Grand-frère, moi ?

James + Marvin

Parfois, il suffit de suivre son instinct

Bon. Bon. Bon. Marvin était dans sa voiture et tapotait machinalement, au rythme précis des secondes, sur son volant. Il avait déjà fait 258 tapotements et ça continue doucement. Il s’était dit qu’il y arriverait. Qu’il pourrait marcher dans la rue, avec d’autres êtres vivants, et que ça ne lui poserait pas de problème. Que nenni. Cela s’appelait avoir « les yeux plus gros que le ventre ». Le centre de danse, ou qu’importe le nom qui accueille autant de personne, avait toujours la porte ouverte sur une personne qui rentre et qui sorte. Il était sûr, pratiquement, d’avoir vue plus de personne que de tapotement.  Il en avait le tournis. Non, parce que, si depuis trois mois, il a réussi à apprendre à un peu plus s’ouvrir aux autres, à leur parler, à leur répondre, et même à dire bonjour (dans cette ordre parce qu’il considère toujours que dire « Bonjour » alors qu’on pense à partir en courant de l’autre côté était un mensonge), il y avait des choses qu’il ne pouvait pas faire. Supporter l’existence de plein de petits gens, par exemple, qui se fiche de l’histoire. S’il arrivait à parler aux enfants quand il était au musée, c’était pour une raison en particulier, la même que d’ordinaire, l’Histoire faisait oublier qu’il y avait des enfants. Et il n’était pas là pour les surveiller, mais pour leur expliquer comment c’était cool de pouvoir enlever le cerveau des morts avant de les momifier. Ouais. Donc, il tapote et attends que le flot de personne diminue. Il avait parlé à James, par message, pas folle la guêpe. Il ne sait toujours pas pourquoi ce garçon lui donne aussi simplement l’impression d’être familier pour lui. Sans le connaître, il se sent mieux à lui parler qu’à parler aux autres. Comme s’il avait l’habitude. Ce qui n’était pas le cas. Ce qui prouve peut-être qu’il avait juste un gros pet au casque. Plus gros que ce qu’il ne le pensait … Soupirant à nouveau, il sort de sa voiture et arrive à passer entre une petite et une mère avant que celles-ci ne puissent le remarquer.

- Bonjour, fit une femme qui ne reçu qu’un regard paniqué de la part de Marvin.
- James.

Voilà, normalement, si la jeune femme avait un minimum d’intelligence, ce que Marvin espère de tout son cœur pour son propre bien, elle comprendrait de qui il parle. Et sinon ? Il s’était aussi entrainé à dire le nom de famille de l’homme « Foster ». Voilà. Il était là pour voir si ce qu’avait fait James avec ses élèves pourraient être un plus dans le musée, et pour récupérer son livre. Et il se maudit encore de ne pas retrouver où il avait déjà vue le visage de James. Pourquoi lui, cet inconnu sorti de nulle part lui donnait une impression familière comme ça ? Il ne dit plus rien alors que la femme, qui le regarda d’un drôle d’air, mais qu’elle soit heureuse déjà il ne transpire pas dans son costume, appelle qui de droit.

- Monsieur Delannoy, fit la jeune femme au bout d’un moment, c’est pour vous.

On était en août. Marvin avait très clairement conscience d’avoir loupé son célèbre repas d’anniversaire avec son géniteur … mais ce n’était pas possible qu’il soit là ? Hein ! Non, parce que des enfants, plus le père, ça ne pourrait pas réussir à devenir cohérent dans sa tête qui était déjà en train de se souvenir de mille et une choses inutiles pour ne pas se retourner. Il avait tout fait pour éviter les appels de son père pour son anniversaire. Il savait qu’il ne pourrait pas se sauver très longtemps. Son géniteur, et sa mère, avaient le chic pour le retrouver et le mettre devant cette stupide table à manger pour l’entendre parler de comment la vie elle est bien, comment le piano c’est cool et comment il ne faisait aucun effort. Il faisait des efforts, mais pas pour lui. Il se retourne comme un robot pour tomber sur James qui attendait là. Marvin fronce les sourcils. Malgré lui, et malgré son quotient intellectuel, il regarde derrière l’homme pour y chercher encore son croque-mitaine personnel. Pas que son père avait été violent avec lui, juste il le déteste. Il le déteste parce qu’il avait fait de lui une honte. Il ne voulait pas qu’on sache qu’il était son fils. Il ne voulait pas qu’on puisse médire sur lui ? Qu’est-ce qu’il en a à foutre Marvin ? Sa colère se calme quand il prend le temps de regarder James. Il n’est pas là. Son père n’est pas là. Sauf qu’elle avait dit le nom qu’il fallait.

