Les larmes lui montaient, comme tous les matins quand elle se réveillait pour se rendre compte que ce cauchemar recommençait, encore et encore. Elle était forte Hannah, elle se sentait plus forte cette fois-ci que la première fois, mais elle n’arrivait pourtant pas à croire qu’elle allait encore devoir passer par tout ça, les rendez-vous à l’hôpital, l’inquiétude de ses parents, les seringues dans les bras, les produits injectés dans son corps, la souffrance, les cheveux qui tomberaient inévitablement. Elle avait pourtant tout fait comme il fallait, elle avait pris ses médicaments, elle avait essayé de ménager son corps, mais comme lui avait dit l’oncologue, elle n’y était pour rien. A la loterie de la vie, elle n’avait simplement pas beaucoup de chance jusque maintenant. Elle faisait de son mieux pour garder la face, surtout que sa maman était maintenant en rémission depuis quelques semaines, elle retrouvait le sourire, le gout de manger, alors qu’Hannah perdait à nouveau toutes ces choses.
Manger, c’était devenu un calvaire, et quand elle allait manger chez ses parents, deux à trois fois par jour, elle devait faire bonne figure mais elle était malade après chacun de ces repas. La blonde gardait la face devant eux, elle ne leur avait pas encore annoncé la nouvelle, mais elle n’aurait bientôt plus d’autre choix que de le faire. Aujourd’hui, elle commençait son premier set de chimiothérapie, elle ne savait pas encore de combien de séances elle aurait besoin mais elle espérait que les rayons ne brûleraient pas la moindre once d’espoir qu’elle avait en elle cette fois. Elle était tellement jeune, pourquoi devait-elle encore passer par cette épreuve ?

Hannah avait pris la route de bon matin pour se rendre à l’hôpital. Elle n’avait pratiquement pas dormi de la nuit, inquiète de la suite des événements. Elle n’avait pris qu’un verre d’eau ce matin mais s’était préparée un petit sac avec quelques petites choses à boire et à manger pour la matinée. Elle avait qu’elle ne pourrait pas boire ni manger pendant les rayons, mais qu’elle aurait certainement faim à un moment de la matinée. Elle avait réussi à avoir une semaine de congé pour se remettre de la première séance de chimio, qui était souvent la plus difficile à supporter. Difficile de dire ce qu’il y avait comme produits dans ces saloperies qu’on lui injectait pour qu’elle se sente aussi mal après. La belle avait également mis un casque audio avec de la musique qui viendrait directement de son téléphone, et quelques bouquins et magazines. Elle préférait avoir un large choix d’activités pour éviter de s’ennuyer, parce que ça durait toujours un long moment. Une fois son sac sur l’épaule, elle partit en direction de l’hôpital pour rejoindre son médecin. Il l’attendait en oncologie avec une infirmière qui allait s’occuper d’elle pendant le processus. Hannah s’installa sur une chaise assez confortable et s’étonna d’être pour le moment toute seule, même si elle fut rapidement rejointe par une autre patiente. Alors que le produit commençait à s’écouler, un homme passa la tête par la porte, attirant l’attention de Hannah.

Bonjour ?

Elle était surprise de voir quelqu’un qui sembler chercher un endroit. Généralement quand on venait ici, on savait pertinemment où on était et ce qu’on venait y faire.

@Alexei Prizrak

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Hannah + Alexei

...

En stage depuis plusieurs mois, Alexei avait pourtant toujours besoin d’un peu de temps pour lui… FAUX. Il avait besoin du temps pour les enfants, dont un qu’il venait de jeter en l’air en vérifiant que l’infirmière de référence n’était pas dans les parages. Alexei était connu pour être une personne joviale et altruiste, toujours avec le sourire. Il était rare qu’il perde son sourire, ou se met en colère. De sa propre mémoire, Alexei ne s’était jamais senti en colère. La vraie colère. Celle qu’il observe parfois chez les autres. Lui, la colère n’était pas un trait de caractère qui le caractériser. Jetant un nouvel enfant dans les airs, il vérifia l’heure. Il avait encore plus d’une heure de pause. Il avait travaillé pratiquement toute la nuit, et était revenu tôt ce matin pour reprendre le travail.

Il n’était pas un professionnel des cancers, loin de là. Il était même l’inverse. Lui, il trouvait les cancers intéressants une fois la personne morte. Intéressant n’était pas le bon mot, mais son esprit refusait de trouver une traduction plus correcte au mot en allemand qu’il avait. Après tout, c’était ses pensées. Personne ne pourrait le blâmer de penser, tout simplement. Il laissa la jeune enfant sur le sol avant qu’elle ne lui demande s’il savait où était Mike. Alexei n’en avait aucune idée. L’autre enfant avait un cancer dans le bras qui avait été enlevé. Il pensait qu’il était toujours au bloc pour se le faire enlever mais ne voulait rien dire qu’il ne veuille pas. Il le chercha rapidement dans plusieurs pièces avant de tomber sur deux femmes en plein chimio. Il leur fit un large sourire.

- Bonjour, répondit-il en rentrant carrément à l’intérieur de la pièce.

Sa tenue ne pouvait être plus révélatrice. Il avait la tenue de tous les internes. Alexei, à cause de son désir d’être médecin légiste, était le plus souvent oublié pour les opérations et les choses « incroyables » qui nécessitent des êtres vivants. Il était souvent relégué à l’aide pour des infirmières et de support pour les médecins dans le service, ou même ailleurs. Il était un peu envoyé partout, ce qui ne le dérange pas. Plus il touche à tout avec les vivants, plus il pourra comprendre les morts. Il vérifie le visage des deux femmes et s’approche de la fausse blonde avant de lui tendre la main.

- Je suis Alexei, un des internes de ce service, n’hésitez pas à m’appeler si je peux faire quoi que ce soit. Je suis le petit chouchou de tout le monde.
- C’est faux, fit une infirmière alors qu’elle rentra pour vérifier que tout était en place, tu ne devais pas être en pause ?

Alexei attrapa une chaise roulante pour les médecins et la poussa sous ses fesses, à sa place avant de sourire. Il venait d'avoir une bonne idée, selon lui.

- Je suis en pause, et je profite de la compagnie d’une nouvelle amie !

L’infirmière leva les yeux au ciel et précisa à Hannah qu’elle pouvait le virer si elle ne voulait pas être dérangée par ce petit singe. Alexei ne prit pas ombrage du surnom et sourit encore vers la blonde une fois « seule ». Il semblerait que la seconde femme soit assoupi, ou en tout cas, ne désirant pas avoir à faire avec lui. Bon. Une victime à la fois c’est plus agréable de toute façon.

