( related to crime. )
feat @Jeb Greenshaw

Salem s’ennuyait ferme. Le capitaine l’avait assigné à de la surveillance routière quand elle avait demandé à faire quelque chose en dehors du bureau et elle avait au début pensé que c’était une bonne idée. Au moins, elle ne serait plus assise là à fixer le même mur gris pendant des heures. Bien qu’elle comprenait et appréciait l’aide de ses collègues pour gérer son trop plein d’énergie derrière son bureau, elle n’arrivait plus à apprécier d’être enfermée entre quatre murs. A présent, dans la voiture de patrouille, elle était bien plus à l’étroit. Elle avait mal au dos dans son siège et elle regrettait un peu sa décision. Le bébé n’était pas à l’aise non plus et elle était honnêtement à deux doigts d’abdiquer et d’avouer qu’elle n’avait rien à faire ici. Elle avait envie d’un muffin et d’allonger ses jambes. Finalement, elle n’avait fait qu’échanger un enfer pour un autre. Peut-être était-il temps de penser à débuter son congé maternité ? Mais qu’allait-elle faire de tout ce temps libre ? Son cerveau n’était pas préparé à une telle chose. C’était la partie de sa grossesse qu’elle redoutait le plus. Bien sûr, elle aurait mille choses à faire pour organiser l'arrivée du bébé dans son quotidien. Sans parler de la montagne de paperasse - qu’elle se réjouissait à l’avance de remplir - elle avait encore la nurserie à terminer, quelques achats pour les premières semaines du bébé et elle comptait bien organiser plusieurs séances de batch cooking avec Memphis pour ne pas avoir à se soucier de cela non plus quand elle ne serait plus seule. Elle avait été tellement préoccupée par le fait de se convaincre qu’elle pouvait être une bonne mère malgré l’exemple catastrophique de la sienne, qu’elle en avait oublié de se poser pour penser au fait que son quotidien ne serait jamais plus aussi ordonné qu’elle s’était évertuée à le rendre. Bien sûr, avec sa relation avec David par exemple, il avait fallu un temps apprendre à composer avec le chaos. Mais celui-ci avait toujours été bienvenu, réconfortant d’une certaine manière, comme le sentiment d’être à la maison. Là, c’était une facette totalement nouvelle dans son existence. Elle n’allait pas cohabiter avec quelqu’un capable d’exprimer clairement ses envies, ses intentions et dont elle était capable de lire et comprendre le langage corporel et les micro expressions pour se rassurer. Un être totalement dépendant d’elle allait bouleverser son existence. Il allait lui falloir quelques semaines pour s’ajuster à cette nouvelle réalité.

En parlant de réalité. Celle-ci la rappela à la raison alors qu’une voiture passa à côté d’eux. Le radar mobile, installé sur le tableau de bord, se déclencha. Rien de bien méchant, seulement quelques kilomètres heures au-dessus de la limite. Mais son collègue, au volant, avait bien senti son ennui et décida de démarrer pour poursuivre le conducteur. Il enclencha la sirène, et ne mit que quelques secondes pour le rattraper. L’automobiliste n’opposa aucune résistance en comprenant qu’il était la cible et se gara sur le côté. Détendue, Salem descendit du véhicule aussi gracieusement que sa grossesse le lui permit et se dirigea vers la vitre du conducteur. “Bonjour Monsieur, vos papiers et ceux du véhicule s’il vous plaît.” commença-t-elle en tendant la main vers lui. Son regard se posa enfin sur le conducteur et elle fronça les sourcils. Elle eut une impression de déjà-vu qui passa, aussi vite qu’elle était apparue quand elle se rappela qu’elle était en service et que son attention ne pouvait pas lui faire faux bond maintenant. “Vous savez pourquoi on vous a demandé de vous arrêtez ?” Elle désigna son collègue du pouce en faisant un signe derrière elle, histoire de lui signifier qu’elle n’était pas seule. Ses yeux parcoururent les papiers du chauffeur et elle eut du mal à croire ce qu’elle était en train de lire. Elle regarda plus attentivement l’automobiliste, puis à nouveau la photo sur son permis et son nom. Quand il allait raconter ça aux autres… combien d’entre eux diront qu’ils auraient bien payé pour voir sa tête à ce moment-là ? “Flint ? Non mais tu te fiches de moi !” Bien que le permis mentionne le prénom “Jacob”, elle ne pouvait se tromper. Elle se massa le dessus des yeux et l’arête du nez en soupirant. Fallait-il donc qu’elle soit maudite ? Son frère aîné, qu’elle avait dû côtoyer en tout et pour tout deux mois cumulés dans toute sa vie, devant elle. “Du coup j’imagine que tu sais que tu roulais trop vite le pilote ?” demanda-t-elle, toute l’ironie du monde dans la voix.

