FAST IN MY CAR

@maverick henderson — performance export cars, mars 2024
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L’épave antique arrive. Elle est cabossée, rouillée. Défaite, de part en part, même l’arrière est troué. Il n’y avait pas meilleure métaphore que la carcasse qui est posée dans l’allée. Le pourboire conséquent donné, la dépanneuse s’en va et je m’assois en face de ma nouvelle compagn(i)e. Y’a du boulot. Pour elle, pour moi. Un travail en cours. Mes index se tapotent, je la regarde fixement. Elle, cette glorieuse Shelby Cobra de 1962. Je me lève d’un bond, ouvre le garage et la pousse consciencieusement sur le plateau aménagé. Quelques coups de crics et la voilà en l’air, à dévoiler ses courbes et son intimité cuivrée, rongée. Presque mortifère, je plonge ma main sous le châssis et c’est l’explosion de cuivre à la figure. Je secoue vigoureusement la tête, un peu trop frénétiquement même. Il fallait bien commencer quelque part.

Un nettoyage approximatif, la veste en cuir sur le dos et les lunettes de soleil sur le nez, je monte dans la ford thunderbird, elle aussi de 1962. Dans le rétroviseur, je me rends compte des traces qui restent, dans le creux de quelques stigmates que le derme continue d’arborer malgré le temps. On m’avait parlé d’un concessionnaire Honda. J’aime pas Honda. Il était recommandé par les quelques mots échangés avec l’ancien propriétaire. Le GPS sur le tableau de bord, j’ouvre le toit de la voiture et profite des premiers rayons d’un soleil encore aux airs hivernaux. Et sur le chemin, après m’être perdu, mes yeux s’arrêtent sur un panneau salvateur. Performance. Import. Cars. Les yeux brillent, la bouche est bée et la main tire le frein à main, quand sa jumelle donne un violent coup de volant. Tant pis pour les klaxons et les insultes, la fumée et le bruit des pneus qui crincent.

Dérapage contrôlé, déformation professionnelle, je récupère le tournant au bon moment pour arriver sur le parking, et me garer en trombe. J’inspecte la façade, le garage est propre. Bien tenu. Les deux mains posées contre la vitre, le regard bleu perçant analyse les instruments que les experts utilisent et je suis rassuré. Je retourne à la voiture éteindre son monteur vrombissant et enlève mes lunettes de soleil. La porte indique qu’ils sont ouverts. Parfait. J’entre, balaye le bureau de la réception, vois les voitures qu’ils pratiquent dans le catalogue ouvert, lui aussi éprouvé. Je profite de l’absence pour me pencher vers le bureau par-dessus le comptoir pour attraper une carte de visite quand la sonnette résonne. Je me redresse d’un geste et affiche un léger sourire, presque timide. « Bonjour. » Je m’empresse de replacer la carte à son endroit initial. Et le porte stylos tombe. Je déglutis sans doute un peu trop fort, suffisamment pour que l’employée le remarque. « J’espère que vos pièces sont plus solides que ce truc. » J’échappe un rire nerveux. « Je vous rembourserai. Désolé. » Le sourire s’étire un peu plus, bien que crispé. « Vous bossez ici ? » L’air interloqué, à ma question idiote, je me racle légèrement la gorge alors que je pose enfin le regard sur la jeune femme.