(c) princessecapricieuse

Déjà lorsqu’elle avait subi sa première série de chimiothérapie, s’il y avait une chose dont elle était certaine, c’est qu’Hannah avait besoin de calme et de tranquillité lorsqu’elle subissait ces traitements hautement ennuyeux et désagréables. Elle n’aimait pas qu’on vienne la déranger, elle avait besoin d’être dans son monde, dans sa bulle, profiter de ses livres, magazines et autres musiques. Elle savait que certains patients avaient toute une série d’amis et de membres de leur famille autour d’eux, ils jouaient à des jeux, ils parlaient pendant une ou deux heures, parfois plus, ils rigolaient bruyamment, tellement que parfois les infirmières devaient intervenir, pour le bien des autres patients.
Pour Hannah, le calme était la seule façon de supporter ce qui lui arrivait, mais alors qu’elle s’apprêtait à se plonger dans son monde en mettant ses écouteurs dans ses oreilles, elle aperçut une tête qu’elle ne connaissait pas du tout, et qui la saluait. L’autre patiente qui était avec elle dans la pièce sembla tout de suite éviter de le regarder, signe qu’elle le connaissait déjà probablement. Et vu son accoutrement, pas sûr qu’Hannah apprécie beaucoup sa compagnie, mais c’était trop tard. Il semblait avoir jeté son dévolu sur elle. Il se présenta à elle comme un interne du service, et alors que l’infirmière lui répondait, Hannah tourna la tête vers elle et demanda :

C’est faux qu’il est interne ou c’est faux que c’est le chouchou du service ?

Sans doute les deux d’après elle, mais Hannah devait essayer de rester calme. Il n’allait pas l’ennuyer longtemps probablement, il devait bien comprendre qu’elle était en traitement et qu’elle n’avait pas envie d’être dérangée. Mais il avait déjà tiré une chaise roulante, et il n’avait pas l’air d’avoir envie de bouger. L’infirmière précisa tout de suite à Hannah que si elle ne voulait pas de la compagnie du « petit singe », il lui suffisait de le faire savoir. Bon, apparemment il n’avait pas une réputation de folie dans le service, et si Hannah avait réellement envie d’être tranquille, elle pouvait lui faire la conversation. Peut-être que ça allait lui faire passer le temps plus vite et surtout, peut-être que ça calmerait le coco qui partirait une fois qu’elle lui aurait fait la conversation un petit peu. Bon, elle ne le connaissait pas du tout et peut-être que ce n’était pas le genre de cet homme.

Alors, vous êtes qui et pourquoi êtes-vous venu vous perdre dans le service le plus déprimant de tout l’hôpital ?

Il fallait bien reconnaitre que l’oncologie, c’était franchement pas ce qu’il y avait de plus amusant. Et puis aussi, souvent on retrouvait les clowns dans le service de pédiatrie, ou d’oncologie pédiatrique mais certainement pas chez les adultes. Il y avait tellement d’enfants malades, ce n’était pas ici qu’il fallait venir mais plutôt chez les petits.
 

@Alexei Prizrak

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Hannah + Alexei

...

Il était un peu comme un poussin. Un petit poussin qui suit les cannes, qu’importe la canne, juste pour le plaisir d’être là, et de dandiner des fesses. Le fait de parler à tout le monde, de leur sourire, c’était un peu la même chose. Il y avait là une canne esseulée qui avait perdu tous ses petits … et il pouvait très bien faire office de poussin… Et cela, même si ce n’était pas la même race animale, il le sait. Il se voyait simplement plus comme un poussin que comme un caneton. On visualisait mieux. Un poussin, ou un caneton, après tout, quelles différences ? Il observe l’inconnue et sourit de toutes ses dents.

- C’est vrai, pour les deux. Je suis internet dans cette partie de l’hôpital, mais je suis en pause, et je m’ennuie. Et je suis le petit préféré.

Ouais … Il était le genre très peu concentré le petit Alexei. Et pourtant, ce n’était pas faute de touuuuut faire pour rester concentrer. Mais non. Son esprit glisse ailleurs et va voir ailleurs, justement, s’il y est. Compliqué. Mais il arrivait à rester concentrer assez pour se défendre et faire profiter de cette énergie étrange qu’il possède en lui.

- Je travaille ici en tant qu’interne pour finir mes études. Tout en travaillant à côté et en étudiant justement, ce qui me donne des journées très longues parfois, mais ça va, je gère. Et je profite de mes pauses pour parler avec les gens autour de moi.

Il prend le temps de se rapprocher encore avant de sourire à nouveau, d’une manière simple et directe. Il n’y avait pas de pitié, de jugement ou même de compensation dans ses yeux. Juste, une détermination sans faille et un sourire adorable et rassurant. Parce qu’il était comme ça, Alexei. Il ne comptait pas blesser les autres à leur montrer de la pitié, ça, jamais.

- J’ai déjà travaillé ici, il y a plusieurs années pour un premier stage, et je suis revenue parce que les médecins sont compétents, à l’écoute et m’apprenne plus que la plupart ailleurs. Et vous, vous faites quoi dans la vie ?

Parce que lui demander ce qu’elle fait ici serait stupide. Il le voit bien, et grâce à ses connaissances, et le fait qu’il sache lire, il pouvait voir ce qu’on était en train de lui faire, comment, pourquoi et la gravité de tout ça. Il ne voulait pas lui mettre en lumière son cancer, mais lui faire parler d’autre chose qui lui fasse oublier. Parce que c’était mieux dans ce genre de moment.

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Perdue, elle se sentait perdue Hannah, elle se demandait sans arrêt pourquoi elle devait encore traverser ça. Est-ce que c’était sa punition pour avoir abandonné sa fille ? Est-ce que c’était une forme de karma qui la punissait de toutes les mauvaises décisions qu’elle avait pu prendre ? Peut-être, mais le fait était qu’elle se trouvait à nouveau coincée à l’hôpital, à nouveau seule dans une grande pièce aux murs blancs dans laquelle elle recevait des produits dégueulasses directement injectés dans ses veines.
La différence était que cette fois, elle semblait recevoir la visite d’un garçon qu’elle ne connaissait pas. Il fallait dire qu’elle n’avait pas suivi son traitement pour son premier cancer à Tree Hill. Elle avait quitté la ville, était partie à Los Angeles. Apparemment, il était interne dans le service et il était en pause. Que venait-il faire là lors de sa pause alors qu’il pourrait sortir d’ici et aller prendre l’air ? Ca serait tellement plus agréable. Hannah savait qu’elle en profiterait, c’était certain, et qu’elle avait hâte de sortir d’ici.

