L’enterrement c’est aujourd’hui, je m’observe dans le miroir alors que je ne me reconnais pas dans ce costume noir. J’ai voulu faire un effort pour une fois. Pour elle. Elle le mérite bien. Cette journée est surréelle, pourtant j’ai tout organisé avec eux, mais j’ai l’impression d’être simplement un spectateur de tout ça. Debout aux côtés d’Oliver, chacun leur tour des gens viennent nous souhaiter leurs condoléances, certains visages que je reconnais, certains sont de total inconnu. En tout cas, ma mère était aimée si on en croit ce qu’ils nous disent, mais ça ne me surprend pas. Elle était douce, souriante et aimait n’importe qui. Même mon père. Lorsque ce dernier passe la porte, je vrille. Lui aussi en costume et entouré de deux hommes que je soupçonne faire partie de la police pour qu’il ne fasse pas n'importe quoi, il a ce masque de tristesse sur le visage, comme s’il portait toute la peine du monde sur le dos et ça me donne envie de gerber. Il pose les yeux sur moi, une étincelle passe dans ses iris et je sais à cet instant que c’est lui. Lui qui a tué ma mère et lui aussi qui vient juste se pavaner aux yeux de tous pour passer pour ce mari et père qu’il n’est pas. Je m’esquive avant qu’il n’arrive jusqu’à nous, hors de question qu’il m’adresse la parole ou qu’il me touche. Je vais me servir un verre de whisky et au loin j’observe mon petit frère se laisser faire alors que notre père le prend dans ses bras. Ça me fait enrager parce que je n’ai même pas oser faire de même en ayant peur de la réaction d’Oliver. Un autre verre pour me donner de la force de survivre à cette journée.
La cérémonie se passe, assis sur une chaise dans l’herbe du cimetière on écoute patiemment le prêtre et lorsqu’il nous y invite on se lève pour aller déposer une rose avant qu’il ne mette le cercueil en terre. Je laisse Oliver faire le premier, suivit de Lucia qu’il a l’air de vraiment apprécier, il a sa main enfouie dans la sienne et elle la lui serre pour le rassurer. Je laisse ma rose tomber sur le cercueil de ma mère tout en tentant de me remémorer la dernière fois que l’on s’est vus avant que je parte. Ce sont des souvenirs flous et je m’en veux de ne pas avoir voulu remettre les pieds ici avant qu’elle ne disparaisse. Je ne sais pas comment mon père a fait sans que je m’en rende compte mais il est derrière moi et alors que j’opère un demi-tour pour lui laisser la place, il me chuchote. « J’espère que tu es content de ce que tu as fait. Tout ça c’est ta faute, toi et tes rêves, vous avez tué ta mère. » il siffle avant de jeter sa rose alors que je me fige. Qu’est-ce qu’il a dit ? Ma faute ?! alors que ce sont ses coups ?! on me fait signe pour que je puisse avancer et que ça continue tranquillement. On se retrouve tous pour manger et boire un coup ensemble et je ne mange pas beaucoup, je sais que je le devrais pourtant mais je n’arrête pas de penser aux mots de mon père. Alors, j’avais raison, c’est bien ma faute. Je suis certain qu’il a déchargé sa colère contre moi dès que je suis parti. Elle ne m’a jamais rien dit… mais comment pourrais-je la blâmer, je faisais de même chose des années avant. Je rentre chez moi à pieds, de toute façon je ne suis clairement pas en état de conduire. Les gars du groupe ont proposé de me ramener mais je préfère prendre l’air. Je ne pense pas que mon état me fasse gagner des points pour récupérer Oliver, mais il a l’air tellement mieux sans moi et avec Lucia… est-ce que ce n’est pas mieux pour lui? Comme si ça ne suffisait pas cette journée après avoir enterrée ma mère, il faut que je réalise que je ne suis pas assez bien pour mon petit frère… mon téléphone sonne et je suis surpris de voir ce prénom inscrit. Je fronce les sourcils en y voyant son texto. Merde. Je devais annuler, j’avais complètement oublié. J’observe l’heure. Je renvois un message pour m’excuser, que j’allais être en retard. Ma chemise est ouverte et ma veste dans mes bras, il faudrait que j’aille me changer mais je n’ai pas le temps, tant pis. Je me presse un peu jusqu’aux studios histoire de rattraper le temps, comme si en courant j’allais remonter les minutes qu’elle va perdre en m’attendant. Je m’arrête devant une pizzeria et j’en commande deux avec une bouteille d'eau et une de soda, est-ce que ça va m’aider à me rattraper? je ne sais pas, mais qui ne tente rien, n'a rien n'est-ce pas? Je la vois au loin alors que je me rapproche du studio plus calmement avec les boites à pizzas dans les mains, sa tête penchée vers son écran et ça me fait sourire malgré moi, malgré cette journée de merde. Je prends une inspiration, j’aurais dû aller me changer et me laver les dents pour éviter de sentir le whisky. Merde. Est-ce que je sens le whisky. En tout cas, son texto m’a direct dessaoulé, comme quoi. « Salut. Je suis désolé, je suis… » quoi dire? Je ne veux pas lui raconter ma journée, je veux qu’elle me change les idées comme elle le fait si bien. Soyons honnête, ça peut aider. « Ça m’est complètement sorti de la tête. Mais je nous ai pris des pizzas, j’espère que tu as faim? » je demande l’air de rien. On entre dans les studios et la dame de l’accueil me fait comprendre qu’il n’y a plus de place et vu que je suis en retard je ne peux pas râler. Alors je soupire, elle a l’air gênée pour moi, elle me propose une solution à laquelle je n’aurais jamais pensé… le toit? Je hausse les épaules et me tourne vers celle qui m’accompagne. « Ça te va? Vu qu’on ne va pas enregistrer, ça pourrait suffire non? » je lui aurais bien proposé que l’on s’installe chez moi mais je ne suis pas sûr qu’elle accepte… autant rester dans un endroit neutre.

@Lina Perez  

Je termine toujours ce que je commence. C’est ainsi que je tente de me convaincre que c’est pour ça que je ne suis pas contrariée par ma prochaine rencontre avec Caleb. J’ai été surprise qu’il me fixe rendez-vous aujourd’hui. Oli a été excusé pour la journée, car se sont les funérailles de leur mère.
Je me suis exhortée à ne pas trop y penser. Si Caleb m’a donné rendez-vous, il est grand et sait ce qu’il fait. Puis d’abord, pourquoi je m’inquiète pour cet ancien camarade décevant jadis ? Même s’il est très sympathique lorsque l’on se croise, notre relation est professionnelle. Je lui donne un coup de main pour son frère, mais qui ne ferait pas ça pour un ancien camarade ? Et pour un ancien camarade qu’on a détesté des années ? Qu’on a ? Mon dieu. Suis-je en train d’accepter le fait que je ne le déteste plus ? Je me fatigue. Bien sûr que je ne le déteste plus. J’apprécie bien trop sa compagnie et lui envoyer des piques pour prétendre le détester. Officiellement je peux bien le clamer à ma meilleure amie et à ma sœur – qui a fini par découvrir tout ça en rentrant un week-end car maman m’a trahie !
Alors je ne suis pas contrariée à l’idée d’aller travailler avec lui. Même si c’est la fin de journée, même si je m’agace toujours un peu de ne pas réussir à maintenir une certaine rancœur à son égard. Contrairement à mes proches, je ne parviens pas à être rancunière. Je fonctionne de la façon suivante : ou j’occulte carrément un évènement ou une personne, ou je passe à autre chose me laissant attendrir à un moment. J’ai naïvement pensé avoir rangé Caleb dans la première catégorie. Et voilà qu’en quelques rencontres, je ne le déteste plus. Nulle. Mais bon. Maman a toujours répété que la rancune était un fardeau pour celui qui la porte.

