C’est en poussant un soupir blasé que je sors de ma voiture, prenant ma pochette ainsi que mes clefs. Je les tends au voiturier de mon oncle et sans aucune autre forme de cérémonie, je me rends vers le lieu de la réception. Ce soir, ce n’est pas un événement que j’ai organisé, ce n’est pas une fête mondaine à laquelle Peter et moi sommes souvent invités. Mais c’est l’anniversaire de la matriarche et forcément, toute la famille est là. Et à mes yeux, ça se présente comme l’enfer sur terre. Je n’ai clairement pas envie d’être là. J’aurais préféré être en compagnie de mon affreux chihuahua, de me goinfrer de chocolats et profiter de l’absence de Peter pour m’autoriser à être nature peinture, porter un vieux t-shirt, ne pas avoir une once de maquillage. Mais la réalité est là : il n’est pas concevable qu’un McGregor puisse rater un tel événement comme celui de Grand Mère prenant une ride de plus. De plus c’est le seul moment où la famille complète est réunie et que tout le monde peut exhiber son succès. Ça va parler d’argent à tout va. Et le pugilat entre mon père et mon oncle va reprendre à mon grand désarroi. La seule once d’espoir que je puisse avoir, c’est que mon cousin Finn soit là. De toute façon, je l’ai mitraillé de messages en tout genre pour le menacer de ne plus le considérer comme mon cousin préféré s’il ne venait pas.
Je sais que ça va être d’un ennui mortel et j’ai hâte que ça se finisse. Fort heureusement, le seul aspect positif - pour l’instant - c’est la tenue dont je suis si fière. C’est un modèle Dior dernier cri et que je suis fière. Taillée sur mesure, cette robe met en valeur ma silhouette pour laquelle j’y applique un soin particulier, entre sport et alimentation saine (oui j’ai parlé de m’empiffrer de chocolat peu avant, mais il y a raison valable ok ?) Pour cause, mon bras ne tient aucun bras. Peter n’est pas là, pris par l’entreprise. Et ça m’agace au plus haut point. J’aurais aimé qu’il soit là, que nous puissions exhiber notre bonheur parfait aux yeux de tous. Mais non, il n’est pas là. Et à mon grand désarroi, j’aurais aimé que ce soit le contraire parce que lorsqu’il est là, je me sens tellement aimée et complétée. J’aime quand ses mains se posent sur moi et qu’il joue le jeu d’être ce petit ami incroyablement parfait.

« Ellis, cherie. Tu es enfin là. » La voix de ma mère résonne et je la vois arriver dans sa belle robe rouge, mettant en valeur une silhouette dont la peau a été habitude au bistouri. Ma mère c’est la femme qui lutte contre les affres du temps, ne cessant jamais de critiquer ma tenue ou mon corps. « Tes cheveux sont secs, tu parais déshydratée. » Se contente-elle de salutation pour prendre de mes nouvelles. Sa joue vient se claquer contre la mienne, dans un baiser qui n’a rien de chaleureux. Il n’y aura aucun autre contact physique entre nous. Ma mère n’a jamais été une figure de tendresse et d’affection. Elle se contente d’être l’épouse et mère de trois enfants : son rôle s’arrête ainsi. De ce fait, je me contente de lui adresser un signe de tête avant de la fuir, du mieux que je peux. Je repère l’un de mes frères qui me saluent avec bien plus de chaleur. Cela dit il est aussi tendu qu’un string et je pense que la présence de mon autre frère n’aide pas. Tension avez vous dit ? Bien évidemment. Heureusement