Je vois le genre ouais. Drôle d’idée de rester enfermé ici quand on est en pause.

Comme elle voyait qu’il faisait l’effort de venir ici pour apprendre à connaitre les gens, et que l’autre patiente qui subissait ce traitement en même temps qu’elle n’avait pas l’air d’avoir envie de faire la papote avec lui, Hannah se décida à lui poser des questions. Après tout, faire la conversation, ça l’aiderait peut-être à faire passer le temps plus vite non ? Et si ce n’était pas le cas, ça lui donnerait au moins l’occasion de faire des connaissances à Tree Hill. Elle avait parfois la sensation que même si elle était revenue depuis deux ans maintenant, elle n’avait pas réellement beaucoup d’amis.

Et bien, ça fait des sacrées journées ouais ! Et c’est quand même vachement courageux de continuer en plus à faire connaissance avec les patients.

La jeune femme s’était installée bien tranquillement dans son fauteuil en cuir, elle avait étendu quelque peu ses jambes, avant de s’intéresser finalement à la présence de ce garçon dans le service. Apparemment, il avait déjà eu l’occasion d’effectuer un stage ici et il avait trouvé les médecins très compétents, il avait beaucoup appris avec eux alors il avait choisi de revenir ici. On pouvait dire que ça avait de quoi rassurer la blonde, au moins elle savait qu’elle était dans un endroit où les gens étaient compétents.

C’est bon à savoir, au moins les médecins sont compétents.

Elle éclata d’un léger rire avant de se reprendre pour répondre à sa question :

Je suis assistante sociale, je travaille dans un centre qui aide des jeunes orphelins à trouver une nouvelle famille et à se construire une nouvelle vie.

Un métier qui la passionnait littéralement, elle adorait voir le sourire sur le visage de ces gamins qui partaient avec une nouvelle famille.

 

@Alexei Prizrak

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Hannah + Alexei

...

Alexei fit un sourire en penchant la tête. Ouais, tout le monde lui disait ça. « Mais pourquoi tu ne sors pas ? », « va voir ailleurs, y a un joli parc pas loin », ou encore « Alexei, dégage ». Le dernier étant souvent son binôme et colocataire qui l’envoie baladé comme ça. Paul était un vilain jojo. Bref, on lui disait souvent … mais, pour lui, il n’y avait rien de plus logique que de rester. Parce qu’il n’avait pas besoin de s’assoir sur un parc. Il déprimerait en trois secondes à n’avoir personne à qui parler, rien à penser, rien à faire, à ne pas pouvoir bouger. Au moins, dans l’hopital, tout le monde avait fini par le connaître. On savait que monsieur Prizrak avait besoin de son moment de folie. En faite, Alexei était comme un chat. Quart d’heures de folie, roupille au soleil quand il est fatigué, mais faut attendre. Un chat russe. Ouais ça fonctionne bien. Il était un chat russe. Bref.

- Quand je travaille, je n’ai pas le temps de m’intéresser à la personne en face de moi. Je m’intéresse à sa maladie. Et je la défini par cela. C’est ce que l’on me demande en tant qu’interne. Mais j’aime pouvoir connaître la personne en face de moi. Comme les petits en pédiatrie. Parce que vous n’êtes pas que votre maladie, et parfois les médecins oublient ce détail.

On présente la patiente âgé de, arrivé pour, avec ça ça et ça. Mais on ne dit que rarement son travail, sa famille, ce qu’elle aime, sa couleur favorite. Des informations qui sont oubliés. Alors Alexei prends le temps de les demander, de comprendre la personne. Elles sont en vie, il peut se le permettre.

- Faire connaissance avec les gens, c’est ce que je préfère dans ma journée.

On oublie la maladie, on ne pense plus qu’à l’autre. C’est mieux. Beaucoup mieux. Plus pur en soi. Alexei la regarde et doucement un sourire nostalgique apparaît sur son visage.

- Je vois, fit-il. C’est grâce à une personne comme toi que je suis ce que je suis. Pas orphelin, mais ici et médecin. Elles ont été trois à me booster à changer de pays et à faire des études. Dont une qui a clairement dit qu’elle le prendrait comme un affront personnel sur son nom si je ne changeais pas de pays.

La dernière phrase avait une pointe d’accent en plus. Alexei se souvenait exactement comment la jeune femme lui avait dit quand il avait dit ne pas vouloir partir en Amérique tout seul, encore moins pour rester en foyer. Il était trop vieux et trop riche pour être adopté. Donc. Même si sa richesse, il la laisse en Russie pour faire tourner la boutique de ses parents avec leur amie de toujours. Il sourit.

(c) princessecapricieuse

La salle dans laquelle elle recevait son traitement, c’était toujours un endroit très froid, très lugubre, dans lequel personne n’osait s’arrêter et personne n’osait parler. Chacun était dans son coin, parfois avec un livre, parfois avec un magazine de filles, parfois avec un casque et de la musique qui résonnait. Ce n’étai pas un endroit amusant parce que les choses qui se passaient dans cette salle d’avaient rien d’amusant. Et pourtant, Hannah ne s’était pas du tout attendue à avoir de la visite aujourd’hui, et si au début elle avait été troublée, voire perturbée par cette visite inconnue, finalement elle trouvait ça plutôt adorable d’avoir quelqu’un qui était là pour la faire rire, pour lui faire comprendre qu’elle ne devait pas être définie par sa maladie. Parce que c’était l’impression qu’elle avait depuis le début, depuis que la maladie s’était déclarée la première fois la belle. Elle n’était plus qu’une maladie géante dont tout le monde se fichait. On ne lui demandait plus comment elle allait, on lui demandait comment allait son cancer. Mais Alexei, lui, il s’intéressait vraiment à elle, il voulait faire sa connaissance, apprendre à la connaitre, et elle trouvait ça terriblement rafraichissant.

Lorsqu’il lui parla de lui, de son boulot d’interne, du fait que les titulaires voulaient surtout en apprendre plus sur les maladies en face d’eux et qu’ils se fichaient pas mal des patients, de leur histoire, de qui ils étaient, la blonde sourit légèrement. Elle pouvait comprendre les deux côtés, elle voyait pourquoi c’était comme ça, les médecins n’avaient pas le temps. Mais parfois, c’était cool de redevenir une personne et pas un patient.

Je ne peux qu’être d’accord avec ça. Mais d’un autre côté, je comprends les médecins, ils voient tellement de patients, tellement de malheurs. Ils ne peuvent pas prendre le temps de s’attarder sur chaque petit cas, sur chaque personne. Ils doivent mettre une barrière pour avancer.

