La Lina adolescente aurait exulté. Sans aucun calcul, vivement et aisément, je me retrouve à l’embrasser. Pire que ça, je me retrouve sur ses genoux, installée dans une position plus que suggestive à dévorer ses lèvres qui m’ont à l’époque tant fait envie. Je me perds dans ce baiser, son corps contre le mien, ses lèvres soudées aux miennes. Plus rien ne compte, ni la folie du geste, ni mon inquiétude à son égard, simplement l’instant et l’alchimie qu’il y a entre nous.
J’ignore jusqu’où j’aurais pu laisser les choses dégénérer si cette fichue sonnerie de téléphone n’avait pas retenti. Il nous faut un moment avant de réaliser de quoi il s’agit. Mais cela coupe ce moment, et je laisse Caleb répondre, toujours installée sur lui. La gêne me gagne, la honte me paralyse presque et je m’éloigne sans même trop y penser. Qu’ai-je fait ? Qui suis-je devenue ? J’aurais dû le savoir. L’idée de ne pas faire de recherche à son sujet était sans doute idiote. Mais je ne le voulais pas. Parce que je ne voulais pas m’intéresser à lui. Je serre les poings, me fustigeant déjà. « Rien n’est ta faute Lina ne t’en veux pas comme ça. Je suis le fautif et je ne regrette pas, donc ne le fait. » je secoue la tête. Il n’est pas sérieux, il ne peut pas être sérieux ? Comment ça il ne regrette pas ? C’est impossible. Il est complètement fou. La douleur, le deuil, ça a dû le rendre fou, je ne vois pas d’autre explication.
Je reste muette, de stupeur et de dégoût envers moi-même. Comment j’ai pu en arriver là ? Parce que lorsqu’il déclare ne pas regretter, il y a une part de moi qui se réchauffe. Et ça ne devrait pas arriver. Il y a une pauvre femme au bout du téléphone qui ne mérite pas ça. Comment puis-je être aussi immorale à ressentir ça ? « Lina. Respire. Tout va bien. Je ne veux pas travailler avec quelqu’un d’autre que toi, sauf si ça te gêne. On fait une bonne équipe et je pense qu’on peut sortir quelque chose d’incroyable ensemble. Mais si toi t’es mal à l’aise avec ça, alors Duncan s’occupera de tout, ne t'en fais pas. » c’est lorsqu’il m’intime de respirer que je me rends compte que j’étais en apnée. Je prends une grande inspiration, et me concentre pour maitriser mes émotions. Je repousse un sanglot et l’idée de m’effondrer face à lui alors qu’il reste aussi composé. Hors de question d’être une femme fragile et qui vacille au premier évènement. Une autre émotion monte alors, et je sens une chaleur furieuse irradier. Je m’approche vivement, réduit la distance qui nous sépare et m’empare d’un coussin qui trône à ses côtés. Hors de question de m’installer sagement. Je le frappe avec le coussin sans ménagement. « Comment… peux-tu… me demander… de travailler… après ça ? » j’éructe avant de finalement me laisser tomber à côté de lui, le coussin toujours dans les mains. Les sourcils froncés, je le toise, en colère. Contre lui, contre moi. Contre le monde entier de me faire subir ça. « Pourquoi t’as fait ça ? Et cette pauvre femme, tu y penses quand tu dis que tu ne regrettes pas ? J’ai envie de te tuer ! » j’ajoute lui redonnant un coup de coussin. Je ne suis pas une briseuse de ménage, et il me fait devenir un genre de maitresse. Dieu merci, le téléphone à sonner. Dieu merci j’ai gardé tous mes vêtements et rien d’autre n’a eu le temps de se passer. « Comment tu peux penser que je vais de nouveau te donner des cours de langue alors qu’il y a un instant la tienne était dans ma bouche ? C’est fou d’être comme ça. » je râle encore, me rendant compte que ma rancœur passée resurgit sans que je ne puisse le contrôler.

@Caleb Dawson