un visage familier attire mon regard et je lâche le premier vrai sourire de cette réception. « Finn ! Tu es là ! » J’avance vers lui, posant mes mains sur ses bras, et je l’embrasse sur les deux joues avec une chaleur et une joie plus qu’évidente. « Je suis tellement contente de te voir ! Tu vas bien ? » Je lui demande avant de rire et d’ajouter: « Je sens que ça va être infernale ce soir… » Je tourne le regard pour observer l’assemblée qui se trouve là. Grand mère est déjà installée sur son trône. Si pour beaucoup, il la juge vieille et sénile, il faut croire qu’elle a toute sa tête. C’est juste son dentier qui fout souvent le camp pour le coup. À la tête de l’empire familial, elle n’est pas prête à rendre les armes. Et parfois je me demande si elle fait exprès de maintenir un tel climat familial où tout le monde se juge à la dérobée mais se glisse des sourires et des compliments qu’il ne pense absolument pas. « On est d’accord qu’il règne un climat bien pourri non ? » C’est presque oppressant comme sensation. Comme si on m’étouffait, ou que je me trouvais dans une salle inondée et sans possibilité de reprendre mon souffle. bref, la soirée va être longue. « Va falloir beaucoup de champagne pour supporter tout ça… »

Je le regrette déjà. En fait, je le regrette depuis le moment ou j'ai dit "ok, je serais là". Je déteste - non, j'exècre ! - les réunions de famille. Chez les McGregor, il n'y a pas de rires, pas de blagues, pas d'accolades, pas de câlins, pas de baisers chaleureux. Non. Chez les McGregor, il y a de la compétition, de la jalousie, de la vantardise, de la suffisance, de l'arrogance, du dédain même. Honnêtement, je me demande parfois comment c'est possible que je sois si différent. Non pas que je ne sois pas tout aussi arrogant, fier et friand d'une bonne compétition. Je suis juste plus empathique et plus chaleureux que la plupart des membres de ma famille - pour ne pas dire tous. Bon, ok, Ellis n'est pas loin derrière... Bon, ok, elle est même loin devant moi. Je crois même que c'est elle qui a réussi à me guider sur le bon chemin, le chemin de la droiture, le chemin de la gentillesse. Bon, ok, j'exagère et j'en fais des tonnes. N'empêche que je suis là depuis quinze minutes au moins, et Elle non. N'empêche que je suis là, un 1er verre de champagne qui doit coûter un bras, pendant que je l'attends. N'empêche que je suis là, le regard scannant la parfaite famille que nous formons, pendant qu'elle se fait désirer. " Finn, quelle surprise de te voir ici, " j'entends à ma droite. Avalant une gorgée du liquide doré et pétillant, je me tourne vers ma tante. En effet, le mot "surprise" est de mise puisque je ne suis JAMAIS présent aux réunions familiales - ou comme je disais, quasiment jamais. Aucune de ces personnes ici présentes ne m'a jamais prêté une attention particulière, si ce n'est pour me dire : " Alors, toujours pas marié. Qu'attends-tu ? " Je pince les lèvres, avant de lui offrir un sourire hypocrite, toujours hypocrite. On en devient maître dans cet art. Je ne lui réponds pas, déjà parce que je n'en ai pas l'envie ni la force - depuis le temps qu'elle me pose la question - mais en plus elle s'est déjà éloignée vers sa prochaine proie. Seigneur, balancez-nous une météorite, là maintenant ! je me surprends à prier intérieurement.

