait à Ellis.

@Ellis McGregor

Non seulement le gout de l’huitre m’explose en bouche mais en plus je m’étouffe sans aucune forme d’élégance que celle de devoir tousser comme une cancéreuse des poumons. Clairement et définitivement, je peux confirmer que je n’aime pas du tout ce fruit de mer et que ce met sera à bannir de mon mariage. D’une part, parce que j’ai failli mourir en cet instant. Et d’autre part, parce qu’il me serait impossible de voir nos invités gober des coquillages dans un affreux bruit de succion qui me donne envie de vomir. Et puis, imaginez si en avalant, ça tombe à côté ? Non ce serait intolérable. Cela dit, je dois reconnaître une chose positive : l’huître m’a un peu déridée vis à vis de mon fiancé. Et le rire, qu’il a, est simplement contagieux. Ça me rappelle que je suis tombée amoureuse de lui pour ces raisons là. Pour sa gentillesse. Pour le son que fait son rire quand il est sincère. Et puis parce que quand il est, vraiment, présent, je me sens être une princesse et qu’il me fait vivre un conte de fée. Qu’il m’a sauvée de mon mal être à la mort de Chris. De ce fait, j’ai du mal à m’arrêter de rire et j’aime ce moment précieux. J’ai l’impression de nous revoir à cette réception où nos regards se sont croisés la toute première fois.
« Arrête de me faire encore rire. » Et même que je commence à avoir mal au ventre à force. Mais c’est plus fort que moi, que nous. Si on s’arrête, ça repart et j’arrive à bredouiller quelques mots entre deux hoquets. « Je te rappelle à la base que je suis censée être fâchée contre toi ! » Mais en vérité, comment lui en vouloir en cet instant? Comment ne pas fondre devant ce regard que j’aime ? Devant ces yeux clairs qui me font sentir être une reine dans sa vie quand lui est, tout simplement, mon roi. D’un geste délicat de la main, j’essuie le coin de mes paupières sur les larmes qui sont apparus de ce moment d’allégresse. Au moins, mon fiancé est d’accord avec moi : les huîtres ne seront pas au programme du mariage et j’en suis alors ravie. D’ailleurs, il me tend une verrine en m’invitant à gouter.J’en prends une ainsi qu’une petite cuillère et je goute alors un tout petit bout. J’esquisse une moue pensive continuant de mâchonner le met avec délicatesse. « C’est de la noix de Saint Jacques, non ? » Je demande en reprenant une cuillère. « C’est très bon en tout cas. » Et je suis plus que d’accord avec Peter sur le fait que c’est délicat. La Wedding Planner se charge de nous expliquer qu’il s’agit d’un velouté de noix de saint Jacques aromatisé à une sauce hollandais aromatisée à la truffe. Et effectivement, le tout donne un gout très fin. « ça, je valide totalement. » Le côté mer sera respecté au menu et ça me va tout à fait.

La dégustation se poursuit avec des autres entrées qui nous sont présentées et c’est là que j’entends le portable de Peter vibrer. Le son est tenu mais s’entend. Il y a peu de contenu dans les assiettes mais l’idée c’est de pouvoir proposer plusieurs entrées, plusieurs plats et surtout d’en mettre plein la vue à tous nos invités. Il en va de l’honneur des Bennett et des McGregor. Et puis, on passe aux plats à base de viande. Et tout d’abord, l’agneau nous est présenté. Il est proposé sous plusieurs déclinaisons. Rôti. Cuit en sauce. Braisé au cognac. Et j’en passe. Rien que l’odeur de la viande qui émane des plats ne me dit rien. Je n’ai jamais été une mordue de l’agneau, pourtant sur le papier ça en jette pas mal. Pendant que la wedding planner détaille chaque nom ronflant de chaque plat ainsi que les ingrédients, la vibration du téléphone s’entend encore. Et je ne peux m’empêcher de toussoter. Clairement, ce son m’agace. « Chéri, peux tu le mettre en mode avion ? » Je finis par demande à Peter avec un sourire forcé, coupant les explications du menu de notre mariage à venir.
@Peter Bennett