Je me rends donc au studio, et je rentre tranquillement. A l’accueil, je demande où est-ce que je dois retrouver Caleb. La secrétaire m’explique qu’il n’est pas là et qu’il n’y a rien de réservé. Je lui offre un sourire contrit et sors du bâtiment. Je n’arrive même pas à être contrariée, parce que qui voudrait travailler le jour de l’enterrement de sa mère ?
Je m’installe sur un banc non loin de l’entrée, et lui envoie un message. Je n’espère même pas de réponse. J’inspire tranquillement et regarde le ciel. Le temps est doux et clair, et je me demande ce que je ressentirais à la place de Caleb et Oliver. Je pense au plus jeune des deux un instant, et espère qu’il acceptera la main tendue de son aîné. Se soutenir est sans doute la clé. Ma sœur et moi ne nous lâcherions pas en un jour pareil. Et pourtant je sais que les garçons ne sont pas ensemble, et quelque part ça me brise le cœur.
Les vibrations de mon téléphone me font sursauter. Je lis directement les excuses de Caleb et resserre ma prise sur mon sac prête à partir, avant de me réinstaller en constatant qu’il compte venir. J’hésite un instant, prête à lui dire que je comprends et qu’on peut remettre à plus tard. Puis, je réponds simplement « Ok » et soupire doucement. S’il veut se plonger dans le travail, alors je serais là. J’ouvre mon bouquin sur mon application de lecture et m’installe sur le banc pour passer le temps. « Salut. Je suis désolé, je suis… » m’interpelle Caleb et je lève les yeux de mon écran, le verrouillant par automatisme. Comme si je faisais quelque chose de répréhensible. La vérité ? J’ai toujours une gêne quand les gens voient que je lis des romances simples et un peu gnan gnan. Même si ce n’est pas mon genre littéraire préféré, il y a des histoires qui me donnent envie de croire à quelque chose de plus. Je sais bien que c’est ridicule, et mon aînée ne cesse de ressasser que c’est à cause de ça que je suis éternelle célibataire. « Ça m’est complètement sorti de la tête. Mais je nous ai pris des pizzas, j’espère que tu as faim? » je lui offre un petit sourire en coin. « Tu as une chance folle. La pizza est la seule chose qui peut m’acheter facilement. » je lui réponds en me levant. Nous entrons dans l’immeuble et je décide de ne rien dire s’il ne le fait pas. Je l’observe un instant, me faisant la réflexion qu’il est très élégant habillé ainsi. Ça change de ses tenues de popstars. La secrétaire le recale, et ça ne me surprends pas. Rien n’est réservé tout est organisé à l’avance par ici. « Ça te va? Vu qu’on ne va pas enregistrer, ça pourrait suffire non? » je l’observe une seconde, puis plante mon regard sombre dans le sien. Je me demande à quel point il a besoin de ce moment dans le travail et hors de la réalité qui est bien compliquée à gérer. Je cesse de le regarder et m’adresse à la secrétaire. « Le toit sera très bien. » je déclare avant de sourire et de me diriger vers l’ascenseur. Caleb m’emboite le pas rapidement et j’appuie sur le bouton de l’étage le plus haut de l’immeuble.  « Prions que la pizza soi chaude, sinon je ne te donne que des paroles super macho pour le prochain refrain. » je le taquine avant de hausser les sourcils.
En quelques secondes nous arrivons en haut et je suis agréablement surprise. Une espèce de grand salon de jardin confortable, avec des coussins et de petits arbustes. Mais surtout, une vue sublime sur la ville. « Je crois que je ne veux plus aller dans les studios. » je déclare posant mes avant-bras sur le garde-corps. » je laisse mes yeux essayer d’incruster les détails dans mes rétines. Je pourrais tomber amoureuse de cette vue, cela ne fait aucun doute. Je secoue la tête après quelques secondes. J’ai décidé d’essayer de l’aider. Je me retourne. « Alors, on part sur quoi ce soir ? » je demande avant de me diriger vers une des boites de pizza d’où l’odeur est plus qu’alléchante. J’ouvre la boite et lui souris. « Chèvre miel. Tu es officiellement pardonné de m’avoir oubliée ! » je déclare, choisissant de le déculpabiliser totalement.

@Caleb Dawson

J’essaie de rejoindre Lina au plus vite, mais le mal est fait : je l’ai oublié. Je sais que j’ai une excuse toute servie, je pourrais lui dire elle comprendrait. J’observe la brune face à moi, j’en suis certain, elle arrive toujours à être gentille avec moi, même si des fois on dirait qu’elle en a pas envie. C’est assez drôle a observer d’ailleurs. Je lui offre un sourire alors qu’elle parle des pizzas. « C’est aussi mon repas préféré. » je lui avoue à mon tour, fou on a même des points communs! J’entre pour demander une pièce à la secrétaire, mais sans surprise elle me dit qu’il n’y a rien de disponible. En même temps à cette heure-ci, elle a de la peine pour moi et me propose quand même le roof top pour ne pas être venu pour rien. J’interroge Lina pour savoir tout de même si ça lui va, jamais je ne ferais quelque chose dont elle n’a pas envie. Elle confirme à ma place et sans me répondre et alors je lui souris tout de même soulagé. Pas que pour l’idée de passer du temps avec elle, même si on ne peut pas mentir ça compte dans la balance tout de même, mais surtout parce que je me rends compte à ce moment-là combien j’ai besoin de me plonger dans le boulot pour oublier cette journée de merde. Mon cousin, revenu récemment sur Tree Hill était là lui aussi, ça fait un bail que l’on s’est pas vu mais depuis quelques années on prend des nouvelles par les réseaux, ça m’a touché qu’il vienne tout de même. Il était là alors que je tentais d’éviter mon père, que je gardais un œil sur Oliver et même si je n’ai pas totalement vidé mon sac, son soutien m’a fait du bien. Celui du whisky aussi bordel.
Je ris alors que l’on attend que la machine descende jusqu’à nous. Des paroles macho, hein? « Fais moi penser à traduire ton texte avant de l’envoyer en prod’ s’il te plaît. » je me moque gentiment, bien que ce serait moi qui passerait pour un idiot plutôt qu’elle. « Tu briserais le rêve de tant de femmes… tu n’as pas honte? » je demande en posant la main sur mon cœur alors que l’on entre dans l’ascenseur.
On s’est déjà installés ici avec les gars et Jazz, donc je ne suis pas aussi intéressé qu’elle par la vue que l’on peut trouver devant nous. Est-ce que ça fait un peu star blasé? Merde. Je la suis et m’installe à ses côtés pour observer ce qui nous entoure. Nouveau rire, petit pincement au cœur alors que je me demande si j’ai le droit de rire en ce jour si sombre? « Je réserverais directement ici alors la prochaine fois. » est-ce qu’il y aura une prochaine fois? Je tourne le regard vers elle alors qu’elle n’arrive pas à lâcher le regard notre ville devant elle, j’ai envie de replacer une de ses mèches qui s’envole et je me retiens ne sachant pas si j’ai le droit ou non de la toucher. Je me retourne et appuie mes coudes contre la rambarde alors qu’elle s’avance vers les pizzas, je l’observe en souriant elle a l’air vraiment heureuse de mon choix de diner, je ne pensais pas tomber aussi juste et réussir à me rattraper un petit peu au moins de ce retard. « J’ai retravaillé les paroles, donc voir si ce que tu m’as donné colle toujours aussi bien. Donc soit modifier, ou alors travailler ma prononciation? Je ne suis pas sûr d’être très doué avec l’espagnol et je n’ai pas très envie de me ridiculiser. » je lui explique en retrouvant le canapé installé pour me laisser tomber dedans. Bien entendu vu que tout ça m’est sorti de la tête je n’ai pas mon matos, mais j’ai quand même la brillante idée d’avoir tout mis sur le cloud, donc j’arrive en quelques clics à récupérer mon boulot sur le pc fourni par les studios. Je relève les yeux de l’écran pour l’observer et lui sourire alors que je comprend qu’elle est sérieuse dans ses paroles. « Merci beaucoup, je ferais attention la prochaine fois c’est promis. » trop de chose en tête, forcément ça saute. Peut-être que je vais finir par imploser, mais elle n’a pas besoin de payer pour mes bêtises, donc autant s’excuser. J’attrape une part de ma pizza aux fromages après avoir tourné l’écran vers elle. « Alors? Qu’est-ce que t’en penses? »

@Lina Perez  

En ce jour si sombre, Caleb m’a oubliée. Enfin, je penserais ça si j’avais un égo important. Ce n’est pas le cas. Du moins pas aujourd’hui. Il a la meilleure excuse et la pire des situations. Comment a-t-il fait pour programmer un temps de travail le jour de l’enterrement de sa mère ? Je sais que ça l’atteint, car j’ai vu les efforts qu’il fournit afin de pouvoir se rapprocher de son frère. Il est de retour en ville, et est prêt à se plier en quatre pour lui. Le bougre a même fini par donner de son temps et de sa personne auprès de la classe d’Oliver afin de pouvoir l’approcher dans de bonnes conditions.
Si je parvenais à mettre ma rancœur de côté, je pourrais pleinement apprécier Caleb. Hélas, ça m’est impossible. Le rejet, et surtout la façon dont les choses se sont déroulées à l’époque me laissent un goût bien trop amer en bouche. Pourtant, il m’est également impossible de l’abandonner, ou même d’être acerbe. Ce type… il a toujours été une sorte de talon d’Achilles pour moi. Et ça me fait rager que ça continue d’être le cas, mais le temps n’est pas de ressasser, plutôt de travailler. « Fais moi penser à traduire ton texte avant de l’envoyer en prod’ s’il te plaît. » je souris face à sa réplique avant de lever les yeux au ciel. Comme s’il allait utiliser un traducteur alors que je suis là pour ça. Idiot ! « Tu briserais le rêve de tant de femmes… tu n’as pas honte? » je lève les yeux au ciel par réflexe avant de me rendre compte que mon visage a été honnête pour moi. « Pas du tout honte. Je suis sûre que tu es extrêmement doué pour briser les rêves des femmes tout seul. » je lance avant de hausser les épaules et d’éviter son regard quelques instants. Ca c’était du ressentiment ou je ne m’appelle pas Lina. Mais bon, ma version adolescente serait heureuse de voir son sac vidé.