" Finn ! Tu es là ! " Tiens, voilà la démone à qui je dois le plaisir d'être ici. Même si je lui en veux terriblement de m'avoir forcé la main pour être présent, je soupire de soulagement. Au moins, nous serons deux à subir, et avec un peu de chance, elle subira plus que moi. " Avais-je le choix ? " je lui lance, un sourcil relevé mais un léger sourire en coin. Elle est la seule Mcgregor à m'embrasser et me prendre dans ses bras. La seule que je laisserais faire. " Pour information, j'ai commencé la soirée à te détester, " je lui réponds avec un faux air sévère. " Tu m'as littéralement supplié de venir, alors que j'avais d'autres plans bien plus drôles et... intéressants, " j'ajoute avec une pensée pour Cheyenne - aka Birdie pour les intimes. " Et tu m'as laissé poireauter bien quinze minutes dans cette jungle tout seul, " j'accuse finalement. Oui, une jungle. Carrément. " Ta mère a eu le temps de m'approcher, Ellis. " La dette sera à la hauteur de cet affront et elle le sait : elle va devoir se racheter. Sa main se glisse à mon bras, et on se met légèrement en retrait, histoire de pouvoir regarder le reste des McGregor. On le sait tous, ils ne viennent pas pour fêter l'année de plus de la doyenne McGregor. Ils viennent en espérant secrètement qu'elle n'en fêtera plus aucune. Glauque ? Ai-je déjà dit quel genre de famille nous étions ? Et à première vue, la vieille n'a pas fini de souffler ses bougies. " Je sens que ça va être infernal ce soir... " " Non, tu crois ? " je rétorque sarcastique. Y en a-t-il un seul qui n'attend pas, ne désespère pas même, d'avoir son héritage ? Aussi minime soit-il. Il n'y a pas plus vénal et avare qu'un riche. C'est à gerber - même pour moi. " J'ai eu droit à quelques regards de la part de tes frangins... Je crois qu'ils se demandent qui je suis, " je plaisante... à moitié. On n'a jamais été proches. J'ai peur de le dire, mais je crois même qu'on peut compter sur les doigts - allez, des deux mains quand même - le nombre de fois où l'on s'est côtoyés. Ca craint pour des cousins, non ? " On est d'accord qu'il règne un climat bien pourri, non ? " J'avale une nouvelle gorgée du précieux avant d'acquiescer. " Ah bon ? " je dis toujours sarcastique. J'y peux rien, c'est ma marque de fabrique. " Et moi qui étais persuadé que c'était une soirée comme les autres chez les McGregor. T'es en train de me dire que d'habitude, c'est gai et convivial ? "

Cynique, moi ? Nan. Je suis juste réaliste quant à la famille à laquelle j'appartiens - malgré moi. " Tu crois qu'on a été adoptés ? " je lance finalement après un long regard dans l'assemblée, ne trouvant rien en commun avec ces personnes dont le même sang coule dans nos veines. Ou pas. Je sens, non je SAIS, que cette soirée va être infernale mais aussi hilarante avec Ellis à mes côtés. Qu'est-ce qu'on fait quand on est ensemble ? Hé bien on fait les langues de p*tes et on crache sur tout le monde, pour ne pas citer une trend tiktok hilarante.

@Ellis McGregor

Lorsque je vois Finn, mon visage s’éclaire et tous mes soucis s’envolent. Je sais qu’à ses côtés, la soirée va être plus agréable à supporter. Qu’il me sera plus simple de tolérer les réflexions de ma mère ou tout ce qu’on va se prendre dans la poire. Car si la famille McGregor est connue pour être unie - en apparence bien sûr - la réalité est autre. Je crois que la majorité des personnes ici doivent se détester. Et avec Finn, nous sommes, très certainement, les deux personnes à nous adorer. Bien lorsque j’arrive, l’accueil ne soit pas ce dont je m’attendais. Du moins, c’est ce qu’il doit être pour camoufler notre si belle entente. « Ne dis pas de bêtises, ta haine a déjà disparu. Tu m’adores trop. » Je rétorque en lâchant un petit rire cristallin. Parce qu’ici, tout est mesuré, pensé et observé. « Mais j’ai eu du retard, c’est vrai. J’avais quelques soucis à gérer. Et j’ai été … retenue. » Je lui réponds lorsqu’il me fait savoir qu’il avait un programme bien plus intéressant que de venir à l’anniversaire de Grand Mère. Ce dont je m’étonne parce que c’est tout à fait le genre d’évènement à snober à moins d’avoir une excuse suffisamment valable comme être en soins palliatifs ou déjà enterré six pieds sous terre.
