if we started talking again + Rose & Avery

La journée de garde aux urgences avait été longue, et la dernière intervention au bloc avait duré des heures, après un lourd accident de la route qui avait amené une famille entière sur différentes civières. S’il n’avait pas eu de nouvelles des parents, les enfants, eux, étaient tirés d’affaire et c’était avec un poids en moins que le Thompson sortit de la salle. Fatigué, mais rassuré, il avait jeté ses gants dans la poubelle du couloir, et retiré son masque pour aller chercher une profonde respiration. Appuyé contre le mur, il apercevait l’effervescence de la salle des urgences de loin, préférant rester à l’écart un moment, aspirant à un peu de calme bien mérité. Les dernières semaines avaient été compliquées, et ses émotions soumises à rudes épreuves avec le retour de Luna en ville et tout le lot de regrets, de remords, et d’espoirs qui allait avec le simple fait de poser les yeux sur elle à nouveau. Physiquement et mentalement épuisé, il se demandait comment il arrivait encore à tenir, mais la réalité de l’hôpital le ramenait toujours au même schéma : s’oublier pour sauver des vies.

Les yeux perdus dans le vide, fixant les urgences sans vraiment les regarder, son attention fut toutefois éveillée par un visage qu’il reconnaissait. Pour cause, il était sûr d’avoir aperçu une ancienne camarade de classe, et celle avec qui il avait été associé en binôme pendant toute sa scolarité à cause de leurs noms de famille alphabétiquement proches. Les sourcils froncés, il avança vers la salle, bondée, et soumise à une éternelle cohue, cherchant à travers les patients et les familles dans l’attente la silhouette de Rose. Après quelques secondes, il la remarqua enfin, avancée au niveau du poste d’accueil, discutant avec la secrétaire. Le brun s’approcha, et il put distinguer l’amabilité légendaire donc la vieille Mary pouvait faire preuve dans des journées aussi chargées. « Vous attendrez le temps que vous attendrez, vous avez vu le monde madame ? On a deux mains, comme vous. » Avery arqua un sourcil, puis réduisit l’espace qui les séparait avant de se racler la gorge. « Rose Sullivan, ça faisait longtemps… » La dernière fois remontait probablement au lycée, quand elle sortait encore avec l’un de ses copains, un joueur de l’équipe de football. Leur couple était source de pas mal de commentaires entre les murs du lycée, parce que Rose était jolie, c’était une évidence, et qu’il était une star de par son statut de sportif. Quelques mois plus tard, au détour d’une soirée, sans prendre la peine d’annoncer leur rupture, Avery avait compris que leur histoire s’était terminée quand il l’avait surpris à fricoter avec une autre, et à se vanter de son célibat. Les aléas des premiers émois. A cette époque, lui était toujours en couple avec Jade, une relation qu’ils avaient entamé lors de leur dernière année de lycée et qui avait pris fin il y avait désormais plus d’un an, un couple qu’ils avaient maintenu en vie alors que l’amour lui, s’était enfui depuis un moment déjà.

Le sourire aux lèvres, il jeta un regard bref à Mary, accompagné d’une petite moue qui traduisait sa façon de pensée sur sa manière de parler aux patients et à leurs accompagnants, puis reposa son attention sur la blonde. « Qu’est-ce qui se passe ? Ton petit frère a un problème ? » Il avait remarqué que le petit garçon avait les larmes aux yeux, alors le jeune médecin s’accroupit devant lui. « Je m’appelle Avery, tu veux bien qu’on regarde ce qui ne va pas ? » Mary se leva de sa chaise de bureau, derrière le comptoir, et s’apprêta à râler, mais le regard de travers du jeune homme la coupa et elle se rassit en silence, non sans souffler et secouer la tête. Le Thompson fit signe à Rose de le suivre, et posa une main sur la tête du petit pour le rassurer, et accompagner ses pas vers la salle d’oscultation qui venait de se libérer. Timing parfait. Sans un regard vers le secrétariat, il laissa Mary rayer de la liste d'attente le nom de Sullivan, et prit les choses en mains dans la bienveillance qu'il s'était promis de garder en toute circonstance, surtout dans son métier.

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@rose sullivan

if we started talking again

Les urgences. Je ne connaissais que trop bien cet endroit depuis cinq ans maintenant, et je ne pouvais toujours pas me faire à cette ambiance de foire du dimanche. Le monde y était comme attroupé sans aucune compréhension d’où il fallait aller. Les gens râlaient et se plaignaient de l’attente interminable. Et moi, j’étais seule avec mon fils. Perdu dans cette foule désorganisée. Je m’inquiétais pour lui parce que ce n’était pas la première fois qu’il faisait une crise de panique suivit d’un malaise. J’avais besoin de réponses quant à cet état qui prenait place en lui. J’avais besoin de comprendre, surtout parce que pour la première fois il était tombé dans les escaliers à cause de cette condition peu confortable. J’avançais donc vers cette femme mal lunée. Je ne savais pas si j’avais réellement envie d’entreprendre une discussion avec elle. Et pourtant je prenais sur moi. Deux personnes me succédaient et je trouvais que le temps se faisait de plus en plus long. À croire qu’elle perdait volontairement du temps pour laisser à la salle d’attente le temps suffisant pour se vider. C’était une aberration sans précédent. Je n’en pouvais plus. Et mon fils ne faisait que pleurer. Ça me brisait le cœur de le voir dans un tel état, mais j’étais encore une fois obligée de faire comme si tout allait bien. Je le tenais contre moi, caressant doucement son dos. Essayant au maximum de l’apaiser. Lui souriant, comme pour lui notifier que ça allait bien se passer.