Hannah faisait elle aussi un métier particulièrement social, mais elle n’avait pas d’autre choix que de lier un lien particulier avec chacun des enfants don elle s’occupait, tout simplement parce que c’était des gamins qui avaient perdu tout lien et qui en avait besoin pour grandir. Parfois, ils ne faisaient qu’un bref passage chez eux et parfois, ils restaient là plusieurs années. La blonde adorait son emploi, elle était amoureuse de son métier, elle rêvait d’aider le plus d’enfants possible et c’est pour ça que ce cancer lui bouffait littéralement la vie. Parce qu’elle devenait parfois trop faible que pour être efficace avec les enfants.

J’adore faire connaissance avec les gens. Bon je suis pas sûre d’être de super compagnie pour le moment mais j’essaierai de faire de mon mieux.

La jeune femme sourit légèrement avant de reprendre la parole quand il lui eut expliqué que c’était grâce à trois femmes qu’il avait décidé de changer de vie, et de pays aussi d’ailleurs. Hannah se montrait sans doute un peu curieuse, mais elle ‘n’avait jamais été très douée avec les accents et elle avait du mal à identifier celui de son compagnon du jour.

Et tu viens d’où si je peux savoir ? Ca n’a pas dû être facile quand même de débarquer ici du jour au lendemain ?

Cependant, il n’était pas rare dans son métier que Hannah rencontre des enfants qui venaient de l’étranger, parfois d’Europe, après que leurs parents aient disparu dans de tragiques accidents.

@Alexei Prizrak

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Hannah + Alexei

...

- Oh, je les comprends aussi. Mais moi je peux me le permettre, répondit-il avec un sourire franc à nouveau. Alors je préfère connaître la personne.

Il voulait être médecin légiste et s’occupait des morts. Il voulait être médecin légiste et apprendre à connaître une personne à partir de sa maladie, de la fin. Comme si on lisait une histoire en commençant par le dernier chapitre. C’était ce qu’il voulait, pour aider, pour retracer des vies perdues et des histoires que la personne ne pouvait plus dire. Mais, les patients qu’il devait voir pour avoir son diplôme n’était pas mort. Ils étaient bien vivants… et Alexei avait besoin de les voir vivant. Il faisait son travail de nettoyeur de scène de crime, parce qu’il le pouvait. Il voulait devenir médecin légiste, parce qu’il le pouvait. C’était en étant avec les humains vivants qu’il se souvenait de pourquoi il pouvait tout ça. Il n’avait aucune envie de laisser une autre personne faire son travail, et souffrir de l’impact émotionnel que ça fait sur elle. Alexei sourit, et cette fois ci, plus de manière rassurante que franc. Il avait tout le panel dans ses sourires.

- Ne t’en fais pas. Tu es de bonne compagnie tant que tu voudras bien de moi. Et je deviendrais la mauvaise compagnie quand ça ne sera plus le cas.

Parce que, bien qu’intrusif, social, et clairement bavard ou parfois comère, Alexei n’était pas le genre à obliger une personne à parler. Lui, il était là. Il pouvait parler et écouter. Et parfois, certaines personnes avaient besoin de que l’entendre parler pendant des heures sur une chose ou une autre. Il pouvait parler de tout, souvent, longtemps, tant que la personne sourit et que son cœur s’allège. La question sur son origine se posa et il sourit un peu plus.

- Je viens de Russie. En faite, je suis né avec la double nationalité. Alors quand j’ai perdu mes parents, la femme qui m’accompagnait dans le foyer russe, et une amie de mes parents, ont fait en sorte que je puisse venir avoir des aides aux Etats-Unis. La loi sur les orphelins n’est pas la même là-bas, alors avec ma double nationalité, j’ai pu protéger mon héritage de mes parents. Et comme ils adoraient l’Amérique je savais déjà parlé la langue.

Même si, de temps en temps, il avait un peu de mal. La russie et l’Amérique du nord avaient la même particularité. C’était un trèèès grand territoire, avec des Etats, avec des règles différentes, avec des coutumes, des habitudes différentes … et surtout avec des accents différents. Alexei avait appris la langue avec ses parents dans un manuel, et avec certaines séries télévisés… mais certains accents n’étaient jamais mis à la télévision. Parfois, il ne comprenait plus… mais il se complaint en se disant que parfois, les américains ne devaient pas plus le comprendre avec son accent russe.

- Si un jour vous avez un enfant russe et besoin d’un traducteur, je suis là. Gratuitement s’entends, je veux dire, si ton groupe n’a personne, tu peux le dire que je suis leur homme pour donner un coup de main. Je n’ai pas réellement souvent l’occasion d’exercer mon russe dans ce pays.

Le russe fait peur. Plus que la plupart des gens… dans un autre cas de figure. Dans l’esprit de l’Américain moyen, des amalgames plus gros que leur pays était ancré. Pour beaucoup, Alexei ne faisait pas de généralité mais il visualisait bien un groupe de son école qui était clairement comme ça. Pour eux, Arabe = musulmans (ce qui était déjà faux pour Alexei mais il avait arrêté de lutter pour expliquer aux petits esprits) = terroristes. Ils ont tort, donc. Noirs = Esclaves. Et là aussi, ils avaient tort. Et Russe = trafiquant d’arme. Pas la peine de définir que, là aussi, c’était non. Ainsi, le parler russe, l’apparence d’un russe, ou l’accent, pouvaient pousser parfois à avoir peur de lui, quand il n’était qu’un chamallow tout mou. Il évitait de parler russe tout seul, même s’il pensait plus souvent dans sa langue maternelle qu’en anglais, pour ne pas mettre mal à l’aise.

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Les médecins avaient un boulot ingrat, Hannah le savait mieux que personne. Elle avait passé suffisamment de temps dans les hôpitaux pour savoir que c’était parfois contre leur plein gré qu’ils agissaient de la sorte. Mais c’était bien qu’il y ait encore de jeunes internes, de jeunes médecins, suffisamment impliqués et motivés que pour avoir réellement envie de connaitre leurs patients, nouveaux ou moins nouveaux. Pour le coup, c’était la première fois qu’Hannah voyait Alexei, et elle n’était pas mécontente de l’avoir rencontré. Elle qui pensait passer une ou deux heures très solitaires, seulement accompagnée de son casque et de la musique qui en sortirait, il fallait croire qu’elle allait avoir une compagnie un peu plus agréable, et plus bavarde surtout.

Je trouve ça tellement gentil de ta part, d’accompagner les gens qui l’acceptent et qui en ressentent le besoin.