C’est lorsque Finn me fait part de sa rencontre avec ma mère, que je peux alors me justifier de la raison d’avoir été, en partie, retardée. « Et bien figure toi, que j’ai rencontré ma mère. Et tu sais ce qu’elle a dit ?  » Je modifie alors ma voix pour se rapprocher du ton guindé qu’elle prend souvent. « tes cheveux sont secs, ta peau est déshydratée… Alors que je vais chez mon coiffeur une fois  par semaine et que ça me coute deux cent dollars à chaque fois, tu te rends compte ? » Oui avec Finn, nous avons des problèmes de riche. Et c’est parfois pas simple à vivre. Non pas de payer 200 balles de coiffeur pour apprivoiser ma chevelure de soleil mais bien, que l’apparence est importante chez nous. Que j’y veille au grain, que je compte tous mes glucides et mes lipides pour ne pas avoir de cellulite et qu’au final, ça n’ira jamais.
En tout cas, je m’autorise un regard circulaire et observe les membres de ma famille qui ont l’air si heureux et plein d’entrain dans les multiples conversations qui trônent autour. Mais malgré cela, je le ressens tout en moi… Ce froid glacial qui règne. les yeux qui n’ont aucune chaleur humaine. Et je ne peux m’empêcher de le faire savoir à mon cousin adoré, que ça va être l’enfer sur terre. A sa remarque, je me contente de lui foutre mon coude dans les côtés avec toute la grâce et la subtilité que nous ayons. Parce qu’ok, c’est pas le secours populaire ici. Et je vais pas m’amuser à lui faire une clé de bras autour de son cou et lui secouer la tignasse comme dans n’importe quelle famille fonctionnelle et normale. Lorsque Finn renchérit sur la présence de mes frères, je ne peux m’empêcher de pouffer de rire. S’il y a bien quelque chose que j’aime chez mon cousin, c’est bien son humour. « Ils doivent se dire que le majordome a pris la confiance et qu’il ne devrait pas se trouver ici. » Lui dis-je tout en prenant une coupe de champagne sur le plateau que porte un serveur. « Prie pour qu’ils te jettent dehors et tu pourras vaquer à tes occupations. » Bien qu’il faudra ensuite gérer le scandale et la colère de Grand Mère. La perfection a un prix. Et cela donne un climat pourri que je fais remarquer dans la confidence de la seule personne en qui j’ai confiance. Et encore une fois, la remarque de mon cousin m’arrache un rire bien trop aigu. Et je remarque qu’on nous observe déjà d’un oeil désapprobateur. S’attendent-ils à ce qu’on se mette à courir partout comme lorsque nous étions enfants ?« Oh tu sais, les soirées chez nous, c’est chaleureux et empli d’amour. Mes frères se sont des câlins. Maman me fait des tresses pendant que Papa revient de dehors après avoir coupé du bois pour la cheminée. » Je continue de rire plus discrètement. Et c’est dur en vrai quand on a franchement envie d’éclater de rire. « Mais tu sais, on recopie le même schéma que vous. A priori, il parait que tu es le roi des câlins chez toi. » J’ajoute en observant Finn d’un air malicieux, tout en portant le verre à mes lèvres. 
Ce qui est une erreur monumentale. Parce que lorsqu’il me demande si j’ai été adoptée comme lui, et je me mets à m’étrangler avec le champagne qui me monte dans les narines. J’essaye de tousser discrètement mais c’est ardu. Surtout qu’il ne faut pas que je me tâche pour éviter de faire … tâche… sur la photo de famille qui aura forcément lieu. Joie. « Mais t’es fou de me faire rire comme ça… » Je reprends d’une voix chevrotante, entre rires, toux et yeux brillants. « J’ai cru que j’allais m’étouffer. » Mais en vrai, je commence même à avoir mal aux joues de sourire autant que ça. « Mais très probablement que oui. Ou alors, nous sommes les enfants terribles qui ont été laissés pour compte par leurs géniteurs et voilà le résultat… » Je regarde de nouveau l’assemblée avec un petit air presque dédaigneux. « Ou peut-être que nous sommes les moutons noirs de la famille ? » En tant que numéro trois dans l’échelle de la descendance, je sais que je n’ai pas de valeur aux yeux de mes parents. Et bien que j’en ai souffert, aujourd’hui, j’ai pris mon parti et je deviendrais l’épouse de Peter. ça ne sera plus un souci. « A ton avis, Finn, tu penses qu’il reste combien d’années avant qu’on finisse en grand procès familial à la Dallas ? » Parce que ça, ça nous pend au nez comme les bijoux de famille de mon chihuahua moche et pas encore castré.