Il m’est difficile de penser à travailler immédiatement. Entre l’odeur de la pizza qui réveille mon estomac dans l’ascenseur, puis la vue magnifique sur la ville, je suis sans cesse distraite. Cet endroit est merveilleux, l’impression d’être isolée et pourtant proche de tous. Caleb ne semble pas partager mon excitation, mais ça ne gâche pas mon plaisir. Je profiterais pour nous deux s’il le faut. Je repense ensuite à mon estomac, et le menace de représailles si jamais la pizza est froide. Pour le style, puisque je mange aussi bien chaud que froid ce sublime plat. Caleb me rejoins et reprends « J’ai retravaillé les paroles, donc voir si ce que tu m’as donné colle toujours aussi bien. Donc soit modifier, ou alors travailler ma prononciation? Je ne suis pas sûr d’être très doué avec l’espagnol et je n’ai pas très envie de me ridiculiser. » je hoche la tête, prête à lui faire travailler les prononciations telle une prof sévère qu’il mérite que je sois. Je m’approche pour observer ce qu’il fait sur l’ordinateur. Enfant, je n’aurais jamais pensé que la musique pouvait à ce point être informatisée. Pour moi, elle sortait des instruments et des cordes vocales. Fou ce que le monde a évolué. Il s’excuse et je hausse les épaules. Il n’en parle pas, alors je ne mentionnerai pas cette affreuse journée, mais je lui pardonne déjà. Le chanteur tourne l’écran face à moi alors que je termine ma part de pizza. Je récupère une serviette en papier et m’essuie les mains en étudiant le texte, avant d’écouter la mélodie en dodelinant tranquillement de la tête. Ca ressemble à l’énergie évoquée lors de notre première rencontre et ça semble beaucoup plus aboutit à présent. Un sourire s’installe sur mon visage. Il est consciencieux dans son travail. Ça n’a jamais été l’image que j’ai eue de lui. « Alors? Qu’est-ce que t’en penses? » il me demande et je relève les yeux vers lui. C’est à ce moment que je remarque son regard posé sur moi. Je sens mon rythme cardiaque accélérer, et j’intime mon organe vital au calme. Zen Lina. C’est l’ennemi, rappelle-toi ! J’expire doucement avant de hocher la tête et de sourire discrètement. « C’est très bien. Et en tant que personne totalement hors de ton domaine, je trouve ça beau de voir comment tu fais évoluer une chanson entière à partir de l’ébauche que tu avais faite la première fois que je t’ai accompagné. Les passages en espagnol sont beaux, et je pense que tu devrais t’en sortir avec un peu de pratique. » je conclus avec mon avis de professeure. Il y a bien quelques mots un peu plus compliqués, mais je sais pouvoir réussir à les lui faire prononcer. Peut-être qu’il n’aura pas l’accent parfait ce soir, mais il semble travailleur, et il va en faire tomber plus d’une avec cette chanson. « Il y a juste deux trois trucs qu’il faut que je corrige pour que ce soit plus naturel. » j’ajoute avant de me pencher vers l’ordinateur et d’inverser parfois l’ordre de deux mots, et d’ajouter ou supprimer des accents. Après quelques minutes de travail, je hoche la tête satisfaite. « C’est beaucoup plus hispanique comme ça. Tous les fans seront contents, c’est sûr. » j’avance en sachant pertinemment qu’ils seront ravis. Je reprends une part de pizza avant de lui demander. « Tu veux qu’on pratique la langue en faisant jouer la musique ? » je demande innocemment avant de me rendre compte que cette phrase pourrait avoir un double sens. Je sens mes joues picoter tandis que je rougis et ai envie de me jeter du toit soudainement. Respire. Avec le jour déclinant il n’a probablement rien vu. N’est-ce pas ?

@Caleb Dawson

J’observe plus Lina que la paysage, il faut dire que cette vue est bien plus belle et j’y suis moins habitué. Alors je ne loupe pas ses yeux qui roulent après ma réplique, je hausse un sourcil, encore plus lorsque j’entends ce qu’elle me répond. Me pense-t-elle comme ça? Que ce soit les journalistes ou même des inconnus qui y croient ça ne me fait plus rien. Mais peut-être ne devrais-je pas être étonné, après tout on ne se connait pas tant que ça n’est-ce pas? Elle ne peut savoir que tout ça n’est qu’une image. Même pas celle que j’ai décidé puisque ça s’est plus ou moins collé à ma peau à nos débuts et maintenant Duncan joue toujours avec ça. Après, ça ne me dérange pas. Je ne veux pas m’attacher et au moins les filles sont au courant, je passe pour ce genre de gars mais je suis honnête. « Tu penses donc que j’envoie du rêve… » ouais, je ne relève que ce que je veux… et alors? Je ne veux pas montrer que ce qu’elle pense de moi me perturbe et me touche plus que ça ne devrait être le cas.
Une fois installé sur le canapé, je la laisse se servir en pizza, après tout il faut bien qu’elle me pardonne. J’allume d’abord l’ordinateur et puisque j’ai tout partagé sur mon compte, je peux y avoir accès d’ici, merci la technologie. Je tourne l’écran vers elle machinalement et lance play pour qu’elle puisse écouter ce que j’ai pu en faire depuis la dernière fois. Ce n’est pas hyper travaillé non plus, j’ai fait ça seul, il manque beaucoup de raccord et tout ce que je ne touche pas au niveau du son. Avec les années j’ai appris beaucoup de choses, mais je ne suis clairement pas un pro donc c’est encore à retravailler, je le sais bien. Je bute sur les mots espagnols, je grimace en m’entendant alors qu’elle bouge la tête en rythme, comme si… ça lui plaisait. Je l’observe, un léger sourire accroché aux lèvres, j’aime que ma musique plaise, j’aime mon métier surtout pour cette raison. Faire passer des messages et surtout que ça puisse plaire. Je trouve ça complètement fou, que tant d’heures de travail soit écouté si rapidement, certain aiment ou détestent, mais d’autres décortiques chaque phrase, chaque mots, comme si je laissais des messages codés dans chaque chanson. J’ai été de ceux-là donc j’avoue que ça me touche que ma musique puisse faire de même à d’autre. C’est un art et il faut que ça fasse parler, sinon je ne servirais finalement à rien. « Tu verras quand Jazz va rajouter son piano, Finn va rajouter sa batterie et Corey sa basse. Sans oublier la magie des techniciens, ce sera encore meilleur. » beaucoup de pratique je pense ouais. Je ne suis vraiment pas super doué dans une autre langue que l’anglais, contrairement à elle. Le fait que sa famille soit d’origine espagnol, ça doit beaucoup aider, elle a été plongée dedans depuis qu’elle est toute jeune. J’écarte les mains de l’ordinateur quand je comprends qu’elle en a besoin et l’observe faire quelques modifications. Je ne vois pas grande différence, mais après tout c’est elle l’experte. J’observe le texte et hoche la tête avec un petit sourire. « Tant mieux. J’aimerais autant que l’on ne passe pas pour des idiots. Sinon autant rester sur de l’anglais, au moins on sait ce qu’il en est. » encore et toujours les idées de Duncan ça. Ouvrir les frontières, tout ça, tout ça. Déjà le buzz de notre couple avec Jasmine nous a étendu pas mal je trouve. Ça fait étrange de se dire que des gens qui ne parle pas la même langue que nous, nous écoute et chante par dessus nos chansons. Ça donne une dimension étrange. Elle me sort de mes pensées, c’est ça qu’il me faut. Des gens qui me gardent les pieds sur terre finalement. Je hoche la tête à sa question et je l’observe alors que j’ouvre la bouche pour lui demander par quoi on commence. Je remarque ses joues prendre une teinte un peu plus rosée qu’habituellement. Qu’est-ce qu’il lui arrive? Je penche la tête sur le côté, essayant de comprendre ce qui peut se passer dans sa tête alors que je souris, pensant comprendre. « C’est les langues qui te perturbe Lina? Aurais-tu des pensées olé-olé alors que je ne veux que travailler ma prononciation? » je fais mine d’être choqué, j’aurais pu être acteur bordel. Elle m’amuse, elle me change les idées de cette terrible journée, je ne pourrais jamais la remercier assez pour tout ce qu’elle fait pour moi. Ma musique, mon petit frère et maintenant ma dépression. Je vais commencer à lui devoir beaucoup. « Je ne te pensais pas aussi dévergondée… je suis un peu choqué. » toujours plus. Et si ses joues prennent une nouvelle teinte de rouge, j’aurais tout gagner. Je ne sais pas si elle se rend compte quel point ça la rend craquante.

@Lina Perez  

La vie est faite de surprises. Jamais je n’aurais imaginé me retrouver plongée dans le monde de la musique. Pire encore, dans celui de la création musicale. Comme tout à chacun, j’adore pousser la chansonnette. Que ce soit dans ma voiture ou sous la douche, j’aime prétendre être Beyoncé ou Taylor Swift. Mais je sors de ma transe une fois le trajet terminé, ou mes cheveux propres. Etre là, auprès de Caleb pour construire une chanson de toute pièce tient un peu du mystique. C’est ainsi que tout ce qui nous fait chanter à tue-tête ou nous déhancher en soirée se crée. Par des êtres inspirés, et créatifs qui essaient sans discontinuer des heures ou des jours durant. Je sais ce que produisent Caleb et son groupe, alors je prends ça très au sérieux. Avec la sensation folle que chaque fois que j’entendrais cette chanson jusqu’à la fin de mes jours, elle aura quelque chose de spécial pour moi. Et il y a quelque chose de totalement fou en ça.
Je m’en rends compte en l’écoutant jouer alors qu’elle est déjà tellement plus aboutie que ce jour où j’ai débarqué sans savoir qu’il était l’artiste auquel j’allais apporter mon aide. Malgré ma déception de le revoir et mon envie de rager, j’avais eu raison de rester. Certes, rien n’effacera le rejet passé, ni ma rancœur tenace, mais j’ai tout de même appris beaucoup de choses. Et bien que je fasse de mon mieux pour ne pas l’apprécier, je me retrouve tout de même à compatir pour lui et à l’aider dans d’autres sphères que celle pour laquelle il me paie.
J’aime même déjà cette chanson qu’il est en train de créer. L’ambiance est telle qu’on a pu l’aborder lors de notre première cession de travail, et je m’imagine l’entendre d’ici quelques mois avec ce soupçon de connivence que je serais la seule à pouvoir avoir. « Tu verras quand Jazz va rajouter son piano, Finn va rajouter sa batterie et Corey sa basse. Sans oublier la magie des techniciens, ce sera encore meilleur. » je l’observe en souriant, tandis qu’il est dans son cocon créatif mental. Je jurerais qu’il imagine ce que ça va donner avec l’aide des autres membres du groupe et de l’équipe technique. Connaissant toutes ces personnes, il a déjà une idée du résultat en tête. Comme un architecte devant les fondations d’une maison. Il sait où ça va aller, et il semble clair que cela lui plait. « J’ai hâte d’entendre la version finale. » j’avoue avec un sourire.