Hannah sourit légèrement. Elle savait, aussi par expérience malheureusement, qu’il y avait deux types de personnes dans les salles de chimiothérapie : celles qui avaient besoin de rester dans leur bulle, isolées du monde extérieur, perdues dans leurs pensées, et celles qui avaient besoin de compagnie, de magazines, de musique et de parler avec n’importe qui du moment qu’elles pouvaient parler. Hannah avait été plutôt le premier type lors de son premier cancer, mais avec celui-ci, elle ressentait un peu plus le besoin de voir du monde et d’être accompagnée, sans doute parce que la situation de l’époque semblait bien plus grave que celle-ci. Le cancer avait été pris très tôt cette fois, et elle avait toutes les chances de son côté, ça rendait un peu plus positif.

C’est gentil à toi. C’est la deuxième fois que j’ai un cancer. Je pense que je prends les choses avec plus de… philosophie cette fois.

Plutôt que de parler de la pluie et du beau temps, Hannah avait choisi de s’intéresser à Alexei, à ses origines qu’elle devinait d’ailleurs au vu de son prénom. Et effectivement, elle ne s’était pas trompée. Il avait une histoire qui semblait assez triste, puisqu’il était orphelin, mais il était heureusement tombé sur les bonnes personnes qui avaient fait en sorte qu’il arrive en Amérique. Il en parlait apparemment déjà la langue et ça avait été salutaire pour lui. Hannah écoutait avec attention et répondit à son explication :

Quel âge avais-tu quand tu as perdu tes parents ? Enfin si ça ne te dérange pas d’en parler évidemment.

Elle supposait que ce n’était pas le cas mais elle préférait toujours préciser aux gens qu’ils n’étaient pas obligés de répondre à ses questions. Hannah savait qu’elle pouvait avoir tendance à se montrer curieuse, voire intrusive alors que ce n’était pas nécessairement sa volonté. Mais parfois, elle se perdait dans le fil d’une discussion et elle en oubliait sa politesse. Lui par contre, faisait preuve d’une politesse et d’une gentillesse à toute épreuve, puisqu’il ne tarda pas à lui proposer son aide pour traduire si jamais ils recevaient, à l’occasion, des enfants russes que les parents avaient abandonné ou qui n’étaient simplement plus là. La jeune femme sourit et lui répondit :

Ca arrive effectivement que nous devions nous occuper d’enfants qui viennent de l’étranger. Je ne manquerai pas de faire appel à toi si jamais on avait besoin d’un interprète russe. Heureusement, ce n’est pas une situation qui arrive si souvent que ça.

C’était une bonne chose, mais il y avait tellement d’enfants américains qui avaient besoin de leur aide…

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Hannah + Alexei

...

Il hausse les épaules, rougit doucement avant de regarder ailleurs. Il ne s’attendait pas à un compliment. Souvent on lui dit que c’est bizarre, qu’il ne devrait pas, qu’il dérange, que c’est un peu chelou. Parfois, on lui dit même qu’il est morbide (les personnes disant cela on connaissant du métier qu’il veut réellement faire et de ce qu’il fait pour payer ses études)…. Donc, il n’avait pas l’habitude de recevoir un gentil compliment et il rougit avant de faire un sourire.

- C’est… ri… rien, bégaya-t-il à peine avant de se racler la gorge, c’est rien du tout, mais merci pour le compliment.

Parce qu’il devait la remercier de le penser ainsi. Cela le rendait vraiment heureux, et la jeune femme était la preuve parfaite qu’il lui fallait pour continuer à le faire avec le cœur légèrement plus léger. Alexei finit par lui sourire de manière joyeuse à la suite. Pas que ça le rend joyeux qu’elle en soit à son deuxième cancer. Ce qui le rend joyeux c’est de voir qu’elle était vraiment en train de le prendre mieux. Cela se voyait dans sa posture, même s’il ne la connaissait pas avant. Elle n’était pas abattu, comme pouvait l’être certaine personne, ni triste, ni apeuré. Elle était là, et elle allait se battre, et c’était le mieux pour ce genre de situation. Même s’il n’y avait rien de scientifique là-dedans, Alexei croyait vraiment que l’esprit faisait beaucoup sur les maladies.

- C’est bien. Pas que tu es déjà eu un cancer, mais que tu le prennes plus facilement. Cela signifie que tu vas pouvoir te concentrer sur ce qui compte, sur le fait de te soigner, et pas sur les autres choses annexes qui font perdre parfois la santé mentale.

Il ne savait pas s’il l’expliquait bien, mais comme elle avait utilisé le terme « philosophie », il pense qu’elle pourra comprendre. Elle le prenait mieux, et donc commencer tout de suite à se battre. Plus rapidement une personne accepter la situation et trouvait la situation, plus il y avait de chance de continuer à vivre.

- J’avais 11 ans. Nous sommes allés faire une balade en bateau et on est tombé à l’eau. Je lui le seul a avoir été sauvé. Cela ne me dérange pas, ça fait longtemps que c’est arrivé et m’exprimer et parler d’eux ça ne me fait plus mal.

Pas la peine de rajouter que depuis, il avait peur de l’eau … Que rien que l’idée de rester trop longtemps la tête sous un jet d’eau, ça le panique … Et tout ce qui était mer et piscine, c’était plus proche du « plutôt aller nettoyer une scène de crime bien gore que de mettre un pied dans l’eau ». En été, il était l’employé préféré. Il n’avait pas besoin de vacances… Non, ça lui permet de refuser toutes les sorties avec ses amis proches de l’eau. Quand il parlait de ses parents, il essayait toujours de se souvenir de quelque chose de positif. Parfois, il ne se souvient de rien. Pas qu’il n’y avait rien, mais rien ne lui vient. C’était compliqué. Il sourit doucement, il pouvait raconter au moins l’histoire la plus original de son histoire.

- Oh, j’ai la double nationalité depuis ma naissance. Ma mère a accouché dans un avion au-dessus des Etats-Unis. Et selon les règles de ce pays, j’ai le droit à ma double nationalité. Alors, j’ai eu le droit. Donc je ne suis pas réellement étranger.

Même si parfois, il en avait l’impression. Il oscillait entre être américain jusqu’au bout des ongles et russe jusqu’à la pointe des cheveux. Il était l’un et l’autre. Parfois que l’un, parfois que l’autre. Tout dépendait du souvenir qui lui revenait ou de l’odeur qu’il sentait. Ce n’était pas si compliqué pour lui. Il aimait les deux. Mais il n’était étranger de ni l’un ni l’autre. Il le précisa, bien que cela ne le choqua pas ou ne le vexa pas et cela pouvait se lire sur son visage.