Et quand Marvin regarda James, ce n’était pas James qu’il vit, mais c’était une image fantomatique de son père, puis de lui-même. Il se sentit con. Très con. Il le savait depuis le début. Depuis le début, il disait qu’il trouvait que James avait quelque chose de « Familier ». FAMILIER. C’était clairement dans le même champ lexical ! Si Marvin n’aimait pas le français, les langues, les maths, il n’était pas stupide pour autant. Il aurait dû le voir. Et là, il n’avait rien vue.

- Je vais prendre l’air.

Qu’il dit. Avec clairement l’intention de s’enfuir très loin, pour très longtemps. Il était sûr que s’il le demandait avec un grand sourire on le pendrait sur un site de fouille dans un pays ou un autre. Il doit partir de là. Parce qu’il déteste son père, et que malgré tout, il se rappelle très clairement de la fois où il avait tenté de lui dire qu’il avait un petit frère : James. Sauf qu’il fut impossible pour ses jambes de faire le moindre mouvement pour partir. A la place, il se concentre sur le bouquet de tulipe derrière James. Il compte les tulipes, puis les pétales, et il le refait en espérant qu'un gouffre s'ouvre sous ses pieds pour l'engloutir. Sur son visage, James pourra lire ce qu'il n'avait jamais lu en Marvin. De la terreur, bien plus pure que toutes les autres fois, de la colère, et l'envie de fuir. Il n'était plus ouvert, mais fermé comme une huître avec laquelle on s'ouvrirait la paume avec un couteau avant d'en séparer les bords.

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Aujourd'hui, James a rendez-vous avec Marvin ici-même, à l'école de danse. Il y a longtemps qu'ils ne se sont pas vus, d'une parce que James ne voyait pas d'intérêt à ennuyer l'historien, et de deux parce qu'il était de son côté pas mal occupé avec les tableaux à préparer pour ses cours. Mine de rien, gérer autant de débutants en danse lui prend pas mal de temps, en plus de son autre activité professionnelle. Il n'aurait jamais pensé devenir un jour "professeur", aussi se contente-t-il de se définir en tant qu'intervenant. Il a beau être appelé "prof" par les jeunes, il ne parvient pas à se considérer comme tel. Pour James, il s'agit juste d'une pause dans sa carrière de danseur. Sauf qu'un danseur qui ne pratique plus autant qu'il l'a pu faire lorsqu'il courait les castings perd de sa superbe. Il ne sent bien, sa souplesse se réduit de semaine en semaine. Il s'entraîne encore, certes -il n'a de toute manière pas le choix car il doit tester les chorégraphies qu'il monte pour les enfants- mais beaucoup moins qu'avant. La danse était toute sa vie, mais sa vie a évolué. Comme lui.

Il est en train de faire couler du café dans la petite kitchenette quand le téléphone du coin pauses et personnel retentit. C'est Ester, à l'accueil. "Monsieur Delannoy, c'est pour vous". James hoche la tête avant de se souvenir qu'il est au téléphone, et lance un "J'arrive" relativement neutre. Il raccroche le téléphone, et au moment où le combiné touche l'appareil, James se fige. Ester vient de l'appeler par son nom. James n'attend personne d'autre que Marvin. Sauf que Marvin, lui, croit qu'il s'appelle "Foster". Pour ne pas éveiller les soupçons à son égard et pouvoir en apprendre plus sur Marvin, le streamer ne lui a pas donné son véritable nom. Après tout, ils partagent un géniteur qui s'est bien gardé de parler de sa double vie à ses familles respectives. Depuis leur dernière entrevue, James a pu évoquer le sujet auprès de son père. Le tout s'est passé en l'absence de sa mère, évidemment. James a ainsi appris que son cher paternel a eu une longue relation avant de connaître sa mère. Les relations se sont quelque peu chevauchées mais de la première, piège d'une implacable routine, est né Marvin deux années environ avant James. Tous ses doutes se sont confirmés. Loin de juger son père, James a été plutôt compréhensif. Il n'a rien dit, en revanche, sur sa relation avec Marvin et le fait qu'ils s'étaient déjà vus quelques fois. De mensonge en mensonge...