Puis je m’attelle à quelques corrections. Tout de même, il faut un espagnol impeccable et fluide pour que la chanson soit parfaite. Je corrige quelques tournures de phrases et allège certains passages. Je me les chante mentalement pour vérifier que ça reste correct sur la musique ainsi que Caleb me l’avait expliqué la première fois. Cela semble très bien convenir avec ces quelques modifications. « Tant mieux. J’aimerais autant que l’on ne passe pas pour des idiots. Sinon autant rester sur de l’anglais, au moins on sait ce qu’il en est. » je penche la tête, comprenant le dilemme. A la fois avoir envie de se tester à une langue étrangère, tout en craignant d’être ridicule en le faisant. « Avec le texte en l’état, personne ne soupçonnera rien du tout. » je lui confirme, sûre de moi. S’il y a une langue qui m’est aussi naturelle que l’anglais, c’est bien l’espagnol. Alors tout ira bien.
Bien sûr, je gâche tout en parlant trop vite. Cette histoire de langue me gêne moi, sans raisons bien évidemment, et je me retrouve à rougir tout en priant pour qu’il ne le voit pas. « C’est les langues qui te perturbe Lina? Aurais-tu des pensées olé-olé alors que je ne veux que travailler ma prononciation? » il se moque de moi. J’ai. Envie. De. Décéder. Et dans ce genre de situation, qu’est-ce que je fais au lieu de me taire et de me morfondre ? Je me débat bien sûr ! « Non… mais c’est pas ça. C’est juste que… que j’ai parlé sans réfléchir. Puis après ça m’a fait penser à… enfin, pas que j’y pensais mais ça m’est venu, et donc… ah arrête de m’en faire parler aussi. » je finis par râler dépitée de tout ça. Je devrais lui lancer la pizza dessus et fuir tiens. « Je ne te pensais pas aussi dévergondée… je suis un peu choqué. » sa remarque me fait rougir de plus belle, alors je me cache le visage. Je vais me jeter par le roof top… Peut-être que ma gêne ne lui restera pas en mémoire face au traumatisme de me voir aplatie sur le trottoir ? « Arrête de te moquer, je suis pas dévergondée. Ca fait bien longtemps que je n’ai goûté à la langue de personne si tu veux savoir. Et c’est toi le dévergondé de nous deux, pour sûr. » je rétorque avant de croiser les bras. Je n’ai qu’envie de bouder et de disparaitre. Je lui tourne le dos et me touche les joues afin d’évaluer le temps qu’il va leur falloir pour retrouver une teinte normale. « En plus je suis sûre que ça t’amuse de me faire rougir ! » je lui râle dessus.

@Caleb Dawson

Assis dans le canapé avec l’ordinateur sur les genoux, j’observe une dernière fois ce que j’ai fait avant de tourner l’écran vers Lina pour qu’elle puisse lire et écouter. C’est trop tard pour changer de toute façon et surtout, je ne suis jamais réellement satisfait, je pourrais toujours changer un détail quelque part. « J’ai hâte que tu l’entendes aussi. » je lâche sans vraiment réfléchir, parce que c’est totalement vrai. C’est la première fois que je bosse avec quelqu’un en dehors du groupe sur une musique. J’ai toujours fait ça seul ou avec les gars. Et Jazz maintenant. Mais j’ai beaucoup de mal à accorder ma confiance, surtout avec ma musique, et j’ai toujours peur que ça fuite d’une façon ou d’une autre. C’est pour ça que je n’étais pas trop chaud à l’idée de bosser avec un traducteur à la base quand Duncan m’en a parlé. Et je ne sais pas pourquoi mais le fait que ce soit elle change tout. « Tu pourras peut-être venir à l’enregistrement si tu veux voir comment ça se passe ? » ça peut-être intriguant pour quelqu’un qui ne connait pas donc si elle veut découvrir tout ça, ça ne me dérangerais pas. Au contraire, étrangement je me dis même que ça me ferait plaisir de la savoir à mes côtés pour ça. Pour quelles raisons ? je n’en sais rien du tout.

Je l’observe alors qu’elle me corrige, enfin techniquement elle se corrige elle-même, mais puisque j’ai fait des ajustements j’imagine que ça change aussi pour une autre langue. Mais comme je ne veux pas avoir l’air idiot, elle peut bien faire ce qu’elle veut. C’est bien beau de s’ouvrir à l’Europe mais je ne suis pas des plus doué en langue, donc je ne sais vraiment ce que ça va donner. Mais elle a l’air sereine, donc je dois avouer que ça me rassure un peu. Je hoche la tête avec un petit sourire, personne ne soupçonnera rien sur le texte mais sur la prononciation rien n’est moins sûr… ce qui m’apaise un peu c’est de savoir qu’elle sera là pour m’aider à retravailler ces quelques phrases à dire correctement. Ce sont ses rougissements qui me font m’engouffrer dans la brèche, je n’aurais sûrement rien dit sans ça. Parce que même à double sens, sa phrase était compréhensible. Mais je peux l’embêter et la faire rougir un peu plus, donc que demande le peuple ? mon sourire s’agrandit alors qu’elle bafouille un peu avant de râler. Mon sourire ne me lâche pas, c’est beaucoup trop bon. « Ca t’y a fait penser… je vois. Tu penses à ma langue. » je hoche la tête faisant mine de comprendre alors que je l’embête un peu plus. Pourrais-je un jour m’arrêter ? pas sûr. J’en rajoute une autre couche et mon sourire est victorieux alors que je vois ses joues se teinter de rose. Ma première pensée me perturbe parce que je me dis qu’elle est jolie, je le savais déjà bien sûr, mais pas dans ce genre de situation et ça la rend encore plus belle. J’ai un petit rire, ah c’est moi le dévergondé maintenant ? non mais ce retournement de situation, c’est fou de faire ça quand même. « Longtemps comment ? ça te manque du coup, c’est pour ça que t’y penses. » je hausse un sourcil, toujours souriant alors que je la vois me tourner le dos ostensiblement. C’est trop pour elle ? j’aime bien la gêné en la faisant rougir, mais si c’est trop bien évidement que je vais me calmer. Elle lève les mains sur ses joues et m’arrache un nouveau sourire. Beaucoup trop mignonne. Je tends la main pour attraper une des cannettes sur la table, je passe mon bras au-dessus de son épaule et pose la boisson sur sa joue pour l’aider. « C’est vrai. Mais promis j’arrête si ça te dérange autant. Tu peux te retourner je serais sage, et la seule langue dont je parlerais ce sera l’espagnol. » je promets pour ne pas gâcher ce moment et ne pas qu’elle m’en veuille. Cette journée est déjà bien assez merdique, je n’ai pas besoin d’en rajouter un peu plus. Mais il faut avouer qu’elle a réussi à me changer les idées rapidement, avec et sans le boulot, quel exploit.

@Lina Perez  

D’ordinaire, ma sœur me manquait. Le fait qu’elle se trouve à l’autre bout du monde, et que je doive gérer notre mère et sa maladie seule pouvait être complexe. Mais c’était de ma faute. Je ne voulais pas lui en parler. Hors de question de gâcher ou de teinter de sombre l’aventure exploratoire dans laquelle elle s’était lancée. Elle apprendrait la triste vérité bien assez vite lorsqu’elle rentrerait. Ce qui ne tarderait pas d’ailleurs. Et là, elle ne me manquait plus vraiment. Car elle allait en faire des tonnes. Le fait que je travaille avec Caleb et que nos relations soient aussi apaisées allaient être un sujet agaçant. Parce qu’elle savait à quel point je l’avais apprécié par le passé. Et je la connaissais bien trop pour savoir qu’elle ne louperait pas une occasion de me taquiner. Pire encore, si on croisait Caleb alors que nous étions ensemble, je ne donnais pas cher de ma peau.
Mais dieu merci, nous n’en étions pas là. Celui qui était imbriqué dans des drames familiaux ce soir, c’était le chanteur et non moi. Je compatissais car il ne s’agissait pas d’une sœur agaçante dans son cas. Et autant j’appréciais me plaindre, autant je reconnaissais que ça n’avait rien à voir. Le processus créatif par lequel il était passé, et que j’avais pu expérimenter ainsi me rendait curieuse. J’avais hâte d’entendre la chanson terminée. Je savais qu’à chaque fois qu’elle serait diffusée à la radio, je ne pourrais m’empêcher de sourire. Car il y avait quelque chose de personnel au sein de cette mélodie. « Tu pourras peut-être venir à l’enregistrement si tu veux voir comment ça se passe ? » offrit-il alors et je ne pus que sourire. C’était gentil de sa part. Je devais le reconnaitre. D’ailleurs, il était très cordial et sympathique. Il agissait comme si nous étions amis, ou amis en devenir. C’était sans doute ce qui était le plus troublant dans tout ça. Et probablement l’une des raisons de l’amoindrissement de ma rage à son égard. « Pourquoi pas, si je ne donne pas cours à ce moment-là. Se sera intéressant de découvrir comment vous assemblez tout ça. » j’avoue en hochant la tête. Ma curiosité causera ma perte un jour. Toutefois, je dois avouer que m’impliquer dans ce processus d’écriture avec lui me rend curieuse. Comment se déroulent les choses jusqu’au moment où on dodeline de la tête avant de chanter dans nos voitures. C’est devenu pour moi quelque chose d’assez intriguant depuis le début de mon travail à ses côtés.