- Parfois, j’ai l’impression d’être le seul enfant au monde à être né dans les nuages, et ça me fait me sentir unique ou très seul, dépendant du moment à laquelle je le pense.

(c) princessecapricieuse

Elle avait le compliment facile Hannah, c’était tellement plus facile de faire des compliments aux autres que d’accepter les compliments pour soi-même, ou du moins c’est l’impression qu’elle avait. Et puis c’était tellement cool de voir le sourire sur le visage des gens qui venaient de recevoir un compliment, c’était un peu comme si on illuminait leur journée tout d’un coup. On ne sait pas, parfois les gens n’en reçoivent jamais, ils ont une vie un peu morose et triste, et puis tout d’un coup quelqu’un leur fait plaisir et attire un sourire sur leur visage. La jeune femme avait décidé de changer de sujet pour ne pas attirer trop l’attention sur le fait qu’Alexei venait de rougir comme un gamin de dix ans qui venait de voir une jolie fille. Elle avait abordé le sujet de son cancer, ou plutôt de son premier cancer. C’était souvent un sujet de conversation qui mettait mal à l’aise les gens mais avec lui, elle avait la sensation qu’elle pouvait se laisser aller. Sans doute parce qu’il savait exactement ce par quoi elle passait, de par son métier. Et sa réaction la fit sourire à son tour. Pas rougir, mais sourire de fierté, parce qu’elle savait qu’il avait raison.

C’est probablement vrai oui. Mon but c’est de me soigner, le plus vite possible, de passer par toutes les étapes nécessaires pour me débarrasser de ce truc.

La chimiothérapie, les rayons, perdre ses cheveux, l’opération s’il le fallait, elle passerait par toutes les étapes nécessaires mais il était hors de question que le cancer ne soit plus fort qu’elle. Hannah était une battante, elle l’avait déjà prouvé par le passé, mais elle avait commis beaucoup d’erreurs aussi par le passé. Aujourd’hui, elle devait mener un double combat : celui pour parvenir un jour à former une famille avec sa fille, et celui pour se débarrasser une bonne fois pour toutes de ce cancer qui semblait lui en vouloir. Tout le monde a ses combats à porter et apparemment, Alexei avait les siens aussi. Avec beaucoup de précaution, la jeune femme lui demanda d’où il venait, et comment il en était arrivé à venir aux Etats-Unis. Son histoire était pour le moins horrible.

C’est incroyable que tu arrives à en parler aussi… facilement. J’imagine que tu as été recueilli par les bonnes personnes si tu es là aujourd’hui.

C’était un peu ce qu’elle essayait de faire avec son boulot, être là pour accompagner des enfants dans leur cheminement vers une vie meilleure, elle mettait un point d’honneur à analyser la situation de chaque famille qui disait vouloir recueillir un enfant. On voyait trop souvent des histoires horribles de parents qui paraissaient bien sous tout rapport et puis qui devenaient des monstres une fois les enfants adoptés. Lorsqu’Alexei lui raconta être né dans un avion, Hannah sourit légèrement. L’idée était certes douloureuse pour la maman, mais c’était assez plaisant au final.

Je crois que tu dois te sentir unique. Qui peut se vanter d’être né dans un avion ? L’idée me plait assez, mais par contre quel courage d’accoucher dans un endroit aussi étriqué. Je n’aurais jamais pu…

Hannah ferma les yeux un moment, d’abord parce que le produit lui donnait un peu la nausée mais surtout parce qu’elle venait de révéler une information sur elle qu’elle ne mentionnait jamais. Mais Alexei était un peu là pour ça au final.

J’ai une fille.

Elle lâcha ça comme ça, sans plus d’informations…

@Alexei Prizrak

Make me laugh

Hannah + Alexei

...

- Et je suis sûr que tu es en bonne voie. Je n’ai pas regardé ton dossier mais j’en reste persuadé.

Bien sûr, il pourrait très bien être en train de dire ça à quelqu’un qui allait mourir… Ce n’était pas impossible d’ailleurs. Mais il voulait reste optimiste. La première chose à faire avec des personnes atteintes de maladie, c’était de rester positive. Si les personnes autour de soi sont pessimiste, pense que la mort est la seule solution ou commence déjà à être triste de la situation … Alors ça ne pourra pas aller bien pour la suite. Il hausse les épaules doucement.

- Je n’ai jamais été adopté, mais j’ai eu de très bonnes assistantes sociales, ainsi qu’un ami. Un senior qui n’arrêtait pas de dire des idioties et faisait fuir tout le monde. Sauf moi. J’étais fasciné par sa manière de voir le monde. Dans son corps de vieux, il était plus jeune que moi, c’était un mélange étonnant. C’est pour ça que je peux en parler.

Être avec Shu, c’était comme être avec un meilleur ami. Non. Il était son meilleur ami. Il n’y avait pas de doute la dessus. Le vieux chinois avait été avec lui tout le temps qu’il fallait. Leur amitié intergénérationnelle faisait sourire les passants. Parce que c’était étrange de voir un gosse si jeune avec un vieux si âgé, et avoir l’impression que l’adulte était le petit garçon pendant que le vieil homme voulait courir après les papillons. Ce qui était arrivé était un fait. Ses parents étaient morts. Il avait survécu. S’il avait voulu garder le silence un temps après la mort de ses parents, ne pas parler d’eux, ou refuser leur mort, ne les ramèneraient pas. Alors, il pouvait en parler de son histoire, d’eux, de leurs morts et de ce bateau qui était toujours une ruine quelque part dans une casse russe. Il n’avait jamais eu le cœur de le faire détruire totalement et la carcasse attendait que son propriétaire choisisse quoi en faire. Rien. Il n’y avait rien à faire qu’à la laisser là bas qu’on décide de la détruire. Parce qu’elle n’était pas importante. Il sait qu’elle n’était pas importante. Il rit en se souvenant de sa mère qui lui raconte l’histoire de leur voyage.

- Ma mère ne savait pas être enceinte. C’est ce qu’on appelle un déni de grossesse. Elle a accouché quand elle a compris être enceinte sous le choc. Si nous étions dans une série, je serais certainement membre de la Umbrella Academy.

Il rit un peu. Il était sûr que le créateur de la bande dessiné éponyme, qui avait donné lieu à la série, avait dû entendre parler de cette femme qui avait accouché alors qu’elle ne savait même pas être enceinte. Il devrait demander un copyright sur sa vie, tiens. Il sourit et l’écoute lui sortir sa phrase. Il laisse quelques secondes à la jeune femme pour continuer à parler avant de pencher la tête doucement. Il n’était pas fin psychologue mais il pouvait voir que cette phrase n’était pas anodine comme elle semblait l’être. Il s’approche et posa sa main sur celle de la jeune femme avant de lui faire un sourire.