Un frisson glacé vient secouer l'échine de James alors qu'il se précipite hors de la kitchenette en direction de l'accueil. Ce frisson, James le connaît bien. C'est celui des doutes, du stress et de l'émotion bien trop dure à gérer. Il en aurait presque la nausée. Son mensonge vient d'être révélé. Et pour le peu qu'il connaisse au sujet de Marvin, James sait d'aventure que son nom de famille ne va pas avoir un effet positif sur l'historien.
Arrivant dos à lui, le streamer prend une seconde pour respirer. Marvin ne lui en laisse pas le temps, il se retourne presque instantanément, et son regard passe de la surprise à quelque chose qui ne plaît pas à James sur le moment. "Att..." commence-t-il. James s'apprête à intercepter Marvin, mais ce dernier ne bouge pas d'un iota. Sourcil froncé, James finit par s'approcher de lui, et lui indiquer la porte. "Viens, on va prendre l'air." Après s'être assuré qu'il était bien sur ses talons, James laisse la porte du studio se refermer et prend naturellement place sur le banc qui jouxte l'entrée, près d'un minuscule jardin. "Je suppose que t'as entendu mon vrai nom..." murmure-t-il, penaud, ne sachant pas réellement comment aborder le sujet.

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James + Marvin

Parfois, il suffit de suivre son instinct

Son cœur tambourine dans sa poitrine alors qu’il était toujours dans une immobilité parfaite. La seule preuve de sa respiration était le léger soulèvement de sa cage thoracique, et son abaissement à la suite. Sinon, tout le reste de sa personne était immobile. Il ne bougeait même pas les yeux. Il n’arrivait pas à regarder James. Il savait pourtant exactement où il était, et comment il était, et ce putain de sentiment qu’il le connaissait déjà. Il avait envie de crier, de hurler, de courir et de maudire son père et son existent tout entier. Ce qu’il fit. Dans sa tête. Dans sa tête, c’était une tempête d’émotion, un déchainement de tout ce qu’il avait pu engouffrer en son esprit. Il était en train de perdre pied. Pourtant personne ne pourrait voir qu’il tangue dans la réalité. Non. Il était bien sur ses appuies. Immobilité parfaite. Il l’avait dit. Il avait remarqué James qui se rapproche. Il avait envie de lui dire de disparaître. Mais il ne dit rien. Il y avait quelqu’un dans son esprit qu’il lui criait qu’il était le « grand frère ». Marvin avait envie de dire jaune, tout en continuant de vouloir fuir biiiiien plus loin. Comment ça, lui un grand-frère ? Cela serait comme lui dire qu’il détient le prix Nobel de la paix ! C’était stupide de croire qu’il pouvait être autre chose que l’archéologue qu’il était. Marvin regardait partout sauf James. Même quand il lui posa une question … Il avait envie de partir. Sa voiture. Il pouvait voir sa voiture. Il n’y avait que quelques mètres entre lui et le volant. Mais ses mains tremblaient. Il les voyait et les sentait. Il pouvait sentir tout son corps être parcouru de tremblement alors que James demanda s’il avait entendu son nom de famille. Non. Ce n’était pas la question. La question était autre. Il ne demandait pas réellement s’il avait entendu, il affirmait. « je suppose ». Les mots ont toujours été importants pour Marvin. « Je suppose que tu as entendu mon nom ». Oui. Mais pour la première fois de son existence, Marvin avait envie de mentir. Il avait envie de dire « non », même si tout prouve le contraire. Il avait envie de mentir et de partir en faisant comme si de rien n’était. Si ses mains pouvaient simplement cesser de trembler ! Il finit par poser un regard sur James. Il le regarda une seconde avant de dévier sur une fleur sauvage qui traversait entre le béton du trottoir.

- Oui.

Il ne savait pas mentir. Il n’avait aucune capacité à mentir. Il n’aimait pas le mensonge. C’était pour ça qu’il ne disait même pas « Bonjour » aux gens. Et là, encore plus. Ce n’était pas un bon jour. C’était un jour très pourri. Loin de son anniversaire, il avait cru pouvoir éviter son père. Il n’avait plus envie de le voir. Sa mère mourrante et demandant à ce qu’il trouve des amis était déjà trop pressant…. Mais son père ? Et un frère ? Merde. Il avait un frère. Un frère qui n’avait rien fait dans la haine qu’il ressentait pour son père. Il finit par se dégonfler comme un ballon de baudruche dans un long soupir.

