Mateo était en train de se demander comment il avait pu survivre à toutes ces épreuves sans avoir eu le soutien de sa petite sœur. Quand il la voyait réagir aujourd’hui, quand il voyait comment elle avait envie de se battre pour lui, pour qu’il retrouve au moins l’affection de leur mère, ça lui faisait chaud au cœur. Il fallait dire que cela n’avait rien de facile, il fallait dire que la vie de Mateo avait été ô combien compliquée pendant tellement longtemps. Une année et demi de débat, de dormir dans la voiture, de dormir à peine quelques heures par nuit, quand il y parvenait. Et puis la perte de son boulot, de sa maison, de sa famille, de tout ce pour quoi il s’était battu pendant longtemps et qu’il avait perdu, à cause de sa bêtise. Bien sûr que ses parents avaient eu raison de le renier, de ne plus lui adresser la parole, mais quand on fait des enfants, ne doit-on pas tout faire pour les aider même quand ils sont au plus bas ? En tous cas, il se promettait de ne jamais faire à Gus ce qu’il avait lui-même subi. Même quand ça serait difficile.

Oh je ne doute pas une seule seconde que tu puisses lui faire changer d’avis, même l’espace de quelques minutes.

Il lui sourit légèrement avant de retrouver une mine plus grave. Il n’en pouvait rien, c’était plus fort que lui, mais quand il pensait à leur mère il ressentait une forme de tristesse très forte. Elle lui manquait terriblement, et il savait qu’il ne parviendrait jamais à retrouver la relation qu’ils avaient quand il était enfant puis adolescent. Et la remarque de Bianca ne l’aida pas à se sentir mieux. Il se demandait toujours ce qu’elle cachait.

Tu commences vraiment à me faire peur tu sais. Mais je suis sûr que tu exagères, ça ne peut pas être aussi grave que de perdre l’argent de ta femme au casino.

Mateo avait choisi d’en rire, ou plutôt d’en sourire, même si clairement cela n’avait rien de drôle. Mais il n’allait pas encore s’apitoyer sur son sort pendant des années et des années. Il fallait qu’il avance maintenant, il fallait qu’il retrouve un boulot qui lui plaise réellement, il fallait qu’il s’accommode de son nouvel appartement, il fallait qu’il retrouve la confiance de sa femme et l’amour de son fils, même si ça il savait qu’il ne l’avait jamais perdu. Pour l’amour de leur père, il savait que jamais il ne parviendrait à le regagner, mais il pouvait vivre avec cette idée.

Je peux vivre sans lui, de toute façon j’ai l’impression que c’est ce que je fais depuis presque toujours. Papa et moi ça n’a jamais fonctionné, mais du moment que je vous ai vous et maman, ça ira.

Il sourit une nouvelle fois, plus sincèrement cette fois, et déposa sa main sur celle de sa petite sœur. Une petite sœur qui lui indiquait qu’elle avait effectivement faim, tout comme lui. Il réfléchit quelques instants avant de répondre :

Ca dépend si tu veux plutôt un truc sucré ou salé. Ils ont quelques petits plats bien sympas. Et si tu préfères un truc sucré, ils ont des parts de tarte ou de gâteau à tomber par terre.

Il commanda deux cafés ainsi qu’à manger, tandis que Bianca lui demandait des nouvelles de la ville et de la famille Copeland en particulier, avec qui ils étaient amis depuis tellement longtemps. Et encore une fois, il s’en voulait de ne pas avoir été une personne meilleure.

Pour être honnête, je n’ai plus de nouvelles de personne. Quand j’ai perdu la maison et l’argent de Toni, j’ai coupé les ponts avec tout le monde, j’avais honte. Mais je sais que les Copeland vivent toujours en ville, je les croise de temps en temps.

Mais il baissait les yeux, la honte l’envahissait, toujours.

@Bianca Flores