@Finn McGregor        

Je ne crois pas avoir jamais dit "je t'aime" à qui que ce soit dans ma vie. Je ne crois pas que l'on m'ait forcément appris - faut dire qu'avec Mr McGregor, il y avait peu de chance. Je crois que ma nourrice me le disait par son attention, ses sourires et sa simple présence - mais jamais par les mots. Et ce ne sont pas des mots que l'on prononce entre potes. Mais Ellis ? Ellis est sans doute la seule femme à qui je pourrais le dire. Non pas que je le ferais, ce serait un tel choc ! Mais, je pourrais car je le penserais. Elle est la seule source de joie dans cette famille quelque peu déprimante. Alors je souris, avouant sans mal qu'en effet, elle est déjà pardonnée de son retard. Je pose mon regard sur elle, observateur et silencieux. Elle le sait, je ne suis pas curieux. Je ne poserais pas de questions concernant ce qui l'a retardé - mais elle sait aussi qu'elle peut tout me dire si elle en ressent le besoin. Nos regards s'accrochent, se comprennent, et se détournent pour continuer de parcourir ce qui nous entoure - ce qui nous sert de famille. J'exagère. Je râle sans doute trop à ce sujet. J'amplifie peut-être les choses. Je ne sais pas. Toutes les familles ont leurs soucis. Aucune famille n'est parfaite. Mais aussi dysfonctionnelle que la nôtre ? Parfois, j'ai des doutes. J'ai rencontré un certain nombres de familles au fil des années. Certaines m'ont rappelé la mienne. Mais bien plus encore m'ont confirmé que les McGregor étaient VRAIMENT hors compétition. Si vous vouliez une preuve de plus, Ellis vous la donne de suite, pensé-je alors qu'elle me rapporte sa petite rencontre avec sa mère. " Tes cheveux sont secs, ta peau est déshydratée… Alors que je vais chez mon coiffeur une fois par semaine et que ça me coute deux cent dollars à chaque fois, tu te rends compte ? " Je lui offre un demi-sourire. Les mères comme la sienne sont presque la copie-conforme des pères comme le mien. Froids. Distants. Incapables d'aimer - mais surtout incapables d'aimer comme il faut. Je ne sais pas s'ils nous aiment véritablement - ou s'ils nous aiment juste de la mauvaise façon. " Tu es sans doute la plus belle femme de tout Tree Hill, si ce n'est pas de tout l'Etat - et même pas de tout le pays, " je lui dis simplement en sirotant mon champagne au prix exorbitant. " Même sans les 200 dollars, " j'ajoute en me penchant vers elle, complice. Je ne le lui dis même pas pour la rassurer ou la complimenter, j'exprime juste un fait. Que sa mère n'a jamais eu de goût : la preuve, elle a épousé mon oncle. Je suis salaud ? Et alors ? Quand je vois ce beau monde, souriant et bavardant comme s'ils étaient tous SI heureux de se retrouver ce soir, ça me donne le droit de critiquer. Parce que je le sais, tout n'est qu'apparence. Tout est faux. Tout est hypocrite. Cynique et aigri ? Peut-être. Mais peut-être le seriez vous aussi avec toutes les anecdotes que je possède sur presque chacun d'entre eux. La seule raison que me pousse à ne rien dévoiler, c'est uniquement pour garder un ascendant certain sur eux. On ne sait jamais à quel moment on peut en avoir besoin... " Ils doivent se dire que le majordome a pris la confiance et qu’il ne devrait pas se trouver ici, " fait-elle allusion aux potentielles pensées de ses frères, ce qui me ferait presque pouffer de rire. " J'ai