- Je le déteste, souffla-t-il alors plus pour lui que pour James.

Parce que c’était, là encore, la vérité. Il détestait son père. Il détestait tout ce qu’il était. Il détestait même le piano à cause de lui. Il détestait son existence. Il détestait lui ressembler. Il détestait qu’il soit « fier de lui et de ce qu’il accomplie ». Il le déteste. Mais le fils de cet homme, son frère donc, et la femme de cet homme, qui n’était rien pour lui, étaient innocents dans la haine qu’il ressentait. Ils ne savaient même pas qu’il existe, n’est-ce pas ? Sinon, pourquoi n’être qu’un père qu’une fois dans l’année en lui laissant aucune chaleur. Son père était toujours mal à l’aise avec Marvin. Et il lui rendait bien. Il le déteste. Mais James …

- Pourquoi tu as menti ?

Il n’y avait aucune menace dans sa voix. Il continue de regarder ailleurs mais n’était plus qu’en colère contre son père et sa propre vie de merde. James n’avait pas à subir sa colère. Marvin n’était pas comme ça. Il était honnête et sincère même dans ses réactions et ses pensées. James n’était pas coupable des émotions qui étaient toujours en train de le faire trembler. Cependant, il voulait savoir depuis quand il savait… Depuis quand savait-il qu’il avait un grand-frère cacher comme une espèce de honte familiale qui ne devrait jamais être découvert ? Son père n’avait jamais voulu que Marvin fasse parti de sa vie. Il n’avait jamais voulu le présenter à sa femme. Il voulait simplement se dédouaner de cette responsabilité qu’il avait à peine prit. Il avait laissé la colère d’un enfant être la raison de ses cachotteries alors qu’il n’avait juste aucune envie de mélanger son passé avec sa mère et son futur avec celle de James. Et Marvin le déteste. Il le déteste de toutes les fibres de son corps. Tout en l’acceptant pour faire plaisir à sa propre génitrice. Chaque fois qu’il avait vue son père, c’était un calvaire. Il souriait, essayait d’être gentil, doux, paternel, et puis il disparaissait une année entière avec le refus de le voir plus que ça. Parce qu’il n’était pas fier de son ainé. Il n’était pas fier de son existence. Marvin savait être une honte pour cet homme, que son existence lui prouver ses erreurs passés. Et maintenant, Marvin devait choisir entre protéger ce que son géniteur avait construit ou laisser tout détruit en château de carte. Alors … Il choisit. L’abnégation dans toute sa splendeur. Alors qu’il n’avait pas menti les deux premières phrases qu’il avait réussi à dire, dont une qu’il ignore que James à entendu, il choisi de mentir.

- Je ne sais pas pourquoi tu as menti. C’est stupide. Je ne connais personne de ce nom. Si on allait voir ce que tu as prévu pour le musée. Je suis là pour ça.

Et seulement pour ça. Pas parce qu’il se sentait plus à l’aise avec James, pour une raison qu’il comprenait maintenant. Ils se ressemblent. Et quand Marvin croise son regard, il voit ce qu’il aurait dû voir depuis le début. Mais même s’il déteste son père, même s’il le hait de tout son cœur … Il fallait qu’il protège ce qu’il avait fait. Parce que même s’il était une honte, il était son fils. Et tant pis si ça le faisait gerber intérieurement d’être que le squelette dans le placard qu’on espère pouvoir oublier. Il ne sait pas que son père a tout dit à James. Il ignore qu’il avait enfin avoué son existence à James. Alors … Il ne pouvait que le protéger stupidement. Même s’il le hait. Marvin se détestait déjà assez pour arrêter la haine tout de suite dans cette discussion.