La pizza m’ayant totalement soudoyée, je suis détendue. J’entreprends de faire quelques modifications en ayant la mélodie en tête, et je me relaxe complètement. Je n’aurais pas dû ! Cruelle erreur car je me retrouve à bégayer et à rougir bêtement face à un Caleb qui n’en perd pas une miette. Pire que ça ! Il se régale littéralement de ma gêne au lieu de me venir en aide. Tu parles d’un gentleman en carton celui-là ! Je rage intérieurement. « Ca t’y a fait penser… je vois. Tu penses à ma langue. » je me tape la tête du plat de la main. C’est pas vrai, je ne vais pas m’en sortir avec ce mec. Je vais devoir enterrer son cadavre un jour à force qu’il abuse ainsi. « C’est pas ce que j’ai dis… » je parviens tout de même à rétorquer avec l’envie profonde de décéder.
Je pars dans des justifications bien trop longues pour réellement m’aider et me maudis. color=#3366ff]« Longtemps comment ? ça te manque du coup, c’est pour ça que t’y penses. »[/color] je lève les yeux au ciel, il a de la chance d’avoir passé une terrible journée ou j’aurais décidé de me vexer et de partir en boudant. Moi, immature ? Seulement quand on m’embête sur certains sujets. Des sujets qu’il ne devrait même pas oser aborder, pas après m’avoir rejetée il y a des années ! « Un sacré bail si tu tiens vraiment à le savoir. Et ce n’était pas que j’y pensais juste… rha puis j’en ai marre de me justifier. » je conclus en haussant les épaules. Hors de question de lui donner plus le bâton pour me faire battre.
Je sursaute faiblement lorsqu’il me pose la canette sur la joue. Pour éteindre le feu qui les enflamme. Je le regarde en biais. Se serait presque mignon. Mai son se souvient qu’on a envie de le tuer car il exagère à m’embêter comme ça. « C’est vrai. Mais promis j’arrête si ça te dérange autant. Tu peux te retourner je serais sage, et la seule langue dont je parlerais ce sera l’espagnol. » je secoue la tête cette fois. On aura tout entendu, il me ferait presque passer pour une mijaurée à présent. « Ce qui est dérangeant c’est que tu essaies de faire de moi la dévergondée du binôme. Alors que c’est toi. D’ailleurs je parie que tu ne peux pas passer plus de quelques jours sans bécoter quelqu’un tiens ! » je lance fière d’avoir retrouvé un minimum de répartie, puis je reprends plus sérieusement « Mais tu as raison, on devrait travailler ta prononciation au lieu de s’attarder sur des détails sans importance. » je conclus redevenant sérieuse, et prête à lui faire répéter les mots des centaines de fois jusqu’à obtenir une prononciation parfaite. Il m’a embêtée, il va avoir la Lina intransigeante face à lui pour travailler à présent. Ha ! Petite vengeance.

@Caleb Dawson

Je lui propose naturellement de suivre le processus jusqu’au bout, je vois qu’elle est curieuse de tout ça. Même sans bosser dans la musique, ça l’intéresse et ça me pousse à lui en apprendre toujours un peu plus. Déjà parce que j’aime ça, mon métier est ma passion et si on ne m’arrête pas je pourrais en parler pendant des heures sans me lasser. J’ai fini par déceler chez les gens l’ennui, sur une moue, une question et du coup je tente de ne plus m’étaler de trop quand je vois que je vais trop loin. Mais Lina… elle, elle m’écoute. Quoique je dise, je vois sur son visage qu’elle attend la fin, que ça l’intéresse et qu’elle ne fait pas ça juste parce que je suis Caleb du groupe Up Midtown. Non, dans ses yeux je suis juste Caleb. Et elle n’hésite pas à me remettre à ma place si l’envie lui prend. Je hoche la tête avec un léger sourire, bien sûr il ne faut pas troubler ses plans non plus, elle n’a pas à s’adapter. « Parfait, on fait comme ça alors. »
On s’installe pour travailler cette fois et je dois avouer qu’après cette journée épuisante mentalement c’est la dernière chose dont j’avais envie. Non, j’aurais préféré continuer de m’alcooliser et certainement mourir dans un coma dans mon lit. Pourtant la de suite je ne voudrais pas être ailleurs. Les joues rougies de la jeune femme à mes côtés me font sourire et complètement oublier ce que j’ai vécu aujourd’hui. Les paroles de mon père, les comportement de mon frère et même la tombe de ma mère. Cette fille a clairement un don, peut-être même plusieurs si on prend en compte que c’est grâce à elle que j’ai réussi à écrire cette chanson dans le fond. Duncan devrait augmenter son salaire, sans elle rien de tout ça n’existerait, j’irais lui en toucher deux mots. J’ai un petit rire alors qu’elle se frappe le front. « Pas besoin de le dire, il faut lire entre les lignes. » j’en rajoute un peu, parce que bon sang que ça fait du bien ce genre de conversation légères après une telle journée. Elle n’est pas au courant de tout ça et je n’ai pas envie de lui en parler, elle est la seule aujourd’hui à ne pas m’avoir regardé avec ce regard rempli de pitié et de tristesse. Enfin, elle et mon père, puisque lui j’y ai lu la haine et le dégout, mais c’est une autre histoire ça.
Cette fois j’éclate de rire alors qu’elle comprend enfin qu’il faut arrêter de se justifier toujours plus. Plus elle m’en donne, plus ça devient facile de se moquer et c’est ce que je préfère. Surtout quand je vois l’état de ses joues. Tout ça à cause d’une petite phrase ou deux. J’adore. « Juste que quoi? » je deviens curieux. Comment une fille comme elle ne peut pas avoir embrasser quelqu’un depuis « un sacré bail »? Je ne comprends pas. Ils ont de la merde dans les yeux ou quoi? À moins qu’elle ne mette des stops à tous? Mais pour quelle raison… il est là le mystère. Comment fait-elle pour réussir à me connaitre assez bien pour m’aider alors qu’elle est un tel mystère pour moi? Je suis frustré.
Mais apparement ce n’est pas la bonne façon de procédé alors je m’excuse avec la canette posée sur ses joues et promet de ne pas recommencer. Même si ça me coûte un peu, parce que c’est bien drôle tout de même. Mince alors. Je la regarde surpris qu’elle puisse penser ça, c’était pas du tout ce que j’étais en train de sous-entendre… « C’est ce que tu penses de moi? » je demande totalement sérieux et curieux de savoir ce qu’il en est réellement. Dit-elle ça juste pour détourner la conversation ou alors c’est vraiment moi? Mais ça ne m’étonne pas beaucoup, les médias me font passer pour un homme à femme après tout. Bien entendu, je peux utiliser ma notoriété pour avoir une fille plus facilement, mais de là à ne pas pouvoir passer quelques jours sans embrasser quelqu’un? N’abusons pas. Et puis, voilà quelques semaines que je suis censé être en couple officiellement avec Jazz, forcément je n’embrasse plus personne. Si on me trouve en train d’embrasser une autre que ma fausse petite-amie me voilà bien. Duncan me tuerait certainement, et je ne parle pas de Jazz’ qui passerait pour la pauvre fille trompée. J’ai un sourire en coin alors qu’elle redevient sérieuse d’un coup et je hoche la tête prêt à passer sous son regard intransigeant. Après tout, c’est pour ça qu’elle est là, non? « Très bien. Allons-y alors. Comment tu veux faire? Il faut que je lise peut-être, pour que tu te fasses une idée de mon pauvre niveau? » je sais ce qu’elle a écrit seulement parce qu’elle me l’a traduit avant de l’écrire, je suis vraiment une quiche en espagnol. En langue tout court d’ailleurs, heureusement que l’anglais est une langue universel, parce que si un jour on part à l’international je serais certainement dans la merde. Mais est-ce que ça arrivera un jour? Avec Oliver dans l’équation maintenant je remets ma carrière en question. Même si ça me rendrait malade de devoir tout abandonner alors que ça commence à fonctionner comme j’en rêvais, mon frère passe avant tout ça, lui et son avenir sont bien plus important que la musique.