- Tu veux en parler ?

Parce qu’il ne savait pas du tout ce qu’elle voulait dire par là, ne pouvait pas se permettre de poser des questions sans être sûr qu’elle ne se force pas à lui répondre. Alors il la regarde, d’un regard qui ne juge pas, qui attend simplement, compatissant et doux. C’était ce qu’il était, Alexei. Il était le genre d’ami à qui l’ont raconte ses soucis parce qu’il écoute et ne juge jamais.

(c) princessecapricieuse

Hannah ne faisait que commencer son traitement, elle savait qu’il n’avait pas encore eu le temps d’agir, elle savait que ça prendrait du temps et que du temps, elle n’en avait pas beaucoup devant elle, mais elle voulait croire qu’Alexei avait raison, que les choses allaient forcément aller mieux, qu’elle guérirait comme elle avait guéri la première fois, même si ça avait pris du temps. Sa mère était parvenue à se soigner aussi, alors quelle raison pouvait-il y avoir pour qu’elle ne guérisse pas ? Oh parfois, elle se disait que c’était sans doute sa punition pour avoir abandonné son enfant, que c’était la façon tordue qu’avait Dieu de lui dire qu’elle avait commis la pire des conneries, mais elle se fichait pas mal de Dieu, Dieu était un égoïste de toute façon. Alors elle se contentait d’écouter les gens positifs autour d’elle, ça valait tellement mieux.

On va dire que je te crois, même si le traitement ne fait que commencer. Je vais forcément mieux qu’hier et moins bien que demain disons.

Un léger sourire apparut sur son visage, et elle se contenta d’essayer d’en apprendre plus sur lui, sur qui il était, ce qu’il faisait dans la vie, d’où il venait. Il semblait avoir une vie franchement plus agréable que la sienne, plus aventureuse aussi. Mais en réalité, il avait vécu des choses horribles lui aussi, des choses que personne ne pouvait comprendre, et il était parvenu à en sortir plus grand, plus adulte, meilleur. Alexei était une belle personne à n’en pas douter, il lui parlait de sa vie, de son ami, des personnes qui l’avaient aidé et accompagné dans sa vie, après la perte de ses parents. Il ne semblait pas avoir perdu l’espoir qu’un jour, il vivrait une vie meilleure, et il avait eu raison de ne pas perdre l’espoir. Aujourd’hui, il était reconnaissant envers ses assistantes sociales et son ami vieux mais jeune. Une belle leçon de vie au final.

Bizarre comme on n’a souvent besoin que de quelques personnes dans sa vie. Il y a tant de gens qui sont si bien entourés mais qui se sentent si seuls, et parfois, on a seulement un ou deux amis et c’est assez pour avancer dans la vie.

Il lui parlait de tout, de lui, de sa vie, de l’accouchement de sa mère dans un avion, au-dessus des mers. Raison pour laquelle il avait la double nationalité apparemment. Et puis il lui parla du déni de grossesse, un phénomène rare qu’Hannah avait déjà vu dans des films ou des séries à la télévision, mais elle ne connaissait pas trop le concept. Il le lui expliqua rapidement, et elle comprit que c’était quelque chose d’assez terrible pour la femme qui le vivait. Un choc, voilà ce que c’était, par contre la référence à la Umbrella Academy, elle ne la saisit pas. Hannah n’avait jamais vu la série.

J’ai pas la référence mais je vois le concept oui. J’imagine le choc que ça a dû être pour elle de se rendre compte qu’elle allait accoucher.

Elle se rappelait bien de sa grossesse la blonde, et pourtant elle avait eu une grossesse de rêve. Son accouchement s’était bien déroulé, tout avait été réglé comme du papier à musique. Son accouchement, c’était un moment de sa vie qui la hantait encore, très souvent la nuit, elle y pensait régulièrement, se rappelant combien elle s’était trompée en abandonnant sa fille. Mais elle n’en parlait à personne, jamais, parce que le mentionner était trop dur. Elle se demandait d’ailleurs pourquoi elle l’avait fait avec Alexei. Sans doute parce que ça paraissait facile avec lui.

Il n’y a pas grand-chose à en dire. J’ai découvert quelques semaines avant mon accouchement que j’avais un cancer, et j’ai fait la chose qui m’a paru le plus logique à l’époque. Les médecins étaient très négatifs, ils m’avaient annoncé que je n’avais plus que quelques mois à vivre, je n’ai pas voulu imposer ça à ma fille, ni à mon fiancé, alors j’ai accouché et je suis partie, j’ai laissé ma fille à Yohann et j’ai déménagé pendant cinq ans.

Un gros résumé de la situation, mais que pouvait-elle dire d’autre au final ?

@Alexei Prizrak

Make me laugh

Hannah + Alexei

...

« Aller mieux qu’hier et moins bien que demain ». Il aime bien la phrase. Il allait la faire en tasse et l’offrir aux patients qu’il croise. C’était une belle façon de voir les choses qui arrivent, qui se forment entre eux. L’hopital n’était pas le lieu le plus fun du monde, mais en théorie, on y ressort mieux quand y rentrant. Oh bien sûr certaines personnes n’y sortent plus jamais, mais ça c’était encore autre chose. Il y avait plus de vivant qui sortait de ce lieu que de mort qui y restait. Il était ainsi mieux de voir le positif en chaque situation que de vouloir se border au malheur. En ça, la jeune femme avait tout à fait compris le sentiment à tenir. Il fallait voir le meilleur. Il ne fallait pas penser au pire quand on pouvait atteindre le meilleur. Il sourit.

- C’est une série un peu spéciale, commença-t-il, et en effet. Ma mère ne s’y attendait pas du tout. Oh, elle m’avait expliqué qu’elle avait pris du poids, mais elle pensait que c’était à cause des pâtisseries qu’elle engloutissait à longueur de journée. Il y avait quelques signes, qu’elle aurait pu remarquer, mais elle n’avait pas le temps ni la patience de se poser. Ma mère était … Mhhh Un courant marin. Elle ne s’arrêtait jamais. Alors avoir des contractions en partant prendre l’avion à Saint Pétersbourg, elle s’était simplement dit qu’elle avait mangé quelque chose qu’il ne faut pas. Heureusement, il y avait une sage femme à bord.