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Dès qu'ils s'asseyent sur le banc devant le studio de danse, Marvin confirme à James qu'il a effectivement entendu son nom. Le danseur ne peut plus se dérober, c'est terminé. Son demi-frère sait qu'il a menti à ce propos, et il saura bientôt qu'il a menti à propos du reste. Leur père, ce qu'il soupçonne depuis le début malgré une confirmation récente, son nom... "Je le déteste," croit entendre James. Une grimace vient étirer ses lèvres. De qui parle Marvin ? Avant que James ne puisse lui demander de qui il parle, l'historien reprend la parole et lui demande pourquoi il a menti. "Je..." commence le streamer. Il ne sait pas par où commencer. Il y a tellement de choses à dire, tellement de faits à confesser... Son regard est fixe sur le béton. Il n'ose pas regarder Marvin dans les yeux. Pas après tous les mensonges qu'il lui a servis à propos de lui et de ce qu'il pensait à son propos. Certes, il n'en a parlé que récemment avec leur paternel, mais James aurait très bien pu l'évoquer avec Marvin bien plus tôt... Rien que pour être honnête.
Marvin ne lui laisse cependant pas la possibilité d'organiser une réponse car il reprend directement la parole en lui disant qu'il ne connaît personne de ce nom et qu'il est venu par rapport au musée. Avant qu'il ne se lève et ne s'extirpe de la conversation, James choisit d'appliquer une légère pression sur le bras de son demi-frère pour le faire rester assis sur le banc. Il tente d'attraper son regard, mais sans succès. Marvin l'ignore complètement. "Ecoute, je suis désolé d'avoir menti sur mon nom... Je m'y suis senti obligé parce que je t'ai vu, un jour, par la vitrine d'un café, avec mon père. J'ai senti que si je te disais mon vrai nom je ne pourrai peut-être pas te parler." James grimace à nouveau. Marvin ne s'est toujours pas levé pour l'abandonner à son triste sort sur le banc, un bon point donc. "T'avais pas l'air enjoué d'être face à lui, quand je vous ai vus. Mais ce que j'ai vu, surtout, c'est ta ressemblance avec moi, et avec lui. Tu ne l'as jamais remarqué, sur mon visage...?" se risque à demander le streamer.

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Parfois, il suffit de suivre son instinct

Il sent la pression et se fige un peu plus. Il sent la pression et se demande pourquoi il a honte de sa réaction. Il ne sait pas. Il ne sait plus. Marvin n’était pas le genre de personne à survivre à la pression. Il n’aimait pas la pression. Il l’évite autant que les autres. Il n’aime pas les humains, et les prises de tête. Il n’aime personne et encore moins son père. Alors, pourquoi avait-il honte de détester son père devant son frère ? Pourquoi est-ce que son cœur battait si fort ? pourquoi est-ce qu’il avait l’impression d’avoir été jeté depuis un pont sans élastique ? Pourquoi ? Il ne sait pas. Il ne bouge plus. Cette main, pourtant posé de manière légère et sans force, le tenait immobile. Son corps n’arrivait pas à se relever et à partir. Pourtant, qu’est-ce qu’il aimerait pouvoir fuir, putain. Qu’est-ce qu’il aimerait pouvoir disparaître. Il calcule le nombre de pas, de mètre, de respiration, qui le distance de sa voiture. S’il court assez vite, il pourrait le faire en si peu de battement de cœur.

Est-ce qu’il lui en voulait d’avoir menti ? Non. Il ne lui en voulait pas du tout. Il comprenait tout à fait qu’on n’est pas envie de se retrouver lier à son père. Il comprenait tout à fait que ça ne lui faisait pas plaisir … BON. Il savait aussi que ce n’était pas par honte que James avait menti, mais pour quelque chose de bien plus complexe. Tant pis. Il pouvait faire semblant pour le bien de son esprit qui était déjà en train de partir à vau-l’eau.

- Tu as eu raison, qu’il répond sans se mouvoir à nouveau.

Parce qu’en effet, il se serait présenter comme son frère, ou avec le même nom que son père, il serait clairement loin. Il aurait fait en sorte de l’éviter comme la peste. Il aurait même fait en sorte de disparaître… parce qu’il le faut bien. Il ne pouvait pas se mettre au milieu de la famille de son père. Son père avait choisi. Et il ne l’avait jamais choisi LUI. Et même si c’était une réaction enfantine, il lui en voulait toujours. Il lui en voulait toujours mais il ne pouvait pas en vouloir à son frère, quand il était en face de lui. Il pourrait en vouloir à James d’exister, parce qu’il était la preuve de ce choix que son père avait fait …. Mais s’il ne le connaissait pas. Maintenant, il ne pouvait pas le haïr, et ça le fait chier, tout en le mettant dans la panade niveau mental.