@Lina Perez  

Notre cession de travail se transforme en taquinerie. Je me défends autant que je le peux. « Pas besoin de le dire, il faut lire entre les lignes. » je lève les yeux au ciel à ce moment-ci. Vraiment ? Il veut que je le morde ma parole ! « Tu parles de lignes ouais. » je rétorque donc en secouant doucement la tête. Ces chamailleries m’agacent, et j’entends presque mes amies dire des choses telles que : qui aime bien châtie bien et compagnie. Hors de question d’entendre ça. Relation, professionnelle. Strictement. On ne pense plus à rien.
Bien sûr, la conversation se poursuit tandis que j’essaie de ne pas me démonter. « Juste que quoi? » c’est pas possible d’être aussi agaçant ma parole. « Que rien du tout. » je conclus sur ce point rapidement. Hors de question de me retrouver gênée une fois de plus. J’ai déjà assez rougi pour la soirée.
Je prends ma revanche en évoquant le fait qu’il est plus le genre à se servir de ses lèvres pour bécoter que moi. Bim. « C’est ce que tu penses de moi? » le sérieux de son ton lorsqu’il m’interroge m’intimiderait presque. Comme si c’était réellement important, comme si je que je répondais là pouvait lui faire du mal. Je retiens ma respiration un instant. « J’imagine oui, que tu dois avoir encore plus la cote à présent que tu es connu. » je déclare en me demandant s’il a une copine, ou plusieurs, ou aucune. Et pourquoi est-ce que je me demande ça aussi ?
On se concentre un instant, et on parle de notre travail. La raison de notre présence ici en somme. « Très bien. Allons-y alors. Comment tu veux faire? Il faut que je lise peut-être, pour que tu te fasses une idée de mon pauvre niveau? » propose-t-il. Je hoche la tête, et m’installe juste à côté de lui. « Faisons comme ça, et on verra ce qu’il en est de ton niveau. » je propose, bien décidée à me concentrer. Il commence à chanter les différentes phrases. Je le regarde, concentrée et proche, pouvant presque ressentir les paroles. C’est fou ce talent qu’il a d’incarner ce qu’il chante, on pourrait croire que cela nous est destiné. La force d’un vrai chanteur n’est-ce pas ? Concentration Lina. Je hoche la tête, il a les mâchoires trop crispées pour la prononciation fluide et roulante de ma langue d’origine. Naturellement, je place mes mains sur ses mâchoires, de part et d’autre de son visage. « Tu es trop crispé là. Détends-toi, et répète après moi. » je lui demande avant de chanter les paroles à mon tour. Je n’ai rien de son talent vocal, ou d’interprétation. Mais ce n’est pas mon rôle, mon travail est de faire en sorte qu’il ait un bon espagnol. C’est déjà mieux, je sens mon propre visage se détendre, et souris doucement. « C’est déjà très bien. Mais il faut que tu fasses plus rouler les r. » je lui explique en répétant une nouvelle fois. C’est la partie la plus difficile, j’en suis consciente. Lorsque l’on a pas l’habitude des langues latines, ou même arabes, il est compliqué de bien rouler les r. Mais il est concentré et appliqué alors j’ai confiance en lui. « Essaie de m’imiter. » je propose, et j’ouvre la bouche lui montrant les mouvements de ma langue afin qu’il puisse être au plus près de ce qu’il faut faire. Lorsque je sens son regard sur mon visage, je ne peux m’empêcher de me rendre compte de la proximité qu’il y a entre nous. Heureusement, il sera sans doute trop concentré pour remarquer que je rougis de nouveau. J’observe sa langue afin de vérifier sa prononciation, mais je n’entends plus rien. Mon cœur bat dans mes oreilles et mes sens sont affolés. Soudainement, je me demande quel goût auraient ses lèvres, et si sa langue pourrait s’enrouler autour de la mienne plus aisément que pour prononcer des mots étrangers. Je soupire, ayant l’impression que même l’air s’épaissit autour de nous. Bon sang Lina. Où sont les résolutions ? Ou est la haine cordiale envers cet homme ? Pourquoi devais-je le détester déjà ? Je n’en sais plus rien du tout et je ne sais d’ailleurs plus rien du tout.

@Caleb Dawson

Lina a cette facilité à me concentrer sur autre chose que les pensées négatives et ce, à chaque fois que l’on se voit. Aujourd’hui encore plus évidement. Elle n’a pas l’air de savoir l’effet qu’elle a sur les gens, moi en particulier pour le coup. Mais ce soir je devais continuer à me mettre la tête à l’envers en me fustigeant et me voilà à la taquiner. Surpris d’aimer ça, je continue d’ailleurs. Ça fait un moment que je n’ai pas apprécié de passer du temps avec quelqu’un d’autre que ceux du groupe. Le changement de conversation me déroute, le pense-t-elle vraiment ? suis-je vraiment ce genre de gars qui passe son temps à bécoter qui veut ? non. Mais il est vrai que je peux utiliser ma notoriété pour trouver quelqu’un plus facilement. Et surtout, Duncan joue énormément avec l’image que ça peut donner grâce aux journalistes et aux réseaux. Si on l’écoute plus on est accessible et plus les fans peuvent s’attacher, puisque l’on n’y connaissait rien, on a suivi ses conseils. Chacun de nous à une image à suivre en public, qui se rapproche de notre caractère mais qui est souvent multiplié. C’est comme ça que je me suis retrouvé à être celui qui enchaine les conquêtes, je ne m’attache pas, je n’en ai pas envie, on pourrait me détourner de mon objectif et c’est hors de question. Mais Duncan a décidé d’en jouer au maximum, me faire photographier en sortant d’une soirée au bras de telle ou telle femme et ma réputation est arrivée comme ça. Comment Lina pourrait-elle me voir autrement ? voilà des années que l’on ne s’est pas croisés, elle ne sait pas qui je suis. Alors, pourquoi ça me vexe qu’elle puisse le penser ? c’était le but premier quand j’ai laissé faire Duncan avec ses idées débiles. Je hausse les épaules, oui à priori j’ai plus la côte comme elle le dit mais est-ce que j’en joue… ? bon. Peut-être un peu. Mais on a dit vexé. Et puis voilà quelques semaines que je sors officiellement avec Jazz donc évidement, je n’ai embrassé personne depuis, manquerait plus que l’on me surprenne et que l’on se retrouve avec des problèmes en plus. Comme si on n’en avait pas assez comme ça.

J’enchaine sur autre chose, autant ne pas abuser en cherchant d’autres réflexions vexantes à se prendre en pleine tronche, n’est-ce pas ? mon niveau. Ça fait si longtemps que je n’ai pas pratiqué, elle ne va pas être déçue. Je récupère les phrases qu’elle a modifié et les relis dans ma tête avant de les lâcher pour qu’elle écoute. Evidement, ça ne sonne pas aussi bien dans ma bouche, que dans mon esprit. Pourquoi suis-je meilleur en espagnol dans ma tête sérieux ? limite si je ne suis pas bilingue ainsi. J’ai un léger sursaut alors qu’elle pose ses mains sur mon visage sans que je ne m’y attende, je baisse les yeux sur elle en écoutant ce qu’elle m’explique. On voit le côté professeur qui ressort d’un coup, j’ai envie de lui faire la blague mais j’ai comme l’impression qu’elle pourrait me flinguer d’un regard alors je préfère l’écouter chanter avec un léger sourire. Je reprends ce qu’elle vient de me dire docilement et tenter de ne pas lui faire perdre son temps. Je roule des yeux alors qu’elle me parle de rouler les r. « C’est impossible. Je ne sais pas comment vous faites. » ça parait surhumain, un super pouvoir que de rouler les r. je ne comprends pas comment c’est possible. Je regarde ce qu’elle me montre et essaie de l’imiter tout en sachant que je ressemble à un idiot putain. C’est si joli quand elle le fait et ça a l’air si simple… bordel. Je sens son regard sur ma bouche alors qu’elle tente de m’observer et me corriger. Je relève les yeux sur les siens parce que je ne vais pas arriver à me concentrer sinon. Surtout quand j’aperçois ses joues rougir la seconde d’après. Putain. C’est pour m’achever ? comment suis-je censé lui montrer que je ne suis pas celui qui bécote tout le monde si elle agit comme ça ? je n’ai qu’à pencher la tête… seulement un tout petit peu et… je m’arrête juste avant de poser mes lèvres sur les siennes et bloque mon regard dans ses yeux bruns. En a-t-elle réellement envie ? je ne peux pas la forcer à m’embrasser ? à tout moment elle peut se rétracter et ce, pour n’importe quelle raison. A moins que j’aurais dû lui faire une plaisanterie sur ses joues à nouveau rouge ? elle m’aurait probablement tuer.