plus qu'à croiser les doigts pour qu'ils le croient réellement et me demandent de quitter les lieux sur le champ... Je t'embarquerais avec moi, ne t'en fais pas " parce qu'il n'y a pas de raison que je sois le seul à être au coeur du dernier scandale de la famille. Ah ça, la doyenne McGregor ne l'accepterait pas et nous ferait la leçon de morale du siècle. Elle m'en a déjà faites des longues comme le bras - une de plus, une de moins... " Après tout, ça fait un petit moment que je ne l'ai pas provoquée. Je suis sûr qu'elle aussi, ça lui manque, " je plaisante à moitié. Je ne serais pas surpris d'être à l'origine d'une crise cardiaque ou d'un surmenage concernant la "vieille McGregor". Je ne suis pas totalement un monstre : ça m'ennuierait. Parce que je serais pointé du doigt comme le vrai mouton noir de la famille. Je manque de m'étouffer en avalant le liquide pétillant de travers quand elle me dépeint un tableau familial presque parfait. " Je ne savais pas que ta vie ressemblait à un véritable film de Noël, " je la taquine gentiment. On a appris à rire de ces défauts qui font notre famille, parce qu'on n'avait que ça à faire pour ne pas en souffrir inutilement. " Matin, midi et soir, " je joue le jeu de sa comédie. " Parfois, à nous en étouffer. Il n'y a pas plus chaleureux que mon père, " j'enchaine tellement sérieusement que l'on pourrait presque le croire. Et je dois avouer : ça fait atrocement mal. Je la sens, cette pique dans le coeur. Mais je suis le roi du camouflage depuis tellement d'années. C'est ma malédiction personnelle, celle de détester mon unique parent tout en attendant désespérément un signe de son amour pour moi. " En même temps, peut-on les blâmer ? Ils ont grandi avec grand-mère... " je lui rappelle en baissant la voix, sur un ton qui ne laisse aucun doute sur l'horreur que ça a dû être. On rit spontanément, en concert l'un et l'autre. On se comprend. On se soutient. On s'élève l'un et l'autre. Et on se provoque des crises de fous rires monumentales qui nous mettent dans l'embarras. " J'imagine qu'il y a plus de chances qu'on soit les moutons noirs, plutôt qu'adoptés... " vu la ressemblance plus que frappante avec nos paternels. Ils ne pourraient pas nous renier, même s'ils le voulaient. Et une part de moi est sûre que, concernant mon père, il a déjà songé à le faire. Heureusement, Ellis m'éloigne de mes pensées qui prennent un tour morose, me faisant éclater de rire à mon tour, manquant de m'étouffer de nouveau. Décidément, si cette soirée ne me tue pas, ce sera ma cousine adorée. " Sincèrement, je ne serais pas étonné d'apprendre qu'il existe déjà DES procès verbaux dignes de Dallas, " même si finalement, ça aurait déjà fuité si c'était le cas. " Mais je te parie que Tante Marge ne sera pas la dernière à sauter sur le butin. Je te parie même que, le jour venu, elle sera aux premières loges, " non, je n'irais pas jusqu'à la traiter de psychopathe et capable du pire. Mais comme je l'ai dit, quand ça pue le fric à ne plus savoir qu'en faire, certains se laissent facilement submerger par le pouvoir que ça procure. Et Tante Marge est l'image même de la petite soeur jalouse et hypocrite jusqu'au bout des ongles. " Que cache le testament de grand-mère à ton avis ? " je lui demande alors, car même la vieille à ses petites préférences.

@Ellis McGregor