- J’ai remarqué que … que … Que tu étais …, il finit par mettre sa main sur son visage pour en frotter sa peau, il était totalement perdu, il avait envie de pleurer et de trembler, il avait envie de voir sa mère et de lui parler de tout ça, ou même appeler Stella ? mais il ne fait rien. Il reste là. Je ne savais pas pourquoi, mais ton physique me détendait… J’avais l’impression que tu étais familier, mais sans savoir qui tu étais. Alors même que je n’oublie jamais rien. Je me souviens de tout. De chaque minutes de ma vie. Je me souviens de tout. Et toi, tu étais familier sans que je me souviens de toi.

Première fois qu’il parle autant de sa vie. Première fois qu’il parle de ses sentiments aussi longtemps. Et oui, pour lui c’était déjà énorme tout ce qu’il venait de dire. Ouais, il ne sait pas quoi dire d’autre. Non. Il se doutait pas une seconde que ce mec avec qui il parlait de danse et de musée puisse être son petit frère… Son demi petit frère, mais est-ce que c’était réellement important de le nuancer ainsi ? Marvin aimait l’exactitude, mais il avait l’impression que ça serait cruel, voir méchant, que de mettre cette nuance.

- Qu’est-ce que tu veux de moi, James ? Ton père n’aimerait pas savoir que tu me connais. Il n’aime pas mélanger sa vie et son erreur.

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Un léger hochement de tête secoue les mèches bouclées de James, qui viennent chatouiller le haut de ses sourcils. Marvin lui donne raison, c'est déjà ça. Il est sûrement en mesure de comprendre que James n'a pas osé évoquer son vrai nom, histoire de pouvoir connaître un minimum celui qu'il pensait être son frère aîné.
A l'évocation de leur ressemblance plus que troublante, Marvin donne encore raison au streamer. Oui, ils se ressemblent beaucoup. Physiquement, c'est sûr, mais mentalement...? James a l'impression d'avoir beaucoup plus pris de leur père que Marvin. "C'est normal, on nous a caché à tous les deux l'existence de l'un et de l'autre..." soupire le brun. Marvin n'est pas le seul à qui l'on a servi des mensonges depuis le début de sa vie. James aussi, en a souffert, en quelque sorte, même si sa découverte est toute récente.
Le danseur n'ose pas regarder Marvin dans les yeux. Il continue de fixer le béton devant ses pieds, gêné. Le poids qu'il traînait sur ses épaules depuis des mois ne s'est pas vraiment envolé, même si Marvin est désormais tout aussi au courant que lui du lien qui les unit. "J'en sais rien, honnêtement..." Il soupire silencieusement puis reprend : "Quand je t'ai reconnu au musée, j'en croyais pas mes yeux, je t'avoue. Je t'avais juste aperçu avec mon père, mais ta ressemblance avec moi m'a fait tiquer tout de suite sur ce qui pourrait nous unir. Je comptais pas non plus venir te parler ce jour-là, mais tu m'as alpagué..." Son intuition a fait le reste. Si James s'était simplement envolé, il n'aurait peut-être pas eu les réponses qu'il attendait. "J'en ai pas parlé à papa. J'ai juste dit que je vous avais vus, mais sur le moment il m'a confié qu'il aurait adoré pouvoir rassembler ses enfants, si la situation avait été toute autre..." Il a continué en évoquant son ex-compagne et ce que cette rupture a représenté pour elle, mais James se garde bien d'en informer Marvin. Ils auront bien assez le temps d'en parler à l'avenir, si toutefois Marvin veut bien le garder dans sa vie...

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Parfois, il suffit de suivre son instinct

Il respire doucement. Ouais… Bon, ce n’était pas quelque chose qu’il avait appris pour sociabiliser. Normalement, il prenait une respiration pour ensuite se carapater dans l’autre côté, le plus loin possible de tout et de tout le monde… mais non. Il reste là. Immobile. Et il respire le plus lentement possible pour faire en sorte que la respiration face son travail. Il inspire, il laisse l’oxygène rentré par son nez, descendre vers ses poumons, envoyer ce qu’il faut dans le sang pendant que ça se transforme en CO2 et remonter. Il suit les deux chemins, celui du CO2 qui sort de ses narines à l’expiration ainsi que l’O2 qui se trouve encore dans son sang. Ouais. Il essayait de se concentrer sur ce chemin, lent et tranquille, qui permettait de mettre du sang dans son cerveau en même temps que de l’air. Le cœur. Son cœur battait trop fort et faisait battre ses tempes comme un tambour. Il ne pouvait pas se concentrer sur les deux organes en même temps alors qu’il prenait une nouvelle inspiration pour recommencer le chemin depuis le début. Il valait mieux se concentrer sur ça que sur son frère.

