it's been a while

Tree Hill, une ville dont Jaehyun avait entendu parler à maintes reprises et qu’il s’attendait à visiter bien des années plus tôt mais les choses s’étaient passées différemment. Tous les plans qu’il s’était démené à mettre en place étaient tombés à l’eau en l’espace de quelques minutes et son avenir qu’il pensait tout tracé avait pris un autre tournant. Maintenant qu’il avait une raison de mettre les pieds à Tree Hill, il ne pouvait s’empêcher d’observer les environs d’un œil plus détaché. Cette ville était plus qu’agréable, c’était tranquille, plus tranquille que les grandes villes dans lesquelles il avait l’habitude de résider lorsqu’il n’était pas envoyé en mission aux quatre coins du monde et c’était reposant. Si cet endroit bouillonnait de vie, les gens ne semblaient pas tous dans un rush incessant comme il avait pu en être témoin et même victime lorsqu’il vivait à Paris, Seoul ou encore d’autres grandes villes américaines. Le jeune homme n’avait pas vraiment cherché à comprendre lorsqu’il avait pris son billet d’avion pour la Caroline du Nord, ni trop non plus lorsqu’il avait signé le bail de son appartement en location. Il lui avait suffi de savoir que la femme qui hantait ses pensées depuis des années était ici pour qu’il fasse ses valises sur un coup de tête, c’était l’avantage de ne pas avoir d’attaches et de bouger sans cesse d’un endroit à l’autre. Ce déménagement avait plus de signification que tous les précédents depuis son départ de la ville lumière et il était bien décidé à ce que sa vie prenne un nouveau tournant et que Tree Hill soit le lieu de cette nouvelle vie où il espérait pouvoir recoller les pots cassés.

Le coréen poussait son cadi, arpentant les allées du supermarché tout en observant les rayons qui défilaient sous ses yeux. Si faire les courses n’était pas sa plus grande passion, il adorait cuisiner et pour se faire il fallait remplir ses placards alors il était parti en expédition pour acheter tout ce dont il aurait besoin. Rien de plus réconfortant qu’un plat cuisiné maison et s’atteler derrière les fourneaux lui permettait de se vider la tête, parce que s’il avait débarqué ici d’un pas assuré après avoir croisé le chemin de celle avec qui il avait imaginé finir sa vie, il ne contrôlait rien et la peur qu’elle ne veuille jamais lui laisser de seconde chance le rongeait un peu plus chaque jour. A l’angle d’une allée, son regard fut attiré par une blonde qui lui paraissait familière. Il plissa les yeux, est-ce qu’il était en pleine hallucination ? C’était fort probablement, avec tout ce qu’il se produisait en ce moment, ça ne le surprendrait même pas. Mais alors qu’elle plaçait un produit dans son cadi à elle, tout doute s’envola, c’était bien Ella qui se trouvait en face de lui alors ni une ni deux, il accélérait le pas dans le but de la rattraper. Il se mis devant elle à un espace respectable, il ne voulait pas l’effrayer non plus en la faisant sursauter « Mais qui va là ? Ne serait-ce pas la meilleure des institutrices ? »  il lui lança un grand sourire, la dernière fois qu’il l’avait vu c’était à la Nouvelle Orleans il y a de ça plusieurs mois. Ils s’étaient rencontrés alors qu’il avait fait une intervention dans l’école où travaillait la blonde, ils étaient devenus amis par la suite avant qu’il ne doive partir et qu’il n’ait plus vraiment de nouvelles de sa part mais il s’était dit qu’elle avait dû être trop occupée et que des choses avaient dû se passer dans sa vie « Ca me fait plaisir de te revoir Ella ! Je ne m’attendais pas à te croiser par ici. » le monde était bien plus petit qu’on ne l’imaginer et retomber sur la Carlson en était bien la preuve.

