Depuis qu’elle avait réussi à vaincre son premier cancer, Hannah avait pour habitude d’entendre dans la bouche de sa maman qu’elle devait se montrer reconnaissante de la moindre chose positive qui se passait dans sa vie. Cela allait d’une maladie vaincue à un agréable souvenir, une jolie journée passée en famille ou dans ce cas précis, d’une personne agréable qu’elle avait rencontré, l’une de ces surprises que la vie pouvait mettre sur votre chemin. Hannah ne s’était pas attendue à rencontrer quelqu’un aujourd’hui, dans cet univers tellement froid, dans lequel jamais rien de bon ne ressortait jamais, sauf quand le médecin annonçait le terme « rémission » mais on ne s’y attendait jamais vraiment à celui-là. Aujourd’hui, elle avait rencontré une personne qui pourrait facilement devenir l’un de ses amis, un allié sur lequel elle pourrait compter dans les bons comme les mauvais jours. Il était agréable d’avoir l’une de ces personnes dans son entourage direct. Lorsqu’Alexei lui fit savoir qu’elle pourrait manger son muffin plus tard, elle lui sourit légèrement et une nouvelle fois, le remercia :

C’est très gentil, merci. Je le garde précieusement dans mon sac. Je n’aurai sûrement pas une grande faim mais autant manger quelque chose qui nous fait plaisir après une journée comme celle-ci.

Après avoir subi tous ces traitements et s’être fait parcourir le corps par des tas de substances dont elle ne voulait même pas connaitre la provenance, elle pouvait bien avoir un peu de réconfort. En tous cas, tous les deux semblaient avoir les mêmes visions des choses, les mêmes envies de voir les choses évoluer dans les hôpitaux pour toutes ces personnes qui souffraient le martyre à essayer de se débarrasser de saloperies de maladies. D’ailleurs, il lui racontait comment une fois il avait essayé de redécorer les murs d’un hôpital russe avec un bic, chose qui n’avait pas réellement été appréciée par le personnel. Mais bizarrement, Hannah avait l’impression qu’il ne devait pas s’agir d’une superbe pièce artistique mais plutôt de dessins d’enfants. C’était sans doute ce qui avait posé problème.

D’accord mais tu avais quel âge quand tu as réalisé cette œuvre d’art ?

Hannah éclata de rire et prit une toute petite gorgée de son chocolat, qu’elle avala difficilement malgré l’envie très forte de le boire. Les premières heures après une chimio étaient compliquées pour elle, elle avait l’estomac complètement retourné. La jolie blonde tentait une deuxième gorgée mais décida de reposer le gobelet sur la table pour quelques minutes, d’abord parce que c’était chaud et ensuite parce qu’elle ne voulait pas être malade. Le russe en profita pour lui demander quels étaient ses plans pour le reste de la journée, et après qu’elle les eu exposés, Hannah fut une nouvelle fois surprise de sa réponse :

Je sais que tu as dit que je devais arrêter de te contredire, alors je ne le ferai pas, mais tu es sûr que tu n’as rien de plus intéressant ou important à faire de ta journée ?

Hannah se sentait un peu mal à l’aise qu’il mette tout entre parenthèses pour elle, même si ça lui faisait plaisir de ne pas être toute seule après ça.

Mais ça me ferait plaisir, c’est sûr. Un peu d’air et de la compagnie, après un traitement comme ça j’aime bien l’idée !

La blonde lui sourit avant de refaire une tentative avec son chocolat.

@Alexei Prizrak

Make me laugh

Hannah + Alexei

...

Alexei était partisan du « si on peut pas manger beaucoup, mangeons ce qu’on aime », réellement. Alors il comprenait tout à fait la jeune femme. Il lui fit un sourire. Cela faisait des années que le garçon n’avait pas mangé sa pâtisserie favorite. Le Zéphyr. C’était une sorte de guimauve mais qui n’était pas aussi croquante que sa cousine américaine. Elle pouvait être de plusieurs goûts. Il n’y avait pas que celle-ci qui lui manquait, mais cette gourmandise était la préféré de sa mère, qui avait appris à la faire quand elle voulait inviter du monde à la maison. Elle faisait même parfois des tests sur son fils, pour changer la recette à sa manière. Alexei savait que sa Zéphyr préférée, que sa mère avait batisait « la Alexei ultra mega force » (à ce moment là, il regardait les powers rangers à la télévision et hurlait ça quand il voulait se faire remarquer) n’existait pas. Sa mère était morte avant de lui donner la recette. La petite chose qui différenciait celle-ci de toutes les autres et qu’Alexei aimait. Il cligna des paupières pour chasser le souvenir, mais garda son grand sourire lumineux. Penser à sa mère ne le faisait pas souffrir, ça lui faisait du bien.

- J’avais cinq ans. On était allé voir une amie à ma mère. Elle se désolait de ne pas « pouvoir imaginer la main de son enfant plus vieux ». Alors, moi, j’ai voulu aider, se défendit-il, je me suis dis que si je mettais ma main, et l’entourait du stylo, alors toutes les mamans pourraient voir la taille de main de leur bébé, plus tard. Je n’avais même pas réalisé à l’époque que ma main n’était pas encore arrivée à maturité.

Il ouvre sa main, paume vers la jeune femme. Maintenant grande et rêche. Ce n’était plus la petite main potelée et enfantine qu’il avait jadis. Et pourtant, il avait été si sûr de lui. Quand il avait fait cela, c’était pour que toutes les mamans sachent ce qui les attendait. Il ne lui était pas venu à l’esprit, une seconde, que les adultes avaient été des enfants… et que donc sa main grandirait encore. C’était sa mère qui, le soir venu, lui avait expliqué alors qu’Alexei se plaignait à son père d’avoir été disputé pour une bonne action. Il la voyait faire avec sa boisson et but un peu à son tour. Il pourrait lui en repayer un plus tard s’il refroidit. Il ne le dit pas de peur de la gêner, surtout qu’elle semblait un peu mal à l’aise face à son attention, déjà. Il étira à nouveau ses lèvres.

- Nope, Madame, je n’ai rien de plus intéressant ou important. Tu es la personne la plus intéressante et la plus importante de ma journée, alors c’est un plaisir que de te servir.

Les hommes rendent services aux femmes. C’était la partie macho de son père qui lui avait inculqué certaines choses dans son esprit. Et sa mère avait réussi, puis toutes les femmes qui l’avaient aidé, à diminuer l’esprit « bonhomme russe » par quelque chose de plus délicat et élégant. Il sourit encore et la regarde boire.

- Si je reste un peu avec toi, je pourrais t’en prendre un autre. Ne te force pas. Avec ce que tu viens de subir, il est normal de prendre son temps.

(c) princessecapricieuse