- Je savais qu’il était possible que tu existes, précisa-t-il tout de suite parce qu’il fallait être exacte sur les mots.

Il l’avait dit, il retenait tout… mais quand il s’agit de son père, il ne pouvait se souvenir que de ses pensées qui le priaient d’aller voir ailleurs. Il se souvient de chaque moment où il s’était retrouvé devant une gaufre, ou une glace, ou un café, et où ses tempes frappaient comme maintenant pour partir en courant alors qu’une haine féroce le forcer à rester. Là, il n’y avait pas de haine. Il préférerait. Il y avait une lassitude et une tristesse qu’il ne voulait pas définir. Il n’y avait jamais eu que ça dans sa vie, si on lui enlève l’Histoire. Il écoute les explications de James. Ouais… Il était venu le voir à cause de ce visage familier dont il ne se souvenait pas. Il avait été con. Il se maudit d’avoir fait, lui-même, ce pas vers son frère… parce que ça ne sert à rien ? Pourquoi son frère voudrait lui parler ? Stupide.

Parfois, il avait l’impression d’être un sarcophage qui n’avait jamais eu l’occasion de contenir sa momie. Un jolie décorum pour du vide à l’intérieur. La colère et la tristesse qu’il laissait couver pour son père le remplissait un peu. La peur des autres l’entourait. Mais le reste ? L’amour familial, il l’avait pour sa mère et n’avait jamais voulu le ressentir pour son géniteur qu’il n’appréciait pas plus qu’une épine dans le cul ! Ah, elle était toujours là, la colère. Il se relève d’un coup et repousse la main de James.

- Te fou pas de moi. Comme si ce salopard en avait réellement quelque chose à foutre, qu’il rugit avant de se surprendre lui-même de la vulgarité de ses propos.

Bien sur qu’il connaissait des gros mots et des injures. Dans plus d’une trentaine de langues d’ailleurs. Mais c’était la première fois que les insultes fusaient si rapidement de ses lèvres qu’il ne puisse les filtrer, comme il le faisait d’habitude. Il se surprit mais ne rougit pas pour autant. Il ne rougirait jamais de ce qu’il pense de son « père ». Il le voyait plus comme un donneur de sperme, pour ce que ça lui apporte ! Marvin se pince l’arrête du nez et ferme les yeux. Il remonte la tête vers le ciel et laisse son esprit reprendre le cheminement du sang dans ses veines pour alimenter son cerveau et de l’oxygène. James n’était pas son père, et la colère qu’il ressent pour son géniteur n’avait pas à atteindre cet homme. Même s’il avait le même sang que son géniteur, Marvin avait douloureusement conscience qu’ils avaient aussi du sang en commun. Il pince ses lèvres alors qu’il lâche son visage dans une expression douloureuse. Il ne s’excuserait pas de l’avoir insulter. Il n’avait pas insulté James mais son père. Et il préfèrerait être trainé vivant enchainé à l’arrière d’une voiture que d’avoir le moindre respect ou amour pour le père de James. Cependant, la réponse de James à la question « qu’est-ce qu’il veut ? » ne l’aide pas à calmer son esprit. Il n’avait jamais voulu apprendre le piano juste pour le faire chier. Tout ce que son père aime, il dit ne pas aimer, bien qu’il apprécie la musique classique (surtout parce que souvent y a pas de paroles inutiles à retenir). En ce qui le concerne, sa famille se résume à sa mère…. Mais James n’avait pas mérité sa colère, et encore une fois, sans le connaître il pourrait le haïr pour le plaisir… mais maintenant, il ne peut plus.

- Ton père, je ne l’aime pas, décida-t-il d’expliquer dans un soupir. Tu n’es pas ton père.

Que James comprenne ce qu’il veut de cette explication. Parce que oui, pour Marvin, il venait de tout expliquer en cette phrase. Il sait que Stella lui rabache de dire les choses pour qu’on comprenne son esprit et son fonctionnement… mais clairement, il en avait rien à péter en l’instant. C’était la seule chose qu’il pouvait dire. S’il n’aimait pas « le père de James », ça voulait dire qu’il refusait de le voir comme « son père » à lui. Mais le fait que James n’était pas son père, voulait dire qu’il était possible qu’il ne le déteste pas, même s’il ne savait pas du tout quoi faire de cette émotion.

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