 @Ella Carlson    

Tenter de sortir, de se convaincre que le passé ne nous rattrape pas toujours et que les murs ne contiennent pas tant de fantômes que ce que je crois. Encouragée par la thérapie, encouragée par les rencontres que j’ai pu faire jusqu’à présent, encouragée par cette peur qui semble desserrer mon ventre lorsque je pointe mon nez à l’extérieur, encouragée par une force inconnue qui m’aide à prendre, enfin, une décision cohérente. Sortir faire des courses … Naturel, normal et sans danger, non ? J’ai trop eu cette fâcheuse tendance à faire mes courses en ligne et passer collecter le tout à mon retour du travail pour ne plus sortir de chez moi ensuite. Les pots de glace ? J’en connais tous les parfums à présent. Mon vélo d’appartement aussi s’en souviens, car après chaque cuillère de crème glacée dans ma bouche, la culpabilité revenait au galop. Et si on me trouvait grosse ? Pas dans la norme ? Mal habillée ? Complètement désordonnée ? Hors de question de me prendre encore d’autres commentaires. Alors, je me livrais à des courses d’endurance sur mon pauvre vélo, regardant un écran me faire défiler des paysages que je pourrais pourtant voir à l’extérieur. J’en suis certaine même, cette ville pourrait me montrer beaucoup de facettes, redoublant de beauté si je prenais la peine de la visiter ou de prendre le temps de lever le nez de mes pieds lorsque je marche sur les trottoirs. Mais fixer mes pieds est devenu un mécanisme de défense, si je regarde le sol alors je ne croise le regard de personne et je ne peux pas fâcher quelqu’un si je ne le regarde pas. Je n’attire pas l’attention sur moi, me faisant alors passer pour quelqu’un de renfermée sur elle-même voir un peu pressée. Mais ça fonctionne et tiens les autres à l’écart, ce qui me convient très bien pour le moment. Parler moins, ne pas être reconnue, ne pas être dérangée.

Je ne cesse de me répéter mon nouveau mantra, respirer, avancer, afin d’arriver à faire mes premiers pas dans le magasin presque désert au vu de l’heure. Je profite d’un trou dans mon horaire de cours, profitant que les petits soient en cours de natation pour faire quelques courses. Un exploit selon moi ! C’est donc enroulé dans mon écharpe montée jusqu’aux oreilles que je prends mon cadi et m’avance dans les allées. Très peu de personnes sont présentes, comme je le pensais et c’est parfait. Je prends mes aises, profitant soudainement d’une sortie ridiculement bête mais nécessaire, sans que cela me provoque un énorme stress. J’en viens même à faire tomber mon écharpe, la glissant dans le cadi. Mes menus commencent à se dessiner dans ma tête au fur et à mesure que j’avance, si bien que certains vendeurs doivent me prendre pour une folle alors que je me mets à faire des allés et retours dans les rayons, reprenant goût à un petit bout de vie. J’allais attraper la boîte de mes céréales favorites lorsqu’une, bien plus haute, à l’effigie de petites têtes de licornes, bourrées de sucre évidemment, me fit de l’œil. Le graal entre les mains, et mon estomac se tordant d’avance à l’idée de les goûter, je fus prise la main dans le sac par une voix qui me coupa dans mon élan. Surprise, je me fige, serrant la boîte aux couleurs de l’arc en ciel dans les bras en tournant la tête vers la voix masculine qui vient de m’interpeller. Une boule dans la gorge, sachant très bien que j’ai évité presque tous les hommes de cette ville, je me demande qui aurait pu me reconnaitre hormis mon collègue, Zack, avec qui j’ai échangé de vraies conversations.

Qu’elle n’est pas ma surprise en découvrant un visage qui vient de si loin. De ma vie d’avant. De celle que j’ai été, brisée et triste, avant de tenter de me reconstruire ici. Mais s’il est ici, alors c’est que tout le monde peut venir ici. Ce qui signifie que Luke peut également me retrouver aussi facilement que Jaehyun vient de me surprendre. Ce qui signifie que, finalement, je ne suis peut-être pas tant en sécurité. Mon visage doit se fermer alors que mes mains se crispent sur la boîte en carton que j’ai entre les mains. « Jaehyun ! » Je m’exclame à voix basse, mettant un prénom sur le visage de celui qui me fait fasse. Je regarde autour de moi, soudainement anxieuse après cet excès de confiance, avant de revenir sur lui. « Qu’est-ce que tu fais ici ? » Je l’appréciais, vraiment, il fait partie de ces personnes dont le contact m’ont permis de croire que l’humain peut être bon. Il en fait partie de ces rares dont la présence me rendait sereine. Mais ici, alors que je suis loin de mon ancien chez moi, de ma famille et, surtout, cachée de mon ex ? Rien ne me rend plus nerveuse que d’être aperçue avec un autre homme. « Je suis contente de te voir ! Ça fait un moment. » Avant l’accident, avant que je perde mon bébé, avant … avant tout. Est-ce que je souris ? En suis-je encore capable ? J’ai soudainement trop chaud, j’ai peur, je me sens minuscule, insignifiante.