Faire rire Ellis, la voir être humaine, vivante, éprouver des émotions et ne pas se comporter tel un robot, comme il pouvait lui arriver de le faire de temps en temps. A vrai dire, Peter avait aussi cette fâcheuse tendance depuis plusieurs années de se comporter comme un robot, exactement comme ce que son père attendait de lui. Il n’osait même plus éprouver ses propres émotions mais se contentait de se comporter comme on l’attendait de lui. C’était fatiguant, c’était usant, mais c’était la vie qu’il avait choisie pour lui. Ellis en était au même point, même si jamais elle ne l’avouerait probablement. Elle aimait cette vie d’apparences, elle aimait que tout le monde les voit comme le couple parfait, et d’ailleurs, tout dans ce mariage était fait pour qu’ils soient vus comme tel. Il ne savait pas si c’était le cas, car comme elle venait si bien de le rappeler, ils se faisaient la tête, ou plutôt elle lui faisait la tête pas plus tard que juste avant ce rendez-vous. Mais ils ne pouvaient surtout pas montrer qu’ils étaient fâchés devant les gens qui allaient sans doute être responsables de leur repas de mariage.

Pardon, je ne le ferai plus, promis !

Il lui sourit légèrement avant de recevoir la suite des bouchées de l’entrée. Les plats se succédaient devant eux, certains délicieux, d’autres n’étaient pas du tout à leur gout et d’autres encore étaient simplement dégoutants et ‘avaient rien à faire dans un repas de mariage. Peter était quelqu’un d’exigeant, il savait exactement ce qu’il voulait et ce qu’il ne voulait pas du tout, mais Ellis était, d’eux deux, clairement la plus exigeante, surtout que les mariages, c’était son domaine de prédilection. Elle connaissait les meilleurs traiteurs et les meilleurs spécialistes de la ville dans tous les domaines. Si les fruits de mer ne faisaient pas l’unanimité dans leur couple, les Saint-Jacques proposées avaient pourtant remporté leurs suffrages à tous les deux, c’était assez rare pour être souligné. Il fallait reconnaitre que le plat était absolument incroyable.

J’avais peur que tu n’aimes pas parce que j’ai trouvé ça incroyable. Et ce n’est pas souvent que j’utilise cet adjectif pour de la nourriture.

La dégustation continua rapidement et ce fut finalement au tour des plats de faire leur arrivée. De l’agneau, une viande qui, habituellement, ravissait les papilles de Peter mais il était assez distrait par son téléphone qui ne cessait de vibrer dans sa poche et en plus, le mélange d’odeurs indiquant de l’agneau cuisiné de différentes façons lui donnait presque des haut-le-cœur. Ils étaient en train d’obtenir les explications sur ces différents types d’agneaux mais Ellis, de manière assez maladroite, interrompit les explications pour lui demander de mettre son téléphone en mode avion. Peter la regarda, assez surpris, puis finit par répondre, après un regard vers la wedding planneuse et un sourire forcé.

Bien sûr, excusez-moi un instant.

Peter se leva de sa chaise, non sans toiser Ellis avec un regard qui en disait long sur son état d’agacement, et il s’éclipsa dans la pièce adjacente pour vérifier que les appels n’étaient pas de la plus haute importance. Après un message rapide à son collaborateur direct, il mit son téléphone en mode avion, à contrecœur, et rejoignit sa future femme pour poursuivre la dégustation.

Voilà, problème résolu. Je ne sais pas laquelle de ces cuissons sent aussi… fort, mais l’une d’elles m’incommode clairement. Qu’est-ce que tu en penses Ellis ?

Il essayait de faire comme si de rien n’était, même si le mal était déjà probablement fait. Mais ils devaient absolument décider du repas aujourd’hui et il n’avait pas envie de se perdre en explications.