@Lina Perez  

La version de moi-même qui avait seize ans serait en PLS totale. A cette époque, je rêvais que Caleb puisse s’intéresser à moi, me demander un service, ou rien que me regarder plus que quelques secondes. Pitoyable. J’ai rangé cette Lina au placard il y a bien longtemps, et fort heureusement. Déjà que le bougre profite de mon esprit qui vagabonde sur des éléments plus ou moins bien placés, pour me faire rougir. Il faut que je me concentre. Et, s’il a gagné mon cœur pour la soirée avec la pizza, je dois me rappeler qu’on est ici pour réaliser un travail. Je suis une femme sérieuse dans mon travail. Alors je me concentre et je donne tout ce que j’ai afin qu’il puisse chanter avec un bon accent espagnol. Je serais fière de l’entendre chanter en énonçant correctement les paroles que nous avons travaillé ensemble.
Je me laisse aller à m’approcher, pose mes mains sur lui, concentrée et sérieuse. Je ne me rends pas réellement compte, avant de le faire, de la proximité que je mets en place. Ses joues sont chaudes, et je sens sa barbe qui repousse doucement mais qui n’altère pas le velouté de sa peau. Bon sang. Lina. Concentration. Con-cen-tra-tion ! J’insiste alors sur le fait de rouler les « r », car c’est souvent le point qui fâche avec les non hispanophones. « C’est impossible. Je ne sais pas comment vous faites. » je me retiens de sourire, je ne voudrais pas qu’il pense que je me moque. Ce n’est pas le cas. Il ignore sans doute, qu’on a tous la capacité à parler n’importe quelle langue en naissant. C’est vers l’âge de neuf mois que l’on commence à perdre certaines sonorités lorsqu’on ne les entend pas autour de nous. J’ai eu de la chance d’entendre l’espagnol aussi tôt, alors ça n’a jamais représenté un effort pour moi. « Tu t’améliores déjà, ne te décourage pas. » je le booste avant de me reconcentrer sur sa bouche et de finir aspirée par la contemplation de ses lèvres. Est-ce à cause de notre conversation de tout à l’heure ? De la version adolescente ? Du fait qu’il soit extrêmement attirant, et qu’il soit touchant et plus gentil que je n’aurais pu le présumer ? Je l’ignore. Je ne suis plus vraiment en état de réfléchir de toute façon. Tandis que mes joues me picotent, me trahissant une fois de plus, le regard de Caleb descend vers mes lèvres. Je sens mon rythme cardiaque s’accélérer et je me maudis d’être figée. Je n’arrive pas à décoller les mains de son visage, je devrais m’éloigner, mais ça me semble impossible. Pire encore, il se penche légèrement et je sens son souffle caresser mon cou. Je me retiens de fermer les yeux et laisse mes yeux se perdre dans les siens un instant. J’y lis l’attente, le fait qu’il ne franchira pas les centimètres restant de suite, pour me laisser le choix, pour me donner l’opportunité de reprendre mes esprits peut-être même. Mon ventre me fait mal d’anticipation, et j’entends ma respiration se saccader. Maudit soit-il aussi à me faire un effet pareil. Je n’arrive même plus à réfléchir, je ne pense qu’à une chose : franchir les centimètres restant. Je ne le verbalise pas, mais le pense : Et merde. Je suis celle qui cède, je franchis les derniers centimètres et pose ma bouche contre la sienne, qui me fait envie depuis bien plus longtemps qu’il ne le présume.
Je reste douce et aussi légère qu’un papillon, avant de m’écarter un peu, replongeant mon regard dans le sien. Je caresse ses joues de mes pouces pendant quelques instants, puis me laisse aller à l’embrasser de nouveau, plus longuement et intensément cette fois. J’oublie tout ce qui n’est pas Caleb, jusqu’à la raison de notre présence, et le fait que quelqu’un pourrait monter. Mes mains glissent de ses joues à l’une dans son cou et l’autre dans ses cheveux. Une part de mon cerveau sait que c’est une erreur, mais je n’en ai rien à faire. J’ignore si c’est de mon fait ou du sien, mais je me retrouve lovée contre son torse et j’aime beaucoup trop ça pour que ce soit raisonnable. Tant pis. N’est-ce pas le crédo des dernières minutes ?

@Caleb Dawson

Elle pose naturellement ses mains sur mon visage, comme si on avait toujours été proche, comme si… c’était leur place. En tout cas, c’est ce que je ressens. Et pourtant, je déteste que l’on me touche sans mon autorisation, je détesterais presque l’on respire le même air que moi aussi près. Mais elle? Elle est là et ça ne me gêne pas. Non. Au contraire, je veux partager encore plus l’air avec elle. Mes yeux tombent sur ses lèvres et me déconcentre totalement de l’exercice qu’elle me donne. Merde. Je dois dire quoi déjà? Qu’est-ce que je dois faire? Respirer bordel. Inspirer, expirer. Je la veux. Enfin. Je veux ses lèvres sur les miennes, je ne pense qu’à ça, même respirer mon cerveau à oublier comment faire tellement il pense à la douceur qu’elles doivent avoir. Je remarque ses joues prennent une teinte rosé de plus, moins que tout à l’heure mais je suis tellement près que je ne peux que le voir. Nos regards s’accrochent et je sais. Je comprends qu’elle aussi elle en a envie. Est-ce que ça lui prends dans les tripes aussi? Est-ce qu’elle pourrait mourir si elle ne m’embrasse pas là, tout de suite? Parce que c’est ce que j’ai l’impression qu’il va se passer. Comme si elle était la seule bouteille d’oxygène qu’il restait et que j’allais mourir dans les secondes qui arrivent. Je ne veux quand même pas la forcer, je veux qu’elle se sente en confiance. Je pourrais lui prendre ce baiser et écraser ma bouche contre la sienne, faire danser nos langues comme j’en ai envie. Mais je veux son consentement et si elle ne le dis pas, je veux qu’elle me le montre. Alors j’avance ma tête, qu’elle comprenne que de mon côté, je ne veux que ça. Nos souffles se mélangent, l’anticipation de ce baiser nourris mon âme et si mes pensées n’étaient pas toutes tournées sur elle, je pourrais possiblement écrire une chanson là dessus putain. Sur ce moment précis, sur ce qu’elle me fait ressentir. Sur son souffle qui réchauffe ma peau, ses mains qui brûlent mes joues, ses yeux noirs d’envie qui me dévorent. Bordel de merde. Qu’est-ce qu’elle me fait?
Je retire ce que je disais. Ce n’était rien comparé au moment où elle pose ses lèvres sur les miennes. J’ai mon cerveau qui explosent. Vous savez dans les cartoons lorsqu’il y a un baiser, il y a plein de chose qui explose autour? Eh ben là j’ai l’impression que c’est pareil, mais à l’intérieur de moi. J’ai l’impression qu’elle remet tout à sa place et qu’en même temps elle chamboule tout mon monde. Je vais me répéter mais… qu’est-ce qu’elle me fait putain de merde?!! Je ne devrais pas faire ça. Pourtant je ne peux pas m’arrêter. Son regard m’hypnotise et j’ai l’impression que mon corps ne se remet en marche que lorsque ses lèvres sont à nouveau sur les miennes. Ses mains s’enfouissent dans mes cheveux, caresse mon cou et j’en profite pour l’attirer contre moi. Je la déplace aisément, elle est légère et petite : un bon point, on le note. Une fois sur mes genoux, une de mes mains sur sa cuisse et l’autre dans le bas de son dos pour l’approcher toujours plus de moi. Je ne comprends pas, comme elle le disait tout à l’heure j’en ai embrassé du monde… mais jamais elles ne m’ont fait ressentir rien qu’un peu de ce que je peux ressentir maintenant. Ça me fait flipper et en même temps… est-ce que j’ai envie d’arrêter? Ma langue dansant avec la sienne est une réponse n’est-ce pas?
Je fronce les sourcils alors que j’ai l’impression d’entendre une musique. C’est mon esprit qui me fais comprendre que je ne dois pas faire ça? Il me dit stop d’une façon inédite. Mais ça brise bien le moment, car la sonnerie retentit à nouveau et j’observe Lina surpris en me reculant. Pour que l’on puisse reprendre notre respiration, apparemment on en aurait besoin pour respirer, pour vivre genre. Quand elle se coupe, je relève ma main pour qu’elle caresse sa joue mais mon téléphone résonne à nouveau avant que je n’ai pu la toucher. Je souffle, peu désireux de répondre, comme si c’était le moment de me déranger. J’observe le nom sur l’écran, je fronce les sourcils, légèrement gêné. Merde. « Oui? » « Bordel de merde Caleb. Je m’inquiétais tu ne pouvais pas répondre avant? Ça va?? Tu fais quoi??? » J’observe la brune, toujours sur mes genoux, qu’est-ce que je fais? Bonne question. « Je… je m’occupais d’un truc important. » « Pour la nouvelle chanson? Tu ne veux pas te reposer plutôt? Après… » « Je te rappelle plus tard, okay? Je suis occupé là. » « oh… d’accord. Euh, si tu veux parler, je suis là hein. » « Je sais… » « Attends mais… t’es pas chez toi vu que j’y suis… t’es occupé à quoi? Où? Avec qui? » Je roule des yeux alors que ma meilleure et fausse petite amie m’interroge. « Tu me trompes Caleb Dawson? » Qu’elle fini par demander avec un rire. Ça la fait rire, parce que ça ne sera jamais le cas, on est pas vraiment ensemble, et on ne le sera jamais. Mais j’observe Lina et je sais que je suis dans la merde, parce que si on nous avait surpris, c’est ce qui se serait dit. « A plus Jazz’. » je dis simplement avant de raccrocher. « Désolé… » l’ambiance n’est plus là évidement. J’aurais bien passé ma soirée à ça, mais maintenant que mon cerveau est un peu plus réveillé, je me demande si c’est une bonne idée… il y a tellement de choses en jeu… je suis tellement dans la merde putain.