@jaehyun ahn

it's been a while

Le passé, Jaehyun essayait de ne pas trop y penser, lorsqu’il se perdait dans ses pensées, il avait tendance à remuer le couteau dans la plaie, à être rongé par ces remords qui s’emparaient de tout son esprit. C’est pour ça que depuis des années, il s’efforçait de s’occuper en permanence parce qu’il n’y avait rien de pire que de se retrouver en tête-à-tête avec sa conscience et le bruit assourdissant des ‘et si’ qui fusaient à droite et à gauche. C’était effrayant à quel point sa vie avait changé en l’espace d’une demi-journée, tout semblait radieux à un instant, lui qui réfléchissait à comment faire sa demande en mariage, à emmener celle qui faisait battre son cœur dans son pays natal pour la présenter à sa famille parce que c’était avec elle qu’il s’imaginait finir sa vie et en un claquement de doigt tout s’était écroulé. Cette ville qui représentait tous les stéréotypes de l’amour étant désormais la définition d’un rêve détruit et d’une vision aussi terne que la météo hivernale. Il était devenu un peu plus nonchalant avec le temps, à prendre toutes les opportunités qui lui tombaient dessus, voyageait à droite et à gauche en chasse de découverte et de dépaysement. Mais ce nouveau mode et rythme de vie lui avait permis de rencontrer du monde, de le sortir de sa zone de confort quand par le passé les gens pouvaient le considérer presque réservé par moment. Il était tout l’opposé maintenant, il avait changé sur de nombreux points et les craintes qui le retenaient n’en étaient désormais plus. Son entourage le connaissait comme une personne sociable, un peu dragueur sur les bords et toujours partant pour suivre les autres dans de folles aventures. Un contraste sans précédent mais c’était ce qui arrivait quand la vie vous changeait du tout au tout et qu’il ne vous restait plus aucune attache. Loin de celle qu’il aimait et en conflit avec sa famille, plus rien ne le retenait et il avait lâché prise.

Voyager aux quatre coins du monde lui avait permis de changer sa vision de la société, son approche de la vie aussi. Rencontrer des personnes toutes plus différentes les unes que les autres, apprendre à connaitre et découvrir de nouvelles cultures, de nouvelles histoires, des faits du passé et comment ces derniers avaient pu impacter le présent et le futur à venir, c’était tout ça qui avait maintenu Jaehyun à flot durant tant d’années. Le coréen était reconnaissant d’avoir rencontré des personnes aussi incroyables sur sa route, parce que les échanges, le partage c’était aussi ça qui avait fait qu’il aimait aussi cette vie qu’il n’avait pas imaginé de la sorte. Il trouvait dans les personnes qu’il rencontrait des points d’encrage, des souvenirs indélébiles qui le faisait grandir. Alors la surprise de tomber sur un visage familier ici était grande mais pas pour lui déplaire. Voir la blonde devant lui le rendait joyeux, cette situation était improbable et montrait bien qu’on ne pouvait rien prévoir dans la vie et que ce monde aussi vaste soit-il était parfois bien plus petit qu’on ne pouvait l’imaginer. Un grand sourire étirant ses lèvres, il regarde Ella qui semble tout aussi surprise qu’il ne l’est, si ce n’est plus. Réaction normale, après tout quelles étaient les probabilités qu’ils se retrouvent ici alors qu’ils s’étaient connus à la Nouvelle-Orléans il y a de ça des mois, tant bien que Jaehyun était incapable de dire précisément depuis combien de temps. A l’entente de son prénom, il fut rassuré qu’elle se souvienne de lui, après tout ils s’étaient séparés à son départ de la ville et n’étaient pas réellement restés en contact. Avec le temps, le jeune homme avait appris que chaque personne était différente, certaines arrivaient à maintenir des liens malgré la distance, d’autres moins et c’était naturel. Tout le monde avait sa vie et son lot d’aventures avec, il était parfois compliqué de jongler avec tout ce qu’il pouvait se produire dans la vie et garder un semblant de vie sociale, encore plus à distance. Le brun voyait dans la réaction de la blonde une sorte de retrait et ne dit rien, était-ce dû au choc ? Il se doutait que des choses avaient dû se produire depuis leurs derniers échanges donc il garda une distance correcte entre eux « Je viens de débarquer en ville il y a quelques jours, je vais rester un petit moment dans le coin. » aussi longtemps qu’il le faudrait pour qu’il puisse mettre les choses au clair et avoir l’occasion de donner sa version des faits sur ce qu’il s’était passé il y a plus de 5 ans désormais. « T’es la première personne que je connais que je recroise ici. » autre qu’Autumn mais il ne l’avait pas encore croisé depuis qu’il avait posé ses valises en ville donc c’était vrai, Jaehyun n’avait aucun repère ici. « Et toi, ça fait longtemps que t’es à Tree Hill ? »  il lui avait renvoyé innocemment la question mais si elle ne voulait pas répondre, il ne lui en voudrait pas « Ca me fait plaisir de te voir aussi, qui aurait cru qu’on se retrouverait ici après tout ce temps ! »  son inquiétude augmenta un peu plus en voyant les expressions d’Ella changer. « Est-ce que ça va ? » Il n’avait pas tendance à fixer les gens mais il était assez observateur et il ne pouvait s’empêcher de voir les traits de son visage changer.