fast in my car. - w. @jeb greenshaw

Elle force, Mavie, elle peste sur cette pièce récalcitrante. Jetant un coup d’œil alentour, elle finit par lâcher l’affaire pour l’instant. Jace était parti en dépannage, Aaron était en déplacement pour la journée et le stagiaire bricolait tranquillement dans son coin. En somme, le garage était relativement calme pour le moment et pour la peine, personne ne viendrait la chambrer sur le fait qu’elle lâchait l’affaire sur ce pick-up pour le moment. Elle avait fait la maligne, elle avait fanfaronné, comme bien souvent, lorsque le véhicule était arrivé et qu’ils s’étaient tous retrouvé à se gratter le crâne face aux entrailles de la bête. Elle y arriverait, elle en était certaine, mais pour l’heure, elle en avait surtout sa claque, ça n’allait pas comme elle voulait et la patience ne faisait clairement pas parti de ses atouts majeurs. Alors il était préférable qu’elle abandonne pour le moment. Frottant négligemment ses mains sur le chiffon qu’elle avait à la ceinture, la brune prit le parti d’aller voir comment cela se passait du côté de l’apprenti avant de passer par le lavabo pour se laver convenablement les mains. Quitte à ne pas réussir à faire ce qu’elle voulait, elle se mettrait au travail administratif. Elle avait quelques factures à rédiger et d’autres clients à relancer. L’avantage d’être multi-tâches au garage. Ça l’avait fait râler au début, de n’être embauchée que pour les bureaux alors qu’elle avait les capacités d’être plus utile au sein du garage et puis elle avait forcé le destin, elle avait pris les devants. Du coup, la paperasse l’agaçait un peu moins maintenant.

Elle était en train de supprimer les traces de cambouis de ses mains à coup de brosse lorsque le bruit de crissements de pneus sur le parking. « Encore un malin... » souffla-t-elle entre ses dents sans prendre la peine de relever la tête pour voir ce qu’il se passait à l’extérieur. La personne qui venait d’arriver en trombe ne tarderait certainement pas à passer le seuil de la porte de toute façon. Et la mécanicienne pressentait qu’elle aurait une fois de plus à batailler pour prouver tout ce dont elle était capable. Les clients réguliers s’étaient faits à l’idée qu’une femme puisse être efficace en mécanique, mais elle avait évolué dans un milieu d’hommes et même si les années passaient, il n’en restait pas moins que bien souvent, dès qu’un nouveau client passait les portes du garage, il demandait à avoir affaire à quelqu’un de compétent. Ça la faisait grincer des dents, Mavie, mais c’était comme ça. Et bien souvent, quand un client roulait déjà des mécaniques avant même d’avoir poser un pied dans l’établissement, cela ne présageait rien de bon. Qu’importe. La porte d’entrée se fit enfin entendre et il fallut le temps que la jeune femme traverse l’atelier pour enfin arriver au niveau du bureau d’accueil où elle remarqua le nouvel arrivant pencher par-dessus le bureau. « Ça va, il vous faut un coup de main ? » Aaron lui ferait probablement remarquer qu’on n’accueillait pas les clients de la sorte – était-il vraiment le mieux placé pour faire ce genre de remarque ? –  mais de leur côté, les clients n’avaient pas à faire comme chez eux non plus. Pris par surprise, l’homme s’était redressé tout en faisant tomber le porte stylo posé sur le bord du bureau. De son côté, Mavie retint un soupir, les mains posées sur les hanches. « En même temps, il est pas vraiment destiné à survivre à ce genre de chute. » Ironie. La jeune femme était déjà sur la défensive alors que sa crédibilité au sein du garage n’avait même pas encore été remise en compte, ça ne saurait probablement pas tarder. La preuve avec la question du nouvel arrivant. « Non, non, je suis juste là pour préparer le goûter. » Ironie, encore. Mais sa tenue ne parlait-elle pas d’elle-même ? Le bleu plein de cambouis, ce n’est pas forcément la grande tendance pour ce printemps aux dernières nouvelles. Enfin qu’importe. Tentant de se recentrer un peu afin de ne pas faire fuir le client, elle se redressa, laissant ses mains quitter ses hanches pour ne pas avoir l’air sur la défensive. « Je peux vous aider ? » demanda-t-elle finalement. Après tout, si le grand blond avait poussé la porte du garage, ça n’était certainement pas simplement pour casser le porte-stylo de l’accueil. Grand blond que la mécanicienne observa un peu plus en détails. Les sourcils légèrement froncés. Était-ce seulement possible ? « Attendez... Vous êtes Jeb Greenshaw ?! » Mavie aurait pu reconnaître le pilote entre mille, mais ça lui paraissait tellement improbable qu’il puisse être là, juste devant elle.