@Lina Perez  

Et soudain, le monde s’arrête de tourner. Mes lèvres contre celles de Caleb, l’univers semble perdre toute son importance. D’ailleurs, pour moi, tout perd son importance. Le stress des factures, l’angoisse éventuelle de perdre ma mère, l’ignorance de ma sœur, tout, tout semble s’évaporer tandis que je cède et que je fais quelque chose uniquement pour moi pour une fois.
J’aime sans doute bien trop tous les détails de ce baiser. La sensation douce et souple de la peau des lèvres de Caleb, la chaleur de son corps irradiant contre le miens, je sens le rush d’hormones et mon corps répondant au sien, et tout est incroyablement bon. J’explore les parts de son corps qui me sont accessible, apprécie le velouté de sa peau, et sens mes doigts fourmiller car ils en veulent toujours plus. Je ne comprends même pas comment je me retrouve installée sur ses genoux, mais j’apprécie cette nouvelle proximité, sa main dans mon dos me donne la sensation qu’il me veut autant que je le veux. Nos bouches semblent faites pour être ensemble, et je me délecte de chaque instant.
Un bruit fini par rompre ma concentration. Un instant, je pense que l’audio de la chanson sur laquelle nous sommes censés travailler s’est relancé. Je suis prête à l’ignorer lorsque je me rends compte qu’il ne s’agit pas de ça. Caleb semble se rendre compte de la nuisance sonore également. Il rompt le baiser, et je sens mon cœur battre à tout rompre tandis que j’hyper-ventile. Mon regard plongé dans celui de Caleb, je vois que ce dernier est obscurci à cause du baiser que l’on vient de partager. Il lève sa main, et je suis prête à la rencontrer afin de profiter d’un moment de tendresse même si mon ventre se tords d’envie de l’embrasser de nouveau. Nous nous rendons compte qu’il s’agit de son téléphone, et il répond. Je reste muette, installée sur ses genoux dans une position plus que suggestive.
Nous sommes tellement collés que j’entends toute la conversation. Il se fait engueuler et je ne peux que comprendre. Avec la difficulté de la journée qu’il a eue si j’avais été une de ses proches, je me serais inquiétée si je n’avais pas eu de nouvelles. Je hausse les sourcils lorsqu’il déclare s’occuper d’un truc important. Tout de même, je veux bien que le baiser nous ai cassé le cerveau mais de base nous sommes là pour travailler. Pour son travail d’ailleurs. Est-ce un secret ? Le groupe et ses proches ignorent-ils qu’il travaille sur une nouvelle chanson ? L’interlocuteur répond à mes questions et je hoche la tête. Elle fini par poser une série de questions. Et c’est la dernière qui me glace. Le tromper. Merde. Tout le monde dit toujours que je ne suis pas assez ce qui se passe dans l’actualité people. Et j’ai choisi de tout ignorer à propos de Caleb, car je voulais vraiment pouvoir l’aider avec son cadet, et je ne voulais pas m’empoisonner l’esprit avec des potins. « Désolé… » lâche-t-il semblant bien moins enclin à quelconque activité plus ou moins sensuelle. Et tant mieux, car je suis dans le même cas. Je m’éloigne et me remet debout face à lui. Je suis immédiatement saisie par la fraicheur autour de nous et resserre les pans de mes vêtements. Il me donnait chaud. Je secoue doucement la tête, choquée. « Tu… tu es en couple. Avec la personne qui était au téléphone. » je déclare ne posant même pas la question. Je soupire et me mets les mains devant le visage. Mon dieu, qu’est-ce que j’ai fait ? « Je suis désolée. Je n’aurais pas du faire ça. Je… je ne savais pas. J’ai pas voulu me renseigner à ton sujet comme on se connait d’avant et… » je soupire et m’éloigne d’un autre pas. Je m’en veux, mais je ne regrette pas, j’en avais envie et j’ignorais tout. Mais à présent, je sais. Et je suis horrifiée par ce que j’ai fait sans le savoir. Je respecte les gens, les relations, et surtout les autres femmes. « Je comprendrais que tu ne veuilles plus qu’on travaille ensemble. Je pourrais te conseiller quelqu’un pour me remplacer. Je… » j’ajoute ne sachant même plus ou me mettre. Bon sang. Pour quelqu’un qui n’a jamais de flirt ou d’aventures, je me retrouve dans une galère sans nom lorsque j’embrasse quelqu’un.

@Caleb Dawson

Ses lèvres épousent parfaitement les miennes, elles réussissent à déconnecter mon cerveau. Lina n’a jamais eu besoin de ses lèvres pour faire ça, mais j’ai l’impression qu’elle fait fondre le peu de neurones qu’il me reste. Je ne suis concentré que sur elle, sur la chaleur de son corps contre le mien, la douceur de ses lèvres. Et j’oublie tout. Mon père, l’enterrement, cette journée si merdique, elle arriverait presque à me faire oublier mon petit frère. On me ramène sur terre avec la sonnerie de mon téléphone. Jasmine. Un selfie de nous grimaçant à l’objectif et son prénom s’affichent sur mon écran. Je devrais raccrocher, je devrais lui faire comprendre qu’elle me dérange mais je sais que ma meilleure amie ne me lâchera pas tant qu’elle n’aura pas entendu ma voix. Pas un jour comme aujourd’hui. Elle me pense au fond du trou, et si je n’avais pas Lina sur les genoux, j’y serais certainement. Mais elle n’aurait pas eu besoin de m’appeler, elle m’aurait trouvé à la maison, dans ma chambre à continuer de boire. C’était le plan de base. J’observe la brune toujours sur mes genoux alors que ma meilleure amie cherche à en savoir plus, comment lui expliquer ce qui vient de passer? comment leur expliquer ça à toutes les deux? je vois dans le regard de Lina qu’elle a entendu la question de Jazz, en même temps on ne peut pas être plus près, j’aurais dû mettre le haut-parleur ça aurait donné le même résultat. Elle s’en veut d’un seul coup et comment lui en vouloir? Elle vient d’entendre que j’ai quelqu’un dans ma vie alors que l’on était en train de s’embrasser. C’est d’ailleurs la première chose qu’elle souligne alors que je raccroche, tout en se décalant de moi bien sûr. Laissant mes genoux vide et froid, comme si son corps manquait déjà au mien, merde. Je ne peux pas lui dire non, mais je ne peux pas acquiescer non plus. Je déteste mentir à mon entourage, pourtant c’est faux. Je ne sors pas réellement avec Jazz, elle est ma meilleure amie et celle qui m’écoute me plaindre toute sa vie. Mais je n’aurais jamais de sentiments amoureux pour cette femme. Je penche la tête, je peux bien embrasser qui je veux, elle sera contente pour moi et super curieuse je le sais déjà. Sauf que ça pourrait mettre tout en péril pour le moment et Duncan me truciderait certainement. Je ne peux pas faire ça au groupe, c’est trop important pour que je puisse tout perdre. Même pour des baisers qui me font perdre l’esprit en quelques secondes. Je l’observe alors qu’elle est vraiment gênée par tout ça et ça me fait mal au bide de la voir ainsi, alors qu’elle n’a rien fait, rien de mal en tout cas. Pas comme elle l’imagine. Le reste de sa phrase réchauffe mon cœur d’espoir et d’un autre sentiment que je suis incapable de définir… elle ne s’est pas renseigné sur moi? Sur nous… ça me touche plus que n’importe quoi. Duncan a eu raison de lui faire confiance en l’engagement, même si je ne suis pas sûr que c’est ce qu’il recherchait à la base. Je me rapproche d’elle, pose ma main sur la sienne et la décale pour voir son visage. « Rien n’est ta faute Lina ne t’en veux pas comme ça. » il ne faut pas qu’elle culpabilise, parce que dès que je vais le raconter à Jazz’ elle ne lui en voudra aucunement. Pas pour ça en tout cas. Elle sera bien trop occupée à m’en vouloir à moi et peut-être à me prendre la tête pour la rencontrer. « Je suis le fautif et je ne regrette pas, donc ne le fait. » je vais passer pour un connard, j’en doute pas mais c’est la vérité. Si elle ne se renseigne pas sur nous, peut-être que je pourrais tout lui raconter? Mon cœur s’accélère alors que je m’imagine le faire, parce que je lui fais totalement confiance. Au pire quoi? Elle balance tout à la presse et ce serait la cata c’est sur. Le groupe serait dans la merde mais je suis presque certain que Duncan arriverait à nous relever d’une crise de ce style. Toute pub est bonne à prendre non? Mais au mieux, elle comprend et elle accepte… et puis quoi? Je ne peux rien lui offrir de sérieux, si ce n’est l’embrasser de temps en temps et cacher de tout. Mon pouce caresse sa joue avec un petit sourire en coin avant que je rompt le contact entre nous. Elle ne mérite clairement pas ça, je préfère garder le silence sur toute cette histoire finalement. « Lina. Respire. Tout va bien. Je ne veux pas travailler avec quelqu’un d’autre que toi, sauf si ça te gêne. On fait une bonne équipe et je pense qu’on peut sortir quelque chose d’incroyable ensemble. Mais si toi t’es mal à l’aise avec ça, alors Duncan s’occupera de tout, ne t'en fais pas. » je retourne m’asseoir et récupère l’ordinateur, je tapote la place à mes côtés pour qu'elle s'y installe si elle veut continuer à ce que l'on bosse ensemble. C’est à elle de choisir, comme toujours ce sera sa décision car je ne ferais jamais rien sans son consentement.

@Lina Perez