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@salem greenshaw — quelque part dans le centre ville, mars 2024
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Le rythme fait vrombir les parois de la voiture, à en faire trembler le rétroviseur. Les doigts frappent la mesure contre le volant, comme toujours. Et tout s’enchaîne. Les pieds, les vitesses. La vitesse. Celle qui rend la vie plus colorée, avec ce goût prononcé entre l’adrénaline et le carmin des joues qui se broient sous les dents. La piste me manquait déjà. Les effluves de l’asphalte aussi. Je ne supportais de moins en moins le temps entre les courses. Parce qu’il fallait foncer, d’une façon ou d’une autre. Et dans les deux cas, je me retrouvais à tourner en rond. A arpenter les rues de Tree Hill, de ses environs, pour enfin trouver un semblant de sens à rester ici. Il y avait Brooke, Cheyenne. Les autres de la tribu. Mais c’était déjà trop. Tard ? Mal ? Je roule des yeux. Parce qu’il fallait bien s’avouer que la fuite, parfois, c’était le plus facile. Le repli ? A tenir les positions, on s’éreintait plus qu’à en gagner de nouvelles.

Pas de Maverick pour bricoler non plus. Et comme c’était notre chantier, la trahison n’était pas de mise. Alors, autant épuiser le réservoir d’essence, jusqu’à rentrer dans la nuit encore jeune. Alors, j’augmente le volume, écrase un peu plus la pédale de vitesse jusqu’à ne plus m’entendre hurler, à chanter jusqu’à s’en dégager les poumons. Le tournant force à me ralentir, et j’en oublie même que je dépasse une voiture de police. Un homme brillant. Les gyrophares attrapent mon regard, presque à aveugler un borgne. Je regarde le compteur et frappe l’arrière de mon crâne plusieurs fois contre l’appui tête. Trois miles. J’échappe une moue bougonne, me range sur le bas-côté et attends que la sanction arrive.

Dans le rétroviseur, se dessine une chevelure de feu dans les lumières, une démarche compliquée sûrement due à une journée bien chargée. Je baisse naturellement la vitre, guette mes papiers avant même qu’elle ait fini sa phrase, et relève lentement le regard pour tomber sur Salem. L’inconnu de service, c’était moi. Elle était l’ordre et moi le chaos. Mais visiblement, il y avait d’autres choses en cours. Je baisse frénétiquement le regard sur son ventre arrondi et le relève vers son visage. Elle ne me reconnait pas, son visage n’a pas tellement changé du sien enfant. J’esquisse un léger sourire, à la voir faire son travail, même si c’est vite l’inquiétude qui me gagne en la voyant déambuler. Les papiers dans ses mains, je la regarde sans un mot. Je suis son coup de pouce ver l’arrière et retiens un grand sourire. Je me racle la gorge, étouffe le rire.

« J’oserais jamais, officier. » Je penche la tête hors de la vitre et la regarde, le visage entre mes mains et les coudes sur la portière. « On est deux à aller vite, on dirait. » Je guette son bout de ventre. Je regarde son collègue. « Tu compenses pour ton collègue ? » Bonjour, comment tu vas, ça suffirait mais non. Il faut toujours déraper. Le sourire mutin et le ton employé imitent celui de la sœur égarée. J’ouvre lentement la portière pour la laisser s’écarter et la surplombe à peine. « T’as bien poussé. » Je croise les bras, lui laisse le temps d’examiner les papiers. « Enfin, à la verticale, je veux dire. » Nerveux, je me balance sur mes bouts de pieds, que je m’empresse de fixer.