 @Ella Carlson    

Il ne doit pas être aveugle, ça doit se lire sur mon visage que je ne m’attendais pas du tout à croiser un visage aussi familier, d’une vie que j’efface lentement mais sûrement, de réussir à faire mes quelques pas en avant et me retrouver à en faire une centaine en arrière. Le choc de cette rencontre est si fort que j’en perds littéralement pied. Pourtant, il n’est pas lié à du négatif, notre amitié était réelle et positive. Mais tout s’emmêle dans ma tête, les évènements sont trop flous, trop difficile de discerner la personne de l’endroit où je l’ai rencontré. L’école où nous avons sympathisé. J’en brûle de crainte, d’appréhension, tandis que tout cela n’essaie pas de percer dans ma voix tremblante. Je ne pense pas être la personne la plus convaincante sur cette terre à l’instant présent, mais j’essaie. Me demandant si d’autres personnes du passé sont capable de ressurgir au détour d’un autre rayon. Et c’est fou, presque complètement dingue, mais mes doigts crispés autour de la poignée du caddy se relâchent lentement lorsqu’il mentionne que je suis l’une des premières personnes qu’il connaisse ici. Des petits mots innocents, alignés ensemble qui font un effet aussi important sur le psychologique. Mais je reste blême, la respiration haletante, de petits points lumineux dansant devant mes yeux. Pitié pas de malaise ici … Je prie intérieurement. « Oh c’est marrant de se croiser à nouveau ici alors … » J’arrive à murmurer, sans être certaine qu’il m’entende bien car, moi, la pression dans mes oreilles est si forte que je n’entends pas le propre son de ma voix. « Toi aussi, tu es le premier que je croise dans cette ville, je suis là depuis fin août. » Je souffle encore pour lui répondre, pour paraitre normale et sereine, mais je ne le suis pas du tout. Me contentant de sourire à sa dernière réplique, essayant de prendre mon souffle qui ne revient toujours pas et cette pression à l’intérieur de ma tête qui n’en fini par non plus.

Finalement, quand il me demande comment je vais, le malaise revient encore plus fort. Je souris, ne réponds pas tout de suite en sentant les sueurs froides dans mon dos, se glissant dans ma nuque tandis que j’essaie de récupérer de l’air dans mes poumons, comme si j’étais sur le point de m’étouffer. Je lâche le caddy, passe mes mains sur mes joues qui sont devenues aussi rouge que les pivoines et je passe mes pouces sur mes yeux, chassant les premières traces de l’humidité des larmes face au contrecoup que je ressens de plus en plus fort. « Je crois … » Je commence à murmurer, devenant certainement très stupide de me comporter de cette manière. « J’ai besoin de sortir un peu. » J’arrive à terminer en vacillant un peu sur mes pieds, la tête tournant trop fort et le sol se dérobant comme le plancher d’un voilier sous mes pieds. « Je ne me sens pas très bien. » J’ajoute comme si cela ne devait pas se voir à des kilomètres sur ma tête qui doit avoir virée à la couleur verte ou trop blanche que pour être un teint naturel. Je pense qu’il me suit alors que j’abandonne complètement mes courses, agrippant fermement mon sac sur mon épaule, comme s’il était ma bouée de sauvetage dans ce tumulte de mes émotions. Une fois à l’extérieur du magasin, passant devant d’autres clients qui se sont vivement écartés de mon chemin de peur qu’un liquide soupçonneux sorte de ma bouche, je trouve enfin l’extérieur où j’inspire profondément pour reprendre pied dans la réalité. Les yeux fermés, je m’appuie contre un petit muret non loin du commerce et lève la tête pour m’aider à mieux inspirer la froideur de l’extérieur. Jaehyun n’étant pas loin de moi, s’inquiétant certainement de me voir dans cet état, j’essaie à nouveau de sourire pour tenter de le rassurer un minimum. « Je m’excuse, ma santé me joue des tours parfois … Je ne me sentais pas très bien depuis ce matin. » Je mens, car c’est toujours plus facile que de lui donner la vérité et je pense qu’il n’en aura même que faire. « Je suis contente de te voir ici, bien que je ne sois pas très en forme tout de suite ! » Je souris, essayant de paraitre plus enjouée, moins malade, mais il n’est pas aveugle et n’a pu que constater que je viens de faire le début d’un malaise. « C’est fou de se retrouver ici alors qu’il y a des centaines de kilomètres qui nous sépare de la Nouvelle-Orléans ! » Et là, je n’ai pas besoin de jouer la comédie car je suis réellement surprise de le revoir ici, à Tree Hill, quelles sont les probabilités pour que ce soit le cas ? « Tu viens enseigner par ici ? » Je demande, histoire de tenter de dévier la conversation et de reprendre un souffle normal. Non, Luke ne va pas me retrouver, je suis en sécurité.

@Jaehyun Ahn