Lorsque ce fut enfin notre tour, je ne prenais pas très longtemps à expliquer la situation. Oubliant quelques détails dans la précipitation certainement. Mais l’important était là. Il était tombé dans les escaliers à la suite d’un malaise et se plaignait de douleur au bras gauche. Rien de bien compliqué. Et pourtant cette femme tapait plus lentement qu’un paresseux sur son clavier. J’étais révolté d’une telle nonchalance de sa part. Sauf que le pire restera lorsqu’elle écrivit notre nom sur sa longue liste sans fin. Je ne pouvais pas me retenir de dire quelque chose. J’étais inquiète et angoissée. J’avais besoin de réponse. Excusez-moi. Combien de temps pensez vous que ça va prendre avant qu’il ne voit un médecin ? Soyons honnête. Je n’avais pas forcément envie de rester très longtemps dans ce genre d’ambiance. Et la baby-sitter m’avait prévenue qu’elle ne pourrait pas rester très tard en vue d’examens qu’elle devait passer le lendemain. Seigneur. Cette femme me hérissait le poil. Lorsque je fis attention à son regard, j’avais envie de la poignarder. Et sa réponse me donnait d’autant plus des envies de meurtres. Vous attendrez le temps que vous attendrez, vous avez vu le monde madame ? On a deux mains, comme vous. Je n’en revenais pas. Qu’elle garce. J’avais réellement envie qu’elle disparaisse. Sauf qu’une voix beaucoup trop familière m’enlevait de toutes mes pensées. Tournant ma tête lorsqu’il disait mon prénom, je n’en revenais pas. Avery. Rose Sullivan, ça faisait longtemps… Si longtemps que je ne pouvais que remarquer les changements physique qui avaient opérés avec le temps.

Cette rencontre me remémorait énormément de choses. Et la peur finissait par me prendre au ventre. Car autant j’aimais énormément cette personne, autant mon subconscient l’associait au père de Giovanni. Ce qui, soyons honnête, ne me faisait pas que du bien. Surtout parce que je me sentais lâche de ne jamais lui avoir redonné de nouvelles. Il avait toujours été adorable avec moi. Et je l’avais abandonné. Comme les autres fantômes de mon passé. Le sourire qu’il adressa au dragon me rappelait énormément de mimique qu’il pouvait avoir. Sauf que lorsqu’il finit par ouvrir la bouche, mon monde se remit en axe immédiatement. Qu’est-ce qui se passe ? Ton petit frère a un problème ? Je n’arrivais pas à répondre sur le coup. J’étais complètement choqué et désarcenée par ce qu’il venait de dire. Mon petit frère. Je le regardais s’accroupir devant Giovanni et ne pouvait que sourire face à la manière dont il s’adressait à lui. Je m’appelle Avery, tu veux bien qu’on regarde ce qui ne va pas ? Je ne pouvais pas garder ma langue plus longtemps. Il était comme avant. Il était adorable et je ne sais pas pourquoi j’ai peur de lui dire. Je ne sais pas pourquoi j’angoisse de parler dans cette situation. Mon fils se retrouvais à faire le travail de l’adulte. Aquiesant de la tête avant de suivre son nouveau médecin. Tu es forte Rose, fais le bon sang. Mais les choses se passaient si vite. Il me faisait signe de le suivre jusqu’à la salle d’oscultation et je devais avouer que j’appréciais énormément le calme qui pouvait s’y trouver. Je ne m’étais même pas occupé des possibles réactions du dragon de l’accueil. J’attendais que la porte se referme avant de finalement prendre la parole. Avery je… Je te présente mon fils, Giovanni. Giovanni, voici Avery. Maman était à l’école avec lui. Tu verras il est gentil mon cœur. Je me penchais vers la tête blonde de mon fils pour lui faire un bisous comme réparateur. Je le sentais d’un seul coup beaucoup moins angoissé et stressé. Sauf qu’il ne voulait toujours pas parler. Je… Il est tombé. Dans les escaliers… C’était une chute accidentelle.. Il a fait un malaise à cause d’une crise d’angoisse un peu trop forte… Ça lui arrive assez souvent d’en faire… Normal en même temps. Il n’avait jamais connu son père. Et la seule figure paternelle qu’il pouvait avoir était mort sans préavis il y a quelques années. De plus, il sait que je fréquente une nouvelle personne. Sauf qu’apparemment c’est plus stressant pour lui que pour d’autres. Je le regardais. Mon petit ange. Il allait s’asseoir tranquillement sur le lit d’osculation. Attendant sagement qu’on trouve ce qui n’allait pas. Je me sentais extrêmement coupable devant une telle situation.