Même si comparer sa mère à quelque chose qui avait un rapport à l’eau le dérange, il ne voyait pas une autre façon de le dire. Les tornades s’arrêtaient parfois, les tempêtes aussi, les tremblements de terre se stoppaient. Alors que sa mère était le genre de personne qui ne s’arrêtait jamais. Sa mère avait eu de la chance. Elle n’était pas passé sous le rayon X comme certaines personnes, elle n’avait pas été bousculé, et une femme l’avait aidé à accoucher. Bien que, selon son père cette fois, sa mère avait hurlé qu’elle ne pouvait pas être en train d’accoucher puisqu’elle n’était même pas enceinte. Chose qui ne se confirma pas quand elle eut son petit Alexei dans les bras en survolant Washington. Alexei écoute l’histoire et sourit doucement. Il ne savait pas non plus pourquoi elle lui racontait ça mais il pouvait la comprendre. Doucement, il prit sa main et tapota dessus comme l’aurait fait un ami.

- Et vous êtes là ? Je me doute que vous voulez reprendre contact, et si vous expliquez l’histoire ainsi à votre fiancé, cela peut se résoudre tout simplement.

Il était le genre positif. Lui ? Il ne partait pas du principe que le monde était mauvais. Le fiancé de cette femme avait peut-être eu une autre femme, peut-être même qu’il avait eu d’autres enfants … Mais il suffirait qu’elle lui parle pour savoir quoi faire. La sincérité était tout ce qui comptait, et la communication. Alexei, lui, n’était pas le genre à rentrer en conflit. Avec personne. Il était le genre à poser la situation à plat, et à faire ce qui doit être fait. Shu était l’inverse de lui. Le vieux chinois était le genre à rentrer dans le lard pour essayer de se faire entendre pendant qu’Alexei était le calme complet. En réalité, Alexei ressemblait beaucoup à son père. Quand on avait une mère tornade, on apprenait à éviter les débris tout en la protégeant d’elle-même. Il se demandait s’il pouvait proposer son aide à la blonde. Il pourrait lui proposer de l’emmener, il avait une voiture, mais il se doutait qu’elle aussi. Peut-être pourrait-il parler à son fiancé en tant que médecin ? Cela serait mentir. Alors il décida de faire la seule chose dont il était réellement capable. Être un soutien pour la jeune femme, et l’aider si elle lui demande et comme elle lui demande.

- Personnellement, je vous trouve incroyable. Je vois que vous aimez votre fille. Vous ne l’avez pas laissé par manque d’amour, mais par un surplus d’amour. Vous vouliez la protéger de la souffrance. En ça, je vous trouve courageuse, et noble.

(c) princessecapricieuse

Hannah n’aurait jamais imaginé que parler de quelque chose qui n’avait rien à voir avec ses soucis de santé lui ferait autant de bien. En arrivant à l’hôpital ce matin, la blonde s’était dit qu’elle allait se plonger dans un monde de musique, qu’elle allait se retirer dans son univers, sans parler à personne, en essayant de se concentrer sur son rétablissement et sur rien d’autre. Elle ne voulait pas se lier avec de nouvelles personnes, parce qu’encore une fois il y avait de fortes chances qu’elle ne survive pas à ça. Evidemment qu’elle espérait que tout allait bien se passer, et évidemment que quand on lui posait la question elle faisait bonne figure, mais la réalité était bien autre : elle avait peur, peur de mourir, peur de reprendre contact avec sa fille et de ne pas pouvoir la voir grandir. Tout ce qu’elle avait fait à sa naissance, l’abandonner, tout ça n’aurait servi à rien.
Mais en rencontrant Alexei, quelque chose d’autre s’était éveillé en elle, elle se rendait à présent compte qu’elle avait le droit de penser à autre chose, de parler d’autre chose, et que ça ne l’empêchait pas de se battre contre cette saloperie. Et en parlant de la maman d’Alexei, elle découvrait un autre univers, elle découvrait qu’il y avait tellement pire qu’elle et que sa situation au final.

C’est incroyable cette histoire, mais je comprends le côté courant marin, je crois que j’ai été un peu comme ça aussi par le passé, plus maintenant. Je cherche la tranquillité maintenant. Elle a eu de la chance d’avoir une sage-femme.

Sans trop savoir pourquoi ni comment, Hannah se retrouva à parler à Alexei de son premier cancer, de l’annonce des médecins, de son accouchement et puis de l’abandon de sa fille. C’était une partie de sa vie dont elle ne parlait jamais, ni à ses parents qui avaient suivi toute l’histoire, et encore moins à un sombre inconnu. Mais au final, c’était sans doute plus facile d’exposer la situation à un parfait inconnu, qui n’allait peut-être pas la juger mais plutôt lui donner un avis extérieur et éclairé. Alexei était quelqu’un à qui il était facile de se confier. Elle sourit légèrement quand il lui dit que si elle en parlait tout simplement à Yohann, les choses se règleraient peut-être toutes seules. Cela aurait été tellement simple, mais ça n’avait pas été le cas. Cependant, les choses semblaient commencer à lentement s’arranger entre eux, et ils parvenaient à avoir une discussion sans se prendre le bec.

Les choses n’ont pas été si simples que ça. Je lui ai expliqué mais il aurait voulu se battre avec moi. Je peux comprendre. J’ai fait ce qu’il me semblait être bon à l’époque, mais je me suis sans doute trompée avec le recul.

Elle s’en voulait au fond, elle s’en voulait de ne pas avoir eu confiance en elle, en sa force de guérir, en son histoire d’amour, en Yohann. Elle avait eu confiance en lui pour s’occuper de leur fille, elle savait qu’il serait un père incroyable, mais elle n’avait pas cru en son destin, c’était certain. Alors quand elle entendit les mots d’Alexei, elle ne put s’empêcher de laisser échapper quelques larmes. Personne ne lui avait jamais dit qu’elle était courageuse ou noble, tous ceux qui connaissaient l’histoire avaient toujours dit qu’elle avait été égoïste, et elle l’avait toujours cru. Elle le croyait toujours d’ailleurs. La belle essuya une larme qui s’écoulait avant de reprendre :

J’ai tellement eu l’habitude d’entre les gens me dire que j’étais égoïste, que j’ai fini par y croire. Mais je crois que tu exagères un peu. Je n’ai rien d’incroyable, je préférais que ma fille grandisse avec un père aimant qu’avec une mère qu’elle aurait vu mourir à petit feu. Le traumatisme pour une enfant aussi jeune… Et je sais pas si je vais pouvoir retrouver une place dans sa vie un jour.

C’était difficile, Lilly était encore tellement petite.

@Alexei Prizrak