@Ellis McGregor

Je vous jure que je déteste la sonnerie de son téléphone, et surtout quand son portable vibre de cette tonalité sourde qui insiste trop. Il faut comment la chair de poule apparaît sur mon bras quand elle raisonne. Et à de nombreux moments, l’envie de le jeter dans un vase a été là. Mais à quoi ça aurait servi ? Il aurait été probable que dans la minute qui suit, le nouveau téléphone aurait déjà été commandé. Et la demi heure d’après, le nouveau téléphone aurait déjà été configuré par toute sa team de collaborateurs qui le suit allègrement dans ses moindres faits et gestes. Il en faut pour que tout le bénéfice de ce moment de rire finisse par se rompre pour un téléphone qui sonne au moment où il ne devrait pas. Bon ok, ça ne sonne pas, ça vibre mais ça m’agace. Cela dit, le fait de lui demander de le couper devant tout ce monde qui nous sert est un peu vache de ma part, je le sais. Ce n’est pas de sa faute à Peter. Mais surtout au nom de famille qu’il porte. Et Dieu merci, c’est dans ces moments là que je suis fière d’avoir suivi mon propre chemin pour ne pas dépendre d’une famille qui oppresse bien trop par tant de responsabilités. Mais le fait est que nous avons un mariage à préparer et que nous ne pouvons pas prendre d’autres retards. Sinon c’est sûr et certain, le mariage sera claqué au sol et nous deviendrons la risée de toutes ces familles qui attendent de nous voir convoler en juste noces.
Le temps devient plus capricieux, s’étire pendant que j’observe mon fiancé et savoir ce qu’il va faire. L’éteindre ou me donner une bonne raison de plus de faire la gueule. Quand je vois son sourire forcé, comme le mien, je devine que ça ne lui plait pas. Mais je le vois quand même se lever de sa chaise, s’excuser et se diriger vers la pièce d’à côté.
Pendant ce temps là, il n’y a pas un bruit pendant que mon regard revient se posé sur les différentes viandes qui nous ont été proposées. « Je ne suis pas vraiment fan de mettre du poulet, ça fait bien trop repas du pauvre… » Je déclare tout en relevant mon regard vers la wedding-planner. « En revanche, le canard… » Mais je songe que nous avons déjà le foie gras et que c’est obligé que les gens vont râler. Ils diront que c’est un repas uniquement fait avec du canard. Et ce n’est pas ce que je souhaite. Il faut que ça en jette. Quand Peter revient, il a l’air impassible et pourtant, je ressens tout son agacement qui fait écho au mien. Il prend place et reprend le fil de la conversation comme si de rien était. J’espère sincèrement qu’il a éteint le téléphone et qu’aucun son ne sera entendu de quiconque. Il déplore une viande qui sentait bien trop fort. Et lorsqu’il me demande ce que j’en pense, je ne peux m’empêcher de lui adresser un sourire en coin. Est-ce qu’il y a une pointe de victoire dans mon regard ? Bien évidemment que oui. « [Une viande qui sentirait trop fort ? » Je regarde devant tous les choix possibles à le recherche d’une viande gibier parce que là il est hors de question d’avoir cela. Mais il n’y a rien qui me semble être. « Laquelle ? » Je lui demande et alors, il me désigne une que l’on nous présente comme l’agneau et effectivement quand je l’hume, il y a une odeur qui me fait froncer le nez. « Effectivement, elle sent fort. » Et je n’aime pas. Je trouve ça désagréable. J’ai l’impression que ça s’imprègne sur nous. Et j’esquisse une moue en confirmant ma réaction par les mots : « L’agneau c’est non. Ce n’est pas la communion du fils au pasteur du village. » Et là je présente mon avis à Peter en désignant deux assiettes « Vois-tu, je me dis que l’onglet de boeuf pourrait être une bonne idée. J’aurais bien pris le magret mais on partirait trop sur un repas à base de canards. Et je trouve que ça serait limité au niveau des saveurs.Tu en penses quoi ? » Et la Wedding Planner intervient alors pour nous proposer de mettre les deux viandes et chaque invité pourra faire son choix. Et je suis bien vite rassurée, il n’y aura pas cet agneau qui sent si fort.
Et quand nous nous retrouvons tout seul en attendant la prochaine dégustation, je m’en veux un peu d’avoir été vache avec son téléphone vibrant. Et en le dévisageant, j’ai cet élan de tendresse qui me pousse à venir me blottir contre lui du mieux que je peux car nous sommes assis. Et de lui chuchoter « Je vais avoir besoin de ton aide sous la douche, tout à l’heure, pour me débarrasser de l’odeur de la viande. » En posant ma joue contre son épaule, je vois alors notre reflet dans le miroir immense qui se trouve dans la pièce. Et nous sommes si beaux. Nous allons si bien ensemble. Nous somme le couple parfait, en apparence. « Tu resteras à la maison ce soir, n’est-ce pas ? » Je finis par lui demander d’une voix presque hésitante. Une voix de petite fille qui a attendu, toute sa vie, que quelqu’un veuille bien lui donner de l’attention.

@Peter Bennett

Elle détestait son téléphone, elle détestait le fait que son téléphone soit constamment en train de le rappeler à l’ordre. Laisse invisible qui reliait sans cesse Peter à son paternel, à ses actionnaires, à son comptable, à la famille Bennett dans sa grandeur. Peter ne pouvait plus voir ce téléphone non plus, mais il était définitivement son plus fidèle allié et son plus grand ennemi en même temps. Sans ce minuscule appareil, Peter n’était rien, juste le digne héritier d’un empire qui ne lui appartiendrait jamais vraiment. Bennett Oil, c’était son père, et même si la société avait appartenu à bien des générations de Bennett avant lui, son paternel avait tendance à penser que son fils n’avait pas ce qu’il fallait pour reprendre la succession de son père. Peut-être avait-il raison, peut-être que Peter ne voulait même pas de cette succession au final, peut-être qu’il haïssait profondément, de toutes ses forces, cette société qui était la sienne. Mais sans cette société, il n’y avait pas de Ellis, pas d’avenir pour eux deux. Il prenait le risque de dire que sans la société, Ellis n’avait rien à faire avec lui, le prestige de son nom n’existerait même pas. Alors finalement, elle se plaignait de son manque de disponibilité à cause de son téléphone, mais c’était un moyen de montrer le prestige de son nom, et elle devait l’accepter, elle n’avait pas le choix. Lorsqu’il revint, Peter agit comme si de rien n’était, mentionnant une odeur qui l’incommodait fortement. Une viande, il le savait pertinemment, mais difficile de savoir laquelle précisément. Il opterait volontiers pour l’odeur de l’agneau, qui ne semblait pas de première fraicheur.

C’est ça, l’agneau.

Il désigna une assiette et ne fut pas surpris de constater qu’Ellis approuvait son sentiment. S’il y avait bien une chose qu’Ellis ne voulait surtout pas, c’était servir à ses invités une viande qui pourrait les incommoder. Elle voulait que tout se déroule parfaitement bien. Ne pas servir de poulet qui ne sonnait pas assez chic, ne pas servir de viande qui aurait une odeur trop forte, et apparemment ne pas servir de canard car la redite avec l’entrée serait trop appuyée. Pourtant, Peter avait lui-même beaucoup aimé le magret, qui présentait des saveurs fort agréables. L’organisatrice du mariage intervint pourtant en disant que laisser le choix était une possibilité parfaitement envisageable.

Parfait dans ce cas, je crois que les saveurs raffinées du canard pourraient plaire à une grande partie des invités tandis que pour d’autres, l’onglet de bœuf sera rassurant, un peu plus commun mais exquis.

Alors que tout le monde retourne à l’arrière afin de revenir proposer cette fois le service de gâteaux et desserts en tous genres, Ellis se glisse contre lui. Peter en profite pour passer son bras autour des épaules de la blonde, et de répondre un léger sourire aux lèvres :

Je pense que je devrais pouvoir t’aider à te débarrasser de cette sournoise odeur. Peut-être même que je pourrais nous faire couler un bain bien chaud.

Il connaissait le gout de sa future femme pour ces bains emplis de savon moussant hors de prix. Il eut un nouveau sourire alors qu’elle lui demandait s’il comptait rester avec elle ce soir. Etant donné qu’il avait envoyé balader ses collaborateurs, il n’y aurait pas de sortie pour lui ce soir. Il put donc le lui confirmer :

Je reste ce soir oui. Mais je devrai partir tôt demain matin, nous avons une réunion à huit heures. Ah, voilà la suite.

Une suite d’assiettes toutes plus remplies les unes que les autres, présentant des morceaux de gâteaux très élégants ainsi que des mignardises qui, elles, ne faisaient pas particulièrement